Ce que les leaders francophones attendent du prochain maire de Toronto
TORONTO – Les principaux candidats à la mairie de Toronto ont révélé leurs projets pour le développement de l’offre à destination de la francophonie de Toronto. Mais, à trois jours du scrutin, si les attentes des leaders de la communauté francophone du milieu des affaires, du milieu associatif, communautaire et culturel, sont d’ordre linguistique, avec notamment une meilleure reconnaissance du fait français, elles sont également en phase avec les crises auxquelles la ville fait face touchant de près ou de loin tous les Torontois.
Selon Richard Kempler, le directeur général de la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA), l’accessibilité des services en français reste le sujet majeur pour la communauté : « On attend que le français soit reconnu à part entière. Elle a beau être la 17e parlée à Toronto, c’est une langue fondatrice de notre pays, qui fait partie de son ADN. »
Il ajoute que le français devrait systématiquement figurer en deuxième place, de façon prééminente, après l’anglais, dans les communications de la mairie, actuellement traduites dans une dizaine de langues. Allant plus loin, il met sur la table le besoin d’une désignation de Toronto comme ville bilingue.
Zhara Diallo, présidente de l’Association des communautés francophones de l’Ontario à Toronto (ACFO) invoque ces mêmes droits pour les habitants d’expression française : « Toutes les communications ou sites de la ville devraient être traduits dans les deux langues officielles. »
Elle mentionne également le maintien et le renforcement du Comité des affaires francophones de la ville de Toronto pour de plus grands progrès en offre active : « Toronto étant une région désignée, nous aimerions certainement voir une amélioration concrète de l’accès aux services en français offerts par la ville sur l’ensemble de son territoire. Nous voudrions que cette offre de services soit systématique et pas exceptionnelle. »
Côté entrepreneuriat, l’existence d’un Centre d’entrepreneuriat pour les petites entreprises (CEPE) à vocation bilingue n’a, selon Richard Kempler, ni les ressources en français, ni le personnel adéquat : « En réalité, les entrepreneurs franco nouvellement arrivés ne sont pas aidés. La FGA œuvre directement auprès de la province et essaye d’obtenir un CEPE francophone, différent de celui de la ville qui ne remplit pas son rôle », ajoute-t-il.
Le président du Salon du livre francophone de Toronto, Valéry Vlad, se rappelle le goût amer laissé par l’épisode des livres français retirés des bibliothèques en 2020 par John Tory, le maire sortant : « Je me souviens, c’était un coup de poignard dans le dos que j’espère ne plus jamais vivre. Qui plus est de la part d’un maire qui avait commencé le discours inaugurant son mandat en français! »
« Même si, suite à l’indignation générale et à l’intervention du gouvernement fédéral, la Ville a rétropédalé, la francophonie porte encore la trace de cette gifle… »
Il dit espérer du nouveau maire un changement d’état d’esprit vis-à-vis du fait français à Toronto. « J’espère que le Salon du livre de Toronto accueillera, enfin, lors de sa 31e édition, le maire ou la mairesse de la ville. Ce n’est jamais trop tard! » conclut celui-ci.
Le milieu associatif et communautaire tire la sonnette d’alarme sur le logement
Pour Florence Ngenzebuhoro, directrice du Centre francophone de Toronto, c’est la crise du logement qui devient un problème presque insurmontable : « Le Centre souhaite que la ville de Toronto élise un maire ou une mairesse qui saura s’attaquer à cette crise en engageant les parties prenantes impliquées dans la résolution de ce fléau. »
Elle souhaite que le centre puisse collaborer avec la mairie pour développer plus d’options de logement abordable pour les francophones de Toronto.
Marianne Goodwin, la présidente du conseil d’administration de La Maison, la seule maison d’hébergement pour femmes francophones victimes de violence à Toronto, tire, elle aussi, la sonnette d’alarme sur « le manque criant de logements pour les femmes qui fuient la violence conjugale et physique. Par le fait même il y a un nombre limité de lits disponibles pour les femmes francophones et leurs dépendants ».
En raison de ce manque de logements prioritaires, selon celle-ci, la durée de séjour des femmes à La Maison se prolonge d’année en année pour les femmes accompagnées de leurs familles.
Une problématique qui anime également Dada Gasirabo, la présidente de l’organisation Oasis centre des femmes, pour qui « Les nouveaux dirigeants devraient travailler à mettre en place des politiques d’abordabilité et d’équité du logement ».
Celle-ci pointe également du doigt le coût de la vie à Toronto, notamment le taux d’inflation à la hausse avec un niveau de pauvreté qui augmente, et espère des mesures sociales concrètes pour aider les plus démunis.
« Le niveau de sécurité de tout le monde est de ce fait à haut risque, avec de plus en plus de sans-abris, de personnes avec des problèmes de santé et de santé mentale, générant des violences en tous genres », déclare-t-elle.
Mme Gasibaro met également l’emphase sur des enjeux tels que le racisme, la parité et l’égalité des genres, et l’homophobie : « L’inclusion est une valeur essentielle à cultiver à Toronto. On doit y entretenir un sentiment d’appartenance pour chacun. »
« Toronto est une ville très riche en ressources humaines avec une belle diversité et de belles infrastructures. Le prochain maire doit réinventer des stratégies pour effacer les fossés d’inégalités grandissantes, utiliser le potentiel humain et diversifié », conclut-elle.