Comité réclamé à Queen’s Park pour traiter des services en français
TORONTO – Maintenant qu’il a son indépendance de la ministre déléguée aux Affaires francophones, le Commissariat aux services en français de l’Ontario (CSFO) souhaite que ses recommandations fassent l’objet d’une discussion élargie entre tous les élus à l’Assemblée législative.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
Le commissaire François Boileau recommande, dans son plus récent rapport annuel, déposé le jeudi 10 juillet, la création d’un comité parlementaire permanent sur les services en français « chargé notamment de traiter des questions liées au bien-être et à l’épanouissement » de la communauté francophone de l’Ontario.
« Je me suis aperçu qu’il n’y avait nulle part où aller, au parlement, pour réagir aux recommandations et propos rendus dans (mes) rapports », a déclaré Me Boileau lors d’un point de presse, le 10 juillet. « Il n’y a pas de possibilité d’échange avec les parlementaires par rapport aux questions et enjeux liés à l’application de la Loi sur les services en français ».
L’idée de créer un nouveau forum de discussions sur les services en français a reçu, d’emblée, un accueil favorable à Queen’s Park.
« C’est une bonne recommandation », a réagi la ministre déléguée aux Affaires francophones, la libérale Madeleine Meilleur. « Tout ce qui peut être mis de l’avant pour faire avancer la francophonie de l’Ontario, c’est de la musique à mes oreilles ».
« C’est une recommandation que j’appuie à 100% », a déclaré la néo-démocrate France Gélinas. « C’était toujours mon intention de faire (du commissaire) un officier indépendant, mais aussi de m’assurer que les suivis étaient faits par tous les députés », a ajouté à TFO la critique de son parti en matière d’Affaires francophones, et auteure de plusieurs projets de loi privés visant à donner son indépendance au CSFO.
La critique du Parti progressiste-conservateur en matière d’Affaires francophones, Gila Martow, n’a pas immédiatement réagi au dépôt du rapport du commissaire aux services en français, le 10 juillet.
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), l’organisme porte-parole des quelque 611 500 francophones dans la province, s’est aussi positionnée en faveur d’un nouveau comité parlementaire sur les services en français.
« Il est effectivement essentiel d’avoir un comité permanent à Queen’s Park pour veiller à faire un suivi des recommandations qui sont formulées dans les rapports annuels du commissaire », a partagé Denis Vaillancourt, président de l’AFO, par le biais d’un communiqué. « Nous constatons aujourd’hui que l’indépendance du commissaire est d’autant plus nécessaire qu’elle lui permet d’apporter des idées de changements qui feront progresser à long terme les droits linguistiques des Franco-Ontariens ».
Faire avancer des dossiers
Le chien de garde des francophones à Queen’s Park demande également à l’Office des Affaires francophones (OAF) de produire un rapport annuel « détaillé et pertinent » sur l’état des services en français dans la province.
Me Boileau est d’avis que de bonnes discussions, bien documentées, feront avancer plus vite certains de ses dossiers, comme la principale recommandation de son rapport de 2013, que le gouvernement aurait tout simplement « balayé du revers de la main ».
Le commissaire avait recommandé, en 2013, que la province élabore un plan d’action pour assurer la prestation de services en français aux populations précarisées, souvent laissées pour compte. Les témoignages d’intervenants s’adressant directement au Commissariat pour dénoncer « des manquements flagrants aux services en français » seraient nombreux, selon lui.
Le gouvernement, lui, a répondu par une promesse vague d’« élaboration d’outils et de ressources destinés au personnel de première ligne et au personnel responsable des politiques et des programmes ».
« Cette réponse, je la juge nettement insatisfaisante », a fustigé Me Boileau sur un ton plus vindicatif qu’à l’habitude. « Autrement dit, maintenons le statu quo. Ç’a l’air de bien aller. Évidemment, je ne suis pas de cet avis », a-t-il tranché. « La Loi sur les services en français, c’est bien plus qu’un instrument pour s’assurer que tous nos documents soient traduits en anglais et en français », a-t-il ajouté, peu après.
La ministre responsable des Affaires francophones s’est défendue d’avoir mis certaines recommandations du CSFO sur la voie d’évitement.
« Je crois que nous avons répondu à toutes les recommandations du commissaire. Ce n’est peut-être pas à sa satisfaction. Mais nous travaillons de très près avec son bureau pour nous assurer que les bonnes recommandations qu’il nous fait sont mises de l’avant », a nuancé Mme Meilleur. « Le commissaire est toujours pris très au sérieux ».
L’opposition a brossé un portrait tout autre.
« C’est pitoyable. Ce n’est pas acceptable. C’est non seulement un manque de respect envers notre bon commissaire. C’est aussi un manque de respect à l’égard de la Loi sur les services en français », a pesté Mme Gélinas, qui est députée de Nickel Belt, dans le nord de la province. « Notre commissaire a démontré que, sans avoir à passer à travers du filtre de la ministre, il est capable de nous dire vraiment ce qui se passe ».
Officier du parlement
Il s’agit d’un septième rapport annuel pour François Boileau à la tête du CSFO, mais d’un premier à titre d’officier du parlement. « Je suis extrêmement motivé à l’idée que les Franco-Ontariens obtiennent une nouvelle institution qui leur appartienne et qui fasse partie intégrante de l’Assemblée législative », s’est-il réjoui.
Mais il faudra attendre l’automne pour que le budget de fonctionnement d’un CSFO indépendant, jadis hébergé par l’OAF, soit ajusté à un niveau comparable à celui des autres commissariats provinciaux.
« C’est certain que ça limite, beaucoup, notre capacité à faire notre travail », a reconnu Me Boileau. « Ça me limite énormément au niveau d’avoir de nouvelles ressources humaines. Vous savez que, dans mon bureau, nous ne sommes que six, y compris moi-même ».
QUELQUES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT BOILEAU
Mettre sur pied, dans une région désignée, un projet pilote d’accès à la justice en français s’inspirant des recommandations du rapport Rouleau-LeVay.
Mettre sur pied un groupe d’experts pour conseiller le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration sur des mesures d’intégration des nouveaux arrivants francophones, et assurer l’atteinte de l’objectif que s’est donné le gouvernement d’accueillir au moins 5% d’immigration francophone, chaque année.
Assujettir à la Loi sur les servies en français, les fournisseurs privés de services de santé qui traitent avec les Réseaux locaux d’intégration de services de santé (RLISS). Pour l’instant, les RLISS n’ont aucune responsabilité quant à la prestation de services, et ne peuvent donc pas déléguer une telle responsabilité à des tiers.