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TORONTO – Cinq ans, jour pour jour, après la dissolution du Commissariat indépendant aux services en français, reconverti en une unité de l’Ombudsman, les trois chefs de parti d’opposition Marit Stiles, Bonnie Crombie et Mike Schreiner exhortent le gouvernement Ford à reconsidérer sa position.

Le 30 avril 2019 marquait le dernier jour d’existence du Commissariat aux services en français avec à sa tête un officier indépendant relevant directement de l’Assemblée législative. Le lendemain, l’institution était reléguée au rang d’unité du Bureau de l’ombudsman.

Et depuis cinq ans, « le manque de respect de ce gouvernement à l’égard des droits linguistiques des Franco-Ontariens et de la culture francophone est plus clair que jamais », juge la néo-démocrate Marit Stiles.

Pour la cheffe de l’opposition officielle, il n’y a pas de hasard entre le manque d’accès aux soins de santé ou à la justice en français et le passage du commissariat sous la coupe de l’ombudsman. Ce sont des « impacts de la réduction du poste de commissaire imposée par Ford ».

Marit Stiles, cheffe de l’opposition officielle de l’Ontario. Archives ONFR

Actée dans la mise à jour financière de novembre 2018, sa dissolution s’est décidée en même temps que celle du Commissariat à l’environnement et du Bureau de l’intervenant en faveur des enfants, ainsi que l’abandon du projet d’Université de l’Ontario français –  finalement relancé et mené à son terme. Ces compressions budgétaires du Jeudi Noir allaient alors déboucher de retentissantes manifestations.

Une période dont se souvient Mme Stiles, élue députée quelques mois auparavant. On doit « se battre pour rétablir le bureau indépendant du commissaire et s’assurer que tous les services publics de cette province soient disponibles en français lorsque vous en avez besoin », estime-t-elle.

« Un dangereux précédent », selon Mike Schreiner

Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, tire des enseignements similaires depuis ces cinq dernières années, qualifiant la décision du gouvernement Ford de « dangereux précédent en réduisant la surveillance indépendante et en obscurcissant la transparence du gouvernement ».

Les verts militent toujours pour que ce poste retrouve ce statut perdu, qui jouait « un rôle clé dans la défense des intérêts de la communauté et dans la responsabilisation du gouvernement lorsque ses actions échouaient ».

Sous l’aile de l’ombudsman, le Commissariat poursuit sa mission de collecte de plaintes : plus d’un millier a été traité depuis le 1er mai 2019 et un pic de 386 a été atteint en 2023. Il émet également des recommandations destinées à favoriser l’équité du gouvernement et à préserver les droits des Franco-Ontariens au regard de la Loi sur les services en français (LSF).

Il a conservé le pouvoir d’enquêter de sa propre initiative, avec ou sans plainte, comme il l’a fait sur les coupures de la Laurentienne, concluant que l’Université avait manqué à ses obligations en tant qu’organisme désigné en vertu de la LSF.

« Je ramènerai le commissariat indépendant », assure Bonnie Crombie

En revanche, il a perdu son statut d’instance de premier recours, ce que ne manque pas de rappeler la garde rapprochée de Bonnie Crombie.

La cheffe libérale en fait un enjeu électoral : « Je ramènerai le commissariat indépendant aux services en français lorsque je serai élue première ministre », promet-elle avec assurance.

Bonnie Crombie, cheffe du Parti libéral de l’Ontario. Crédit image : Sandra Padovani

« Doug Ford continue de réduire le financement et les services aux communautés francophones, malgré l’importance de soutenir la langue française pour les Franco-Ontariens, y compris les nombreuses communautés immigrantes francophones qui font partie intégrante de l’identité et de la communauté franco-ontarienne. »

« La position et le rôle du commissaire aux services en français, y compris le mandat de surveiller et de rendre compte de la prestation des services en français, sont demeurés inchangés sous l’autorité de l’ombudsman », affirme au contraire Andrea Chiappetta, directeur des communications de la ministre des Affaires francophones et présidente du Conseil du Trésor, Caroline Mulroney.

« Le commissaire continue d’avoir le pouvoir d’enquêter de sa propre initiative et de faire des recommandations pour améliorer la prestation des services en français », dit-il, rappelant que le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario est lui-même indépendant du gouvernement et des partis politiques.

Dans le Bureau de l’ombudsman, « l’ombre de l’influence »?

Le Commissariat a changé deux fois de commissaire en cinq ans. Après François Boileau, en poste de 2007 à 2019 (devenu ombudsman des contribuables), se sont succédé Kelly Burke, partie abruptement en 2023, puis Carl Bouchard, titularisé cette même année, à la suite d’une période d’intérim.

Un commissaire indépendant représente « la solution idéale », continue de croire Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), mais « on continue entre-temps à fonctionner avec le modèle qu’on a actuellement. Il faut souligner que Kelly Burke et Carl Bouchard ont fait de l’excellent travail ».

Toutefois, le fait que le commissaire soit associé au Bureau de l’ombudsman laisse planer « l’ombre de l’influence », nuance le patron de l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens. Si on veut lever tout doute, il faut revenir au modèle précédent, milite-t-il auprès des partis politiques.