Voici comment le budget fédéral de 2023 pourrait influencer l’avenir du français au Canada
OTTAWA – C’est ce mardi qu’Ottawa déposera son budget fédéral en pleine période d’inflation et celui-ci pourrait avoir un impact direct sur la vitalité du français au Canada et hors Québec au cours de la prochaine décennie.
La sortie du budget de 2023 coïncide avec deux éléments clés pour la francophonie canadienne : le Plan d’action sur les langues officielles, qui devrait être révélé dans les prochaines semaines, et la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO).
Le premier est une sorte de document qui guide le gouvernement durant cinq ans sur sa façon de gérer les enjeux relatifs aux communautés linguistiques en milieu minoritaire. Il arrive à un moment clé pour l’avenir du français au Canada, à la lumière des chiffres du dernier Recensement.
Quant à la refonte de la LLO, elle est présentement à l’étude en comité et le gouvernement tente de la faire adopter d’ici la fin de la session parlementaire en juin. Le projet de Loi C-13 et le Plan d’action vont main dans la main, a souvent répété dans les derniers mois la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor.
Si le contenu concernant les francophones dans ce budget est encore incertain, les chances sont toutefois fortes qu’Ottawa indique combien d’argent sera réservé au Plan d’action.
« Le Plan d’action représente un outil majeur pour lutter contre le déclin du français », observe la chercheuse en francophonie de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal.
Un impact « immense »
Cette dernière rappelle que le Plan d’action est en quelque sorte « le budget de la francophonie ». Mais en raison de la situation financière actuelle du pays actuellement, le budget de cette année pourrait être à l’image d’une « année de transition » pouvant résulter à de plus grands financements entre 2024 et 2028, estime la professeure.
« On va vers une nouvelle Loi sur les langues officielles avec de nouvelles mesures, car il y a des exigences dans cette Loi qui vont demander du financement. Le financement sera peut-être moins réjouissant cette année que dans les années à venir. »
Pour la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), le Plan d’action a un impact « immense » pour la francophonie canadienne, car il touche à l’ensemble des organismes, de la culture, la jeunesse ou encore l’éducation, énumère sa présidente Liane Roy. Un petit montant aurait donc un impact significatif, avance Mme Roy.
« Sinon, il y aura des organismes qui vont devoir fermer leurs portes ou laisser aller du personnel. Il y a des services qui ne pourront pas être offerts dans certaines régions. Dans certaines communautés, ce sont nos organismes qui offrent les services qui permettent d’ être capable de vivre en français tous les jours. »
Pour Linda Cardinal, le financement qui sera réservé aura un impact direct sur la vitalité du français hors du Québec et va démontrer aussi le sérieux ou non du gouvernement Trudeau dans ce dossier.
« On mise beaucoup sur le Plan d’action pour prévoir sur ce qui va être fait en matière de francophonie (…). C’est un outil d’action publique. Ça donne le ton aux langues officielles et ça permet de voir la vision que le gouvernement se donne des langues officielles », analyse la politologue.
300 millions pour les organismes
La FCFA demande au fédéral un financement, de 300 millions de dollars supplémentaires, sur cinq ans seulement pour les organismes francophones. Selon la FCFA, autour de 55 millions de dollars, en financement de base, sont envoyés chaque année aux organismes francophones par le fédéral. La FCFA aimerait obtenir alentour de 110 millions de dollars par année de la part du gouvernement.
Le dernier Plan d’action du fédéral, soit de 2018-2023 comportait un investissement additionnel de 500 millions de dollars, soit le plus haut montant réservé depuis le premier plan de Stéphane Dion en 2003.
Le Plan d’action comporte des mesures qui touchent à divers domaines de la francophonie canadienne. Celui de 2023 à 2028 devrait miser sur l’immigration, pour rétablir le poids démographique décroissant des francophones hors Québec.
« Aller chercher cet argent-là va nous permettre de faire un réseau postsecondaire franco-ontarien » – Fabien Hébert
Il y a aussi le secteur de l’éducation, notamment dans le domaine du postsecondaire, comme la promesse électorale des libéraux de doubler l’enveloppe destinée aux universités et collèges à 80 millions de dollars par an et de rendre celle-ci permanente. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) mise beaucoup sur cet engagement des libéraux, rappelant le désir des universités franco-ontariennes, comme l’Université de l’Ontario français (UOF), l’Université de Hearst et l’Université de Sudbury, à augmenter leur collaboration.
« C’est certain qu’aller chercher cet argent-là va nous permettre de faire un réseau postsecondaire franco-ontarien », soutient le président de l’AFO, Fabien Hébert. « On est dans un univers où on a besoin de concerter nos efforts et où les ressources sont limitées. Donc, être capable de créer des synergies entre nos institutions va nous permettre d’être efficaces et de mieux répondre aux besoins de notre communauté francophone. »
Pour la modernisation de la LLO, Ottawa s’était mis de côté 16 millions de dollars, lors de la mise à jour économique de l’automne 2021, pour la mise en œuvre du projet de Loi C-13, une fois la sanction royale obtenue.