Ces députés qui décident d’apprendre le français
OTTAWA – La Chambre des communes offre la possibilité aux députés de suivre des formations linguistiques afin d’apprendre ou de parfaire leur connaissance de l’autre langue officielle. ONFR+ s’est entretenu avec trois d’entre eux.
La députée ontarienne Marylin Gladu est candidate à la direction du Parti conservateur du Canada (PCC). Si elle ne part pas favorite de cette course, l’élue fédérale de Sarnia-Lambton depuis 2015 n’a pas attendu la perspective du 27 juin, date de l’élection du chef conservateur, pour apprendre le français.
« J’ai appris le français à l’école en 7e année et à 30 ans, je voyageais au Québec trois fois par semaine pour mon travail. Quand je suis arrivée sur la colline parlementaire, j’ai immédiatement cherché un professeur pour améliorer mon français et connaître les mots parlementaires. Aujourd’hui, la moitié de mes discours sont en français et je peux faire des entrevues. Mon français n’est pas parfait, mais il s’améliore », sourit-elle, dans une entrevue en français avec ONFR+.
Formation linguistique
Mme Gladu fait partie des 99 députés qui ont suivi des cours de français à Ottawa, entre le 1er avril 2018 au 31 mars 2019.
L’Administration de la Chambre des communes offre, à ses frais, des cours de langue individuels ou de groupe, ainsi que des formations dans les circonscriptions des députés et des stages en immersion à travers le Canada. Pour la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, 12 députés ont suivi une formation en français dans leur circonscription et 29 se sont inscrits à un programme d’immersion.
Michel Bernard, directeur de l’Institut de linguistique appliquée de Québec (Logibec-ILAQ), mais aussi professeur de français, explique le déroulement des stages.
« Les députés viennent une semaine. Ils ont sept heures de cours par jour. On travaille sur leurs problèmes spécifiques. Le soir, ils peuvent rester dans une famille d’accueil ou aller à l’hôtel, ce que généralement ils préfèrent. Certains viennent avec un but précis, pour préparer un débat ou une course à la direction, mais pas forcément pour apprendre le français. »
Élu aux élections de l’automne, le député néo-démocrate d’Hamilton Centre, Matthew Green, a fait son premier cours début février.
« C’était ma priorité dès que j’ai été élu d’apprendre le français, car je pense que c’est toujours mieux de suivre les débats dans la langue originale que via un interprète. Tout le monde parle français ici et j’ai de plus en plus de francophones dans ma circonscription », explique-t-il. « J’ai suivi quelques cours de français à l’école, mais le curriculum en Ontario n’est pas bien adapté. On n’insiste pas assez sur la conversation, mais trop sur la grammaire et la conjugaison. »
M. Green prévoit suivre deux heures de cours par semaine, s’inscrire également dans sa circonscription et effectuer des stages en immersion.
Mieux représenter le pays
En mars 2017, devant le comité permanent des langues officielles, le responsable du Centre de formation linguistique, Pierre Parent, remarquait que « typiquement, après une élection, il y a une hausse des inscriptions », mais que ce nombre diminue ensuite.
Inscrit à des cours de français depuis 2016, le député libéral de York-Sud-Weston, Ahmed Hussen, lui, persévère.
« Je comprends, je lis, mais c’est difficile de parler », explique, en français, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social. Et de poursuivre en anglais : « Mes progrès de ces derniers mois m’encouragent. Quand quelqu’un fait un discours en français, je peux le comprendre. Chaque fois que j’ai du temps libre, j’utilise des logiciels. »
M. Hussen raconte s’entraîner aussi avec ses collègues, notamment avec Diane Lebouthillier.
« Elle me parle en anglais et je lui parle en français! », sourit-il.
Le député ontarien se fixe comme objectif de pouvoir faire des entrevues en français d’ici la fin de l’été.
« C’est très important pour moi d’apprendre l’autre langue officielle du Canada. J’en suis très fier et j’y crois! Ça me donne l’occasion de mieux représenter le pays et de pouvoir connecter et comprendre la perspective des communautés francophones et bilingues. »
Pour M. Bernard, tout le monde est capable d’apprendre la langue de Molière.
« Même si certains sont plus doués que d’autres, tous peuvent y arriver. Mais il faut aussi comprendre que c’est plus difficile pour un anglophone de se motiver à apprendre le français. Pour un francophone, l’anglais, c’est vital! Pour un anglophone, c’est seulement politique. Il lui manque un environnement francophone. Il doit vraiment le désirer s’il veut y arriver. »
Une question de motivation
Mme Gladu n’a pas de problème de motivation. Deux fois par semaine, parfois moins quand elle est trop occupée, elle suit des cours. Et dans sa circonscription, elle pratique aussi son français.
« Je préfère faire des cours de discussion, car c’est le plus important de parler et de comprendre quand tu es politicienne. À Sarnia, on a 8 000 francophones, je parle français là-bas dans des événements et aussi avec des amis francophones. J’ai encore du mal si on parle très vite ou avec un accent que je ne connais pas, surtout au téléphone, mais j’ai la passion de m’améliorer. »
« Je ne suis pas bilingue, mais je veux le devenir! » – Marylin Gladu, députée conservatrice
À la polémique sur le français de Peter MacKay, elle sourit en disant être la candidate à la direction conservatrice qui a le meilleur français.
« Comme chef, il est très important de parler les deux langues officielles. Si vous ne pouvez pas parler le français et l’anglais, vous ne pouvez pas être premier ministre! »
Quant aux élus qui disent ne pas avoir le temps, elle rétorque : « Je pense qu’il faut commencer. On est très occupé, je sais, mais si tu essaies, beaucoup de personnes peuvent t’aider. On a les services et les opportunités. Et personne ne va rire de toi si tu fais des erreurs en Chambre! »