
Cindy Caron : « Plus personne ne croit à une qualification des Maple Leafs »

ENTREVUE EXPRESS
QUI
Cindy Caron est LA spécialiste francophone des Maple Leafs de Toronto. Elle suit l’équipe depuis 8 ans pour L’Express de Toronto.
LE CONTEXTE
Après avoir mené 2-0 dans la série qui les oppose aux Panthers de Floride au deuxième tour des séries éliminatoire de la LNH, les Maple Leafs ont concédé deux matchs à l’extérieur avant de totalement déjouer lors de la cinquième manche perdue sur le score de 6-1, mercredi à l’aréna Scotiabank. Désormais dos au mur, l’équipe torontoise doit absolument s’imposer en Floride, ce vendredi, pour espérer arracher un match 7, qui aura lieu dimanche.
L’ENJEU
Les Maple Leafs déçoivent en séries depuis des années en ayant eu la fâcheuse habitude de se faire remonter et de perdre lors des matchs décisifs des séries. Cindy Caron fait le point sur l’ambiance au sein de la franchise et de ses partisans à quelques heures de la rencontre décisive de ce vendredi soir. Les Torontois peuvent-ils renverser la vapeur et vaincre leurs vieux démons? L’experte, comme tous les observateurs, n’est pas très optimiste tant l’équipe a déçu ces dernières années.
« Quelle était l’ambiance mercredi soir dans l’aréna, après cette défaite cinglante des Mapple Leafs ?
En fait, avant même la fin du match, dès la fin de la première période, les partisans ont montré leur mécontentement. Les Leafs ont eu un avantage numérique et n’ont pas été été capables de capitaliser. Les partisans ont commencé à les huer immédiatement. Ça n’a pas arrêté : dans la dernière minute de la première période, quand les Leafs sont rentrés au vestiaire, ils se sont fait huer de nouveau et ça a continué dans la deuxième. En milieu de troisième, la moitié de l’aréna était partie. Il y a des gens qui ont lancé des chandails. Deux chandails d’Auston Matthews ont été lancés sur la glace.
C’est sûr que c’est du monde qui a payé très, très cher pour être là hier. Le moins cher pour entrer, c’était autour de 400$ pour en haut. Ça allait jusqu’à 1200$! Tu vas là, et c’est 6-0 en troisième période. Les Leafs n’ont rien fait… C’est le pire match des neuf dernières années de l’équipe.

Comment expliquez-vous une telle contre-performance, qui semble se répéter année après année ?
Au premier tour contre les Sénateurs, tout le monde a eu l’impression que c’était le nouveau coach, les nouveaux joueurs, une nouvelle mentalité, un nouveau système.
Ça cliquait bien. On se disait qu’ils étaient passés par-dessus les embûches des autres années. Il y avait une nouvelle vibe avec l’équipe. On se disait que les vieux démons du passé, c’était justement dans le passé.
Après les deux premiers matchs gagnés contre la Floride, tout le monde, même les médias, sentait une fraîcheur, une attitude différente. Moi, c’est ma huitième saison. C’est la première fois que je me dis ‘OK, là, peut-être que ça se pourrait’. Mais là, ils perdent deux matchs en Floride. On tombe à 2-2. L’aspect mental revient. Les fantômes du passé reviennent. C’est des gars qui ont perdu, perdu et reperdu les neuf dernières années.
L’entraîneur a expliqué que ses joueurs pensaient trop et ne jouaient plus au hockey. C’est ce qu’on a vu, une équipe qui faisait huit passes avant de lancer. Mais si tu ne tires pas au but, tu ne peux pas compter. Un gars comme Mitch Marner a zéro tir au but en deux matchs, mais il fait 10,9 millions par année. C’est juste ça : ils sont trop dans leur tête. Toutes les défaites du passé les rattrapent.
Est-ce qu’il y a un espoir de les voir quand même retourner la situation?
Oui, c’est possible. Ils pourraient bien gagner à Sunrise ce vendredi et revenir à Toronto dimanche. Mais, par le passé, Toronto s’est fait éliminer en 7 à la maison quatre, cinq fois des lors des neuf dernières années. Alors tu te dis, c’est quoi le point? Les fans vont encore une fois dépenser des montants fous pour peut-être voir leur équipe se faire éliminer. Est-ce qu’il y a espoir? Oui. Est-ce qu’ils peuvent ramener ça en 7? C’est possible.
Je pense qu’il faudrait que ça se fasse, ne serait-ce que pour montrer qu’ils sont rendus au deuxième tour, que ce n’est pas juste 4 ou 5 matchs et c’est fini.
Mais peu importe ce qui va arriver dans les prochains jours, ça va probablement être la fin de l’ère Matthews-Marner à Toronto. Peu importe le résultat, je pense que Mitch Marner est parti cet été, c’est garanti. Maintenant, ça dépend de comment ils veulent finir ça. Est-ce qu’on va se souvenir d’une équipe qui s’est fait éliminer sans livrer la marchandise pendant trois matchs consécutifs, après avoir mené 2-0?

Les partisans y croient-ils encore ou peuvent-ils lâcher l’équipe sur les derniers matchs?
Je dirais que les partisans n’y croient plus. Mercredi soir, sur les réseaux sociaux, c’était intense. ’Échangez le capitaine’, ‘Marner dehors’, ‘Videz l’équipe’… Les fans ont souvent été blessés. C’est beau de soutenir ton équipe, mais à un moment donné, des performances comme celle de mercredi, c’est impardonnable.
Personnellement, je m’attends à ce qu’ils gagnent en Floride. Ils ont tendance à faire ça. C’est souvent leur pattern en séries. Mais est-ce qu’ils vont gagner la série? Présentement, ni les observateurs, ni les journalistes, ni les partisans n’y croient vraiment.
Les partisans seront là s’il y a un match 7, mais si on assiste à une performance du même genre que le 5, ça va exploser. Après, malgré l’élimination, les partisans seront toujours là. Ils vont lâcher l’équipe pour l’été et seront de retour pour la nouvelle saison. C’est toujours les montagnes russes avec les Leafs.
Pour finir, comment jugez-vous les performances de Simon Benoît, le francophone de l’équipe?
Honnêtement, Simon Benoît est une belle acquisition. Il a eu de la difficulté à se faire sa place au début, puis il s’est établi. Plus la saison avançait, plus il est devenu un favori de la foule.
En séries, il s’est vraiment imposé comme un défenseur important. Il a ajusté son style aussi. Défensif à la base, il a ajouté une touche offensive. Il a même marqué le but gagnant, en prolongation, lors du match 3 contre les Sénateurs. Le plus gros but de sa carrière!
C’est aussi le joueur avec le plus de lancers bloqués en ce moment. Beaucoup de mises en échec, peu d’erreurs. Il a signé un contrat de trois ans l’an dernier. C’est vraiment une belle addition pour les Leafs. Il va continuer à progresser. Il y a beaucoup de positif pour lui. »