La crise que nous avons créée

Un jeune réfugié syrien de 3 ans a été retrouvé mort noyé sur une plage en Turquie, alors que sa famille tentait de fuir la guerre civile.

[CHRONIQUE]
La campagne fédérale a pris un tournant international avec la publication d’une photo d’un enfant noyé, sur le bord d’une plage en Turquie. Un enfant dont la famille aurait tenté d’immigrer au Canada. Étant membre du G-20 et l’un des pays les plus industrialisés du monde, plusieurs pays pensent que nous pouvons en faire davantage. Mais le baume de l’acceptation d’un plus grand nombre de réfugiés ne va rien faire pour régler une crise internationale fabriquée à même les décisions politiques des leaders occidentaux.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

Il y a près de 60 millions de réfugiés, ce qui est du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale après laquelle les pays de l’Occident et l’ex-URSS se sont affairés à intégrer les mieux éduqués et laisser pour compte des millions d’autres. La situation est si critique que des familles entières risquent de naître et mourir dans des camps de réfugiés. Les enfants déplacés, n’ayant qu’un accès partiel à une éducation et parfois aucune citoyenneté, ont des séquelles qui leur sont imposées non simplement par l’inaction occidentale, mais bien les manigances diplomatiques et militaires dont nous-mêmes sommes coupables.

De nombreux pays, les États-Unis sont en tête de liste, ont décidé de participer au très dangereux jeu d’échecs international, plaçant des pions sous forme de vente d’armes à des régimes n’ayant aucun intérêt dans les droits de la personne. Des régimes corrompus ont opprimé leurs populations, provoquant des guerres civiles elles-mêmes financées par des intérêts étrangers. Ce sont les civiles qui ont été les victimes ultimes de ces conflits fabriqués.

Le manque de leadership occidental, tant du Canada que des États-Unis, pour ramasser les pots qu’ils ont eux-mêmes cassés, a créé une situation tout à fait inimaginable. La solution d’accepter un plus grand nombre de réfugiés, quoique noble, n’est en fait qu’un petit pansement sur une énorme plaie. Certes, les politiciens fédéraux doivent prendre un engagement vigoureux pour sauver la vie des millions de personnes déplacés qui n’ont plus d’espoir, victimes de discrimination, de crimes et d’insécurité – le lot des camps de réfugiés. Mais il faut surtout le courage d’arrêter le financement de régimes outrageux pour les droits de la personne.

 

Droits de l’Homme

Le Canada s’apprête à vendre pour 15 milliards $ d’équipement militaire à l’Arabie Saoudite, un des régimes le plus opprimants et dégoûtants au niveau des droits de l’Homme. Un pouvoir important au Moyen-Orient, le régime saoudien s’est lui aussi amusé à être un « faiseur de rois » dans la région pour faire avancer ses intérêts. Or, comment pouvons-nous justifier une telle vente lorsque ce régime est reconnu pour pourfendre les droits de la personne et vendre eux-mêmes de l’équipement militaire à des régimes ou des rebelles qui provoquent ces crises de réfugiés.

Par le passé, le Canada a été fort généreux dans son accueil des réfugiés vietnamiens après la débâcle à Saigon (maintenant Hô Chi Minh-Ville). L’Ontario, dont la ville de Toronto, a accueilli des milliers de réfugiés qui se sont tout à fait intégrés à la société canadienne. Il est tout à fait incompréhensible que nos gouvernements, tant à Ottawa qu’à Toronto, soient si réfractaires à exercer du leadership humanitaire nécessaire pour prévenir la souffrance des millions de personnes déplacées dans ce monde qui, au final, ont souffert en raison de nos ambitions.

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.