Coupes francophones : Higgs assure ne pas vouloir suivre les traces de Ford

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, et celui de l'Ontario, Doug Ford, lors de leur première rencontre à Montréal, le vendredi 7 décembre 2018. Gracieuseté: gouvernement de l'Ontario.

TORONTO – Choqués par la crise linguistique en Ontario, plusieurs francophones ont exprimé leur crainte de voir le premier ministre du Nouveau-Brunswick suivre les traces de son homologue ontarien. De passage à Toronto, Blaine Higgs affirme que ce n’est pas dans ses plans, mais se garde bien de rabrouer Doug Ford.  

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a fait une visite éclair à Toronto, lundi, pour interpeller les leaders économiques, sociaux et politiques rassemblés au Forum économique international des Amériques.

#ONfr a profité de sa première visite en sol ontarien à titre de premier ministre pour l’interroger sur la crise linguistique qui a marqué l’actualité au cours des dernières semaines. Au pouvoir grâce à une entente inédite avec les élus de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, un parti perçu comme opposé au bilinguisme officiel, le premier ministre Higgs tente de rassurer.

« J’ai été clair sur notre position : nous avons une province bilingue et nous n’allons pas suivre ce programme », lance-t-il, en référence aux décisions du gouvernement Ford.

Mais contrairement au premier ministre québécois, François Legault, il se garde bien de dénoncer les coupes francophones. « C’est une question de nature provinciale, qui n’est pas de mon ressort. Je ne pense pas que c’est quelque chose que je devrais appuyer ou commenter », réplique-t-il.

Alors que certains militants anti-bilinguisme réclament l’élimination du poste de commissaire aux langues officielles au Nouveau-Brunswick, le premier ministre aborde la question avant même de se la faire poser.

« Je n’ai pas l’intention de me débarrasser de notre commissaire aux langues officielles », dit-il. Peut-il le promettre? « Ce n’est pas sur le radar », affirme M. Higgs.

Sa relation avec l’Alliance est à l’origine de nombreuses craintes chez les citoyens francophones du Nouveau-Brunswick.

« Ils nous ont aidés à former le gouvernement. Le dossier qui était à l’avant-plan pour eux, c’était les ambulanciers. Nous avons proposé une solution », affirme le premier ministre, en référence à un plan dévoilé de pair avec l’Alliance pour réduire les temps d’attente pour obtenir des services ambulanciers. Mais certains craignent que les obligations linguistiques en place ne soient pas respectées.

Pas de recul du bilinguisme

Main dans la main avec ce parti, Blaine Higgs a-t-il l’intention de faire reculer le bilinguisme dans la province? « Ce n’est pas mon objectif et je ne crois pas que c’est leur objectif », affirme M. Higgs. « Ils supportent l’aspect bilingue de notre province. Leur préoccupation concerne la question de l’égalité », tient-il néanmoins à ajouter.

Blaine Higgs affirme qu’il espère augmenter le niveau de bilinguisme chez les jeunes anglophones, qui actuellement finissent leurs études sans connaître le français dans la majorité des cas. « On doit trouver un moyen de régler ça », lâche-t-il.

Le premier ministre néo-brunswickois a pu rencontrer pour la première fois son homologue ontarien, Doug Ford, à l’occasion de la rencontre des premiers ministres qui s’est déroulée vendredi, à Montréal. A-t-il discuté de la crise linguistique et des coupes francophones en Ontario, qui ont aussi beaucoup fait réagir dans sa province? « Non », répond-il.

Il y a plusieurs décennies, Blaine Higgs avait pris une position claire contre le bilinguisme du Nouveau-Brunswick. En 1985, il écrivait « Canadiens ou Français, qui serons-nous? » et affirmait que le Nouveau-Brunswick ne pouvait se permettre d’être la seule province bilingue au pays. Au cours de l’année, il s’est cependant distancé de ces positions passées, affirmant que la province profitait finalement du bilinguisme.

Son message aux leaders torontois

À quelques pas de Bay Street dans le luxueux hôtel Fairmount Royal York, le premier ministre du Nouveau-Brunswick a partagé sa vision. Il est d’abord revenu sur son élection.

« Ce n’était pas le plan que je prévoyais. Je ne prévoyais pas être dans un gouvernement minoritaire », a-t-il expliqué. La présence de quatre partis en chambre force une « discipline », une « coopération » et une « collaboration », a-t-il soutenu. « On se pose aussi la question : pourquoi les citoyens se sont divisés en quatre? », a-t-il ajouté.

M. Higgs a dénoncé l’absence d’un « sentiment d’urgence » chez plusieurs leaders politiques du pays pour régler les problèmes actuels.

« Il faut que l’intérêt national prime. Actuellement, ce que je vois, ce sont des gens qui veulent se faire réélire », a-t-il lancé.

Puis, il a identité l’une de ses cibles. « Quand je parle à mes collègues de l’Ouest, ils veulent un corridor énergétique. Mais cette logique n’existe pas au Québec. Et ça me déçoit », a-t-il soutenu. « La politique est la plus grande barrière à notre succès, tant au niveau provincial que national », a conclu Blaine Higgs.

Même s’il était de passage à Toronto, le premier ministre du Nouveau-Brunswick n’avait pas de rendez-vous avec Doug Ford. Il devait retourner au Nouveau-Brunswick, lundi soir.


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