Le siège torontois de Radio-Canada sur la rue Front. Crédit image: Rudy Chabannes

OTTAWA – Les compressions annoncées hier par Radio-Canada/CBC devraient-elles affecter de manière égale le service francophone et anglophone? La question se pose alors que le mandat de Radio-Canada l’oblige à desservir tout le pays en français, une réalité avec laquelle CBC compose dans une moindre mesure.

Hier, Radio-Canada a annoncé des compressions affectant 10 % de son effectif au pays – au total, 800 postes – et de 125 millions de dollars pour 2024-2025. 250 emplois seront supprimés du côté francophone et anglophone chacun et 100 autres dans les secteurs technologiques et institutionnels.

Dans une déclaration écrite, la haute direction se défend de ses coupes égalitaires indiquant que « tous les secteurs de l’organisation sont mis à contribution » et ajoutant que « nous sommes une seule et même organisation offrant des services à toute la population canadienne ».

« Les deux réseaux produisent du contenu et servent les Canadiennes et les Canadiens de façons différentes. Que ce soit à la télévision, à la radio ou dans le numérique, Radio-Canada et CBC ont du succès, mais de manières différentes », écrit Leon Mar, porte-parole institutionnel à CBC/Radio-Canada.

Autre aspect, le secteur francophone obtient beaucoup plus de parts de marché que son confrère anglophone. Selon les chiffres de 2021-2022, les parts de marché pour CBC tournent autour de 5 %, alors que celles de Radio-Canada augmentent jusqu’à 25 %. La PDG Catherine Tait a concédé hier que « bien sûr la télé de Radio-Canada est très performante et que c’était un atout précieux de notre service public ».

« Mais il ne faut pas oublier non plus que la portée de CBC sur le plan numérique est aussi importante. CBC.ca touche un minimum de 17 à 18 millions de Canadiens chaque mois et pour la radio de CBC (…) Ils sont numéro un dans 16 de leurs 22 marchés. Alors, on regarde l’ensemble de nos services », a-t-elle commenté hier au Téléjournal Grand Montréal de 18 h avec Patrice Roy.

Au niveau de la programmation, les compressions affectent davantage la CBC, qui devra trouver 25 millions de dollars en économies alors que son confrère francophone devra en éponger 15 millions pour les productions indépendantes. Questionné à savoir si Radio-Canada couperait davantage au Québec en raison de son obligation de desservir en français dans les autres provinces, le radiodiffuseur estime que c’est « encore trop tôt pour parler des réductions dans les différentes régions », mais que « maintenir l’ancrage régional est au cœur de nos priorités ».

C’est à la direction de Radio-Canada de répondre, dit Ottawa

Le ministre des Langues officielles Randy Boissonnault convient qu’il y a « un risque » à ce que ces coupes affectent davantage les francophones en milieu minoritaire, mais que « ce n’est pas nous qui devrions décider comment Mme Tait utilise l’argent ».

« On donne l’argent à CBC/Radio-Canada. Moi, je veux que les régions minoritaires soient bien financées et c’est à la gestion de CBC/Radio-Canada de prendre ça en note », explique-t-il.

Questionnée à ce sujet ce matin, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a reconnu que Radio-Canada ne vit pas les mêmes problématiques, mais renvoie la balle à Catherine Tait.

« Ce sont des décisions qui doivent être prises à l’interne. Comme gouvernement, on n’a pas à se mêler de la gestion interne. »

Le flou persiste toujours à savoir si Radio-Canada sera exemptée ou non de l’effort budgétaire qu’impose le fédéral aux différents ministères et instances fédérales, soit de trouver 3,3 % d’économies. La haute direction du radiodiffuseur estime que oui alors que Pascale St-Onge a réitéré ce matin « la décision n’a pas été prise ».

« Ce n’est pas nécessairement quelque chose qui doit être appliqué sans prendre en considération les impacts que ça peut avoir », a-t-elle ajouté.

Correctif : une précédente version du texte affirmait que CBC devrait trouver 40 millions de dollars en économies alors que son confrère francophone devra en éponger 25 millions. Le 40 millions de dollars est plutôt le total de la société d’État. Il s’agit plutôt de 25 millions pour la CBC et 15 millions pour Radio-Canada.