Étudiants étrangers : le regard des établissements francophones se tourne vers le gouvernement Ford
OTTAWA – Face à la décision du gouvernement fédéral de plafonner le nombre d’étudiants internationaux, des établissements francophones surveillent désormais les prochaines décisions qui seront prises par le gouvernement Ford, certains craignant des effets substantiels.
« L’impact du plafond sur les visas risque d’être majeur », a réagi l’Université d’Ottawa dans une déclaration écrite, suite à l’annonce fédérale hier de limiter le nombre de nouveaux étudiants étrangers au pays à 360 000 pour la rentrée prochaine.
Ottawa liera le nombre de permis à la population de chaque province et territoire. Cette mesure signifierait deux fois moins d’étudiants en provenance de l’étranger en Ontario.
Immigration Canada n’a pas divulgué exactement comment il comptait départager les demandes de permis d’études par province et territoire. Toutefois, Marc Miller a indiqué hier que cela serait basé sur le poids démographique des provinces et territoires respectifs au sein du Canada.
Basé sur cette affirmation, il va donc dire que les établissements ontariens pourraient accueillir aux alentours de 140 000 nouveaux étudiants étrangers en 2024, contre 300 000 nouveaux permis d’études octroyés en 2023. Il s’agira ensuite aux différentes provinces et territoires de redistribuer les permis d’études au sein de leurs établissements postsecondaires.
« Nous allons initier des discussions avec le gouvernement provincial pour mieux comprendre l’impact réel sur notre université », déclare Ricky Landry dirigeant principal des communications à l’Université d’Ottawa, ajoutant que l’établissement « arrive généralement à trouver des places en résidence pour la plupart des étudiants internationaux qui en ont besoin ».
Même son de cloche à l’Université de l’Ontario français (UOF), dont la moitié de ses 230 étudiants provient de l’étranger et où l’on est un peu dans le néant, quelques heures après l’annonce.
« On ne sait pas comment à l’intérieur de la province les permis vont être octroyés, où les réductions vont être imposées. Les provinces ont jusqu’à la fin mars pour établir leur mode de fonctionnement. Jusque là, il est assez difficile de savoir qui va être touché (…). Il va falloir être patient jusqu’au mois de mars », affirme la directrice des communications de l’établissement, Claire Francoeur.
« Une mesure sans nuance », réagit l’ACUFC
Dans le Nord, l’Université de Hearst, dont la très grande majorité de la clientèle provient de l’international, on affirme « surveiller l’évolution de ce dossier, notamment à savoir si les étudiants internationaux francophones seront touchés de la même façon ».
« Notre approche personnalisée nous permet d’ailleurs de trouver un logement pour chaque étudiant avant même son arrivée au Canada, éliminant ainsi des situations de précarité du logement », souligne son recteur Luc Bussières.
L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), qui représente une vingtaine d’institutions francophones hors Québec, dont l’ensemble de celles en Ontario, se dit « inquiète d’une mesure sans nuance, un one size fits all ».
« On est aussi très inquiet de ce mécanisme-là, à savoir comment la province va distribuer les permis d’études disponibles et si ça sera équitable envers les établissements francophones », s’interroge le directeur de la recherche stratégique à l’ACUFC, Martin Normand.
La ministre des Collèges et Universités de l’Ontario, Jill Dunlop a indiqué dans une déclaration être « consciente que certains individus malveillants exploitent ces étudiantes et étudiants, en leur faisant de fausses promesses, telles que l’assurance d’un emploi garanti, d’une résidence permanente et même de la citoyenneté canadienne ».
« Nous sommes en communication avec le gouvernement fédéral, afin de trouver des solutions qui permettront de sévir contre ces pratiques abusives, notamment en ce qui concerne le recrutement frauduleux », déclare-t-elle.
La ministre ajoute que le fédéral et la province assument « une responsabilité collective au niveau de la stabilité du secteur postsecondaire » à ce que « le recrutement d’étudiants internationaux répond aux besoins spécifiques de l’Ontario en matière de main-d’œuvre ».
Et pour les francophones?
L’ACUFC pense que les petits établissements ontariens francophones pourraient être forcés de faire des économies si une réduction de la moitié de leurs effectifs internationaux leur était imposée, car « c’est connu qu’en Ontario, ils sont sous-financés » par la province.
« Donc si les nouveaux revenus en venaient à être réduits de 50 % dans un établissement, ça peut vouloir dire revoir l’offre de service et l’offre de programmes. On ne sait pas encore, mais nécessairement une perte de revenus, ça amène des décisions difficiles », juge Martin Normand.
L’ACUFC espère que le gouvernement Trudeau « prévoit des balises qui vont protéger les établissements francophones dans le processus », surtout après avoir inclus ceux-ci dans sa nouvelle politique en immigration francophone dévoilée la semaine dernière, presse l’organisation.