Les bibliothèques de Toronto retirent des milliers de livres en français

TORONTO – Des dizaines de milliers de livres en français disparaîtront des tablettes du réseau de bibliothèques de Toronto. Et certaines bibliothèques n’offriront tout simplement plus de livres francophones. Les dirigeants du plus grand réseau de bibliothèques du pays affirment agir ainsi notamment en raison du faible taux d’emprunt de certaines collections en français.

« Nous avons déjà retiré plusieurs items en français : nos livres de poches, nos CD et DVD en français pour enfants et adultes, les romans pour adolescents et bandes dessinées adultes, notamment », a confirmé un employé de la bibliothèque Cedarbrae de Scarborough.

« On nous a envoyé une note disant que le taux d’emprunt des livres francophones et multilingues avait chuté de 47% et qu’on devait les enlever immédiatement. Le mémo qu’on nous a envoyé pointait du doigt les plateformes comme Netflix. Actuellement, une bonne partie de nos étagères sont vides… », a-t-il confié.

La bibliothèque de Malvern dans le nord de Toronto. Crédit image : les bibliothèques publiques de Toronto

La bibliothèque de Malvern se prépare aussi à retirer environ 500 livres en français de ses étagères, a appris ONFR+.

« Si vous voulez venir en emprunter, il faut le faire maintenant! Car, on prévoit les enlever bientôt. On doit enlever tous les livres pour adultes et enfants en français », a confié un employé de cette succursale.

Les bibliothèques de Toronto confirment l’information

La porte-parole des bibliothèques publiques de Toronto, Ana-Maria Critchley, confirme la fermeture de plusieurs sections francophones de son réseau. Suite à la publication de cet article, elle a révélé que 26 000 livres en français seront retirés des tablettes, soit 18% de la collection francophone des bibliothèques de la Ville reine.

« Nous avons terminé un processus de révision de trois ans de nos collections francophones et multilingues et nous allons retirer du matériel et fermer certaines collections en raison de leur faible utilisation », a-t-elle indiqué par courriel.

Elle affirme qu’il est « commun » de remplacer du vieux matériel par du neuf, n’expliquant pas pour autant pourquoi certaines bibliothèques voient l’ensemble du matériel francophone disparaître du jour au lendemain.

« Si certaines collections adultes en français vont fermer, nous conservons néanmoins des collections dans 17 succursales plus grandes, où ce matériel circule bien, notamment à la bibliothèque de référence de Toronto et à la bibliothèque centrale de North York », dit-elle.

Ana-Maria Critchley affirme cependant que les collections francophones pour enfants sont populaires et que son organisation pourrait augmenter le nombre d’ouvrages de cette catégorie prochainement dans « 73 succursales de la ville ».  

Certains bibliothécaires de son réseau contactés par ONFR+ affirment pourtant que ce ne sont pas seulement les collections adultes en français qui disparaissent, mais aussi du matériel pour enfants et adolescents.

L’ACFO de Toronto en colère

Le « chien de garde » des francophones de Toronto, l’Association des communautés francophones de l’Ontario à Toronto (ACFO-Toronto) a dénoncé avec colère le retrait de milliers de livres en français des tablettes des bibliothèques torontoises. Toronto, la métropole d’un pays bilingue, doit offrir la place qui lui revient à la littérature francophone, croit son président, Serge Paul.

« Ce n’est pas logique de s’attaquer aux livres francophones. Il ne faut pas juste regarder les chiffres. Ce n’est pas acceptable. Il y a deux langues officielles au Canada, notre langue est aussi importante que la langue anglaise. Les francophiles aussi empruntent ces livres, c’est vraiment dommage », dit-il.

Serge Paul appelle à la mobilisation des citoyens. « Nous avons envoyé une lettre au conseil d’administration des bibliothèques de Toronto, mais aussi à l’ensemble des conseillers municipaux de la Ville », a-t-il annoncé.

L’ACFO-Toronto blâme les dirigeants des bibliothèques de Toronto pour le peu de promotion qu’ils font des collections francophones. C’est aussi à eux de susciter l’intérêt pour ces contenus en français, dit-il.

« Les bibliothèques devraient miser sur la communauté et susciter de l’intérêt. Il y a peu de travail pour aller voir les communautés et susciter de l’intérêt. Qu’ils utilisent les réseaux sociaux! Et moi, je veux voir leurs chiffres pour avoir un véritable état des lieux », soutient M. Paul.

Les bibliothèques de Toronto ont bien un responsable de la programmation en français, mais celui-ci gère davantage les clubs de lecture et la programmation d’activités et de conférences.

Article écrit avec la collaboration de Rudy Chabannes