Commissariat et université, une bien longue attente pour les Franco-Ontariens

L'ombudsman de l'Ontario, Paul Dubé. Archives ONFR+

[ANALYSE] 

TORONTO – Fin de l’indépendance du Commissariat aux services en français, annulation du projet de l’Université de l’Ontario français… le 15 novembre 2018 reste une date noire dans l’histoire des Franco-Ontariens. En 2019, à défaut de rêver, il était au moins permis d’espérer.

D’une, parce que dès janvier, le gouvernement fédéral avait accepté de prendre à sa charge financièrement une partie du projet universitaire. Secundo, les incertitudes se dissipaient, début mai, lorsque l’ombudsman de la province reprenait les rênes du Commissariat aux services en français.

Pondéré et rassurant, Paul Dubé affirmait que tout roulerait comme pendant les onze années des mandats du commissaire François Boileau. On ne demandait qu’à prendre M. Dubé au mot, d’autant que le « chien de garde » provincial promettait un nouveau commissaire dès le mois de juillet.

Ce faisant, le communiqué de presse envoyé la semaine dernière par le bureau de M. Dubé laisse un goût amer. « Nous espérons sélectionner un nouveau/une nouvelle commissaire d’ici la fin de l’automne », affirme l’ombudsman. Une déclaration en réaction au départ du commissaire par intérim Jean-Gilles Pelletier pour la Société Santé en français. On le comprend entre les mots : il n’y aura pas de commissaire, même par intérim, pendant plusieurs mois.

Bien que le communiqué mentionne la mise sur pied d’un comité de deux personnes autour de Michel A. Carrier et Linda Cardinal pour trouver le prochain commissaire, s’en dégage l’impression que les choses traînent irrémédiablement.

La tentation d’expliquer cette lenteur par le désintérêt du gouvernement ontarien à la cause francophone est légitime. Mais le premier ministre Doug Ford ne peut être responsable de tous les maux.

Les bruits de couloirs affirment plutôt que Paul Dubé ne comptait pas sur Jean-Gilles Pelletier, transfuge de l’équipe de François Boileau, dans sa nouvelle équipe de travail. En somme, cette transition, sans même un commissaire par intérim, aurait pu être évitée.

Université : toujours pas de demande formelle

Le projet de l’Université de l’Ontario français traverse les mêmes nuages. Un mieux cependant : la ministre fédérale de la Francophonie, Mélanie Joly, et son homologue ontarienne, Caroline Mulroney, se sont enfin parlé du projet, début août. Mais pour l’heure, aucune demande formelle de financement n’a été déposée par l’Ontario.

On souhaiterait se fier à l’optimisme de la présidente du Conseil de gouvernance Dyane Adam qui, dernièrement, fixait à 2021 l’ouverture de l’université. Pour l’instant, c’est le statu quo qui domine.

Il faudra attendre le lendemain des élections fédérales pour voir si l’ouverture manifeste de Mme Mulroney était un véritable engagement ou bien une simple stratégie pour couper l’herbe sous le pied des libéraux durant la campagne.

Une Résistance silencieuse

Des résultats des échanges entre les deux paliers gouvernementaux dépendront sans doute la décision de se rendre devant les tribunaux. C’était la voie que l’Assemblée de la francophonie (AFO), porte-étendard de La Résistance, avait privilégié, peu après les compressions, s’attachant, au passage, les services de Ronald Caza et Mark Power pour « analyser la possibilité de demander une révision judiciaire ».

À cet égard, on aimerait tant que les leaders de La Résistance prennent de nouveau le micro et expliquent leur stratégie aux Franco-Ontariens.

Dans trois mois, le funeste « Jeudi noir » des compressions aura un an. Et le passer sans un commissaire en poste aux services en français ainsi qu’un bond en avant dans le projet de l’Université ressemblerait à une belle claque.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 19 août.