Campus Saint-Jean : l’inquiétude règne au sein de la francophonie albertaine
De récentes décisions de la direction du Campus Saint-Jean, dont celle de retirer par « erreur » le français d’une enseigne, inquiètent au sein de la communauté francophone de l’Alberta.
Le Campus Saint-Jean est une faculté de l’Université de l’Alberta avec près de 700 étudiants et le seul établissement postsecondaire en français à l’ouest de Winnipeg. Il est situé à Edmonton dans le quartier Bonnie Doon, désigné comme le cœur de la francophonie albertaine.
Lundi, les employés ont eu la surprise de constater que le français sur leur enseigne bilingue à l’avant de l’édifice avait été retiré au profit d’une unilingue anglophone. La direction a publié un communiqué mardi admettant que « l’omission de la dimension francophone sur le panneau d’entrée du Campus Saint-Jean est une erreur importante et regrettable ».
« Le panneau sera immédiatement retiré, et un nouveau panneau d’entrée sera installé qui reflète l’identité culturelle francophone unique du Campus tout en s’alignant sur la nouvelle image de marque institutionnelle », est-il déclaré.
Pour l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), « c’est complètement un manque de respect de la part de l’Université de penser que ça aurait pu être raisonnable ».
« C’est un geste d’assimilation. Ça montre un manque de compréhension totale », dénonce son président Pierre Asselin.
Un peu plus tôt en juin, une salle historique qui comporte des objets et produits faisant référence à l’histoire francophone de la province et du Campus Saint-Jean a disparu pour faire place à une salle de classe. Des artefacts et des objets qui y étaient sont inévitablement reliés aux oblats, qui ont fondé en 1908 cette école. Les Oblats ont joué un rôle important dans les pensionnats autochtones, eux qui en ont administré 48 pour Autochtones au Canada. Les artefacts et autres éléments qui s’y trouvaient ont été entreposés, mais cette décision a été prise sans consultation, dénonce la communauté francophone.
En avril, la faculté expliquait dans un communiqué que le campus serait « partiellement rénové » pour transformer progressivement son infrastructure pour y « intégrer une dimension inclusive et respectueuse, tout en adoptant une approche éducative des éléments historiques restants ».
Un « effacement » de la francophonie albertaine
Ces gestes posés sont porteurs d’un plus grand message selon M. Asselin, qui avance que plusieurs membres de la communauté s’inquiètent de plus en plus de l’avenir de la faculté. L’arrivée d’un nouveau doyen, Jason Carey, en juin 2022, combiné à un renouvellement de la mission de l’Université de l’Alberta fait craindre le pire aux membres de la communauté.
« Dans la dernière année où le doyen est en poste, on n’a jamais été aussi interpellé par les membres de la communauté par rapport à leur inquiétude au Campus Saint-Jean. Les gens sont très inquiets », ne cache pas M. Asselin.
Ce qui se passe dans les derniers mois est « un effacement de l’histoire de la Faculté Saint-Jean », estime de son côté Carol Léonard, professeur spécialisé dans la toponymie au sein de l’institution franco-albertaine.
Selon ce dernier, les relations entre l’Université et la communauté sont « au plus mal » ces derniers temps.
Des changements au sein de la direction et d’autres événements font en sorte que « le français ne paraît plus de manière aussi évidente qu’auparavant » au sein du campus francophone, déplore-t-il. Le professeur Léonard n’hésite pas à se demander si l’Université n’osera pas changer le nom du campus. Depuis plusieurs années, une sorte de nuage noir plane au-dessus de l’institution, à la suite de nombreuses coupures budgétaires et d’un financement incertain.
« Il semble important pour la communauté et les gens à l’intérieur de l’Université qu’elle dise clairement ce qu’elle entend faire et pourquoi elle entend le faire », demande lui qui est aussi membre de la Société historique francophone de l’Alberta.