Coupures en immersion française à Toronto : « Ça serait une tragédie »
TORONTO – Les réactions affluent au lendemain des annonces de compressions du conseil scolaire public anglais de Toronto (TDSB). Parmi les possibles coupures : le programme d’immersion française comprenant 28 000 élèves, lequel pourrait être sabré de 12 millions de dollars.
Pour la branche ontarienne de Canadian Parents for French, ce scénario envisagé par le TDSB est incompréhensible tant le conseil scolaire avait « démontré de la bonne volonté » par le passé.
L’association qui a pour but d’accroître les possibilités d’étudier le français en tant que langue seconde pointe surtout du doigt les éventuelles coupures au niveau du transport public incluses selon elle dans le 12 millions de dollars.
« Il y a certainement 6 000 élèves dans le programme qui ont besoin de transport. Couper le transport, c’est risquer qu’ils changent d’école. Beaucoup de familles n’auront pas le choix que de les placer dans une école plus proche. S’ils coupent le transport, ça serait une tragédie », affirme Betty Gormley, la directrice générale de la branche ontarienne.
« Cela va à l’encontre de ce que l’on essaye de faire », analyse le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin. « Pour les gens d’affaires, il y a une recherche de personnel, et ça n’aidera pas à trouver de la main d’œuvre capable de s’exprimer en français. Je ne serais pas surpris qu’il y ait des pertes d’emploi. »
Et d’ajouter : « A Toronto, l’immersion par les parents est très forte. C’est malheureux que les parents n’aient pas l’option de le faire. Des parents à Toronto doivent passer par une loterie pour accéder à une école d’immersion. Il faut s’assurer que le financement soit là, s’assurer que l’on ait des enseignants qualifiés. »
Lors d’une réunion spéciale du comité tenue lundi soir, le plus grand conseil scolaire canadien avait révélé un manque à gagner de 67,83 millions de dollars contre les 54,4 millions de dollars précédemment annoncés. Un trou soudain de 13 millions de dollars de plus que prévu en raison des restrictions budgétaires du gouvernent de Doug Ford.
Le conseil scolaire de 246 000 élèves pour 582 écoles pourrait bien aller définitivement de l’avant avec ces scénarios au mois de juin.
« Le programme d’immersion française est fort dans la région de Toronto », assure Canadian Parents for French. « Les parents veulent que leurs enfants soient bilingues, que ce soit pour l’aspect de l’emploi ou culturel. »
Le TDSB représente un peu plus de 12 % de l’immersion française dans la province. Selon Canadian Parents for French, quelque 220 000 élèves fréquentent les classes d’immersion française en Ontario.
Réactions à Queen’s Park
Mardi, ces coupures ont rebondi lors de la période de questions à Queen’s Park. Le premier ministre Ford a traité la gestion du TDSB « d’imprudente ». « Les conseils scolaires sont incontrôlables (…) Ils gaspillent l’argent des contribuables. »
La branche ontarienne de Canadian Parents for French refuse aussi de jeter la pierre sur le gouvernement Ford. « C’est bien le conseil scolaire qui propose les coupures. Il pense que cela va fonctionner ainsi. »
Joly fustige Ford
Hasard du calendrier, l’annonce du TSBD est intervenue le jour même où la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, annonçait, à Vancouver, une stratégie nationale de recrutement et de rétention des enseignants dans les écoles de la minorité francophone ainsi que dans les programmes d’immersion et de français langue seconde.
Une enveloppe totale de 62,6 millions de dollars sur quatre ans est prévue, dont la moitié sera consacrée au français langue seconde.
Une table de concertation nationale sur le français en tant que langue seconde sera également créée, qui réunira les gouvernements provinciaux et territoriaux, les organismes communautaires concernés et le gouvernement fédéral, pour répondre aux enjeux en matière d’immersion et d’enseignement du français langue seconde.
Ce mardi, la ministre Joly n’a pas hésité à fustiger, une nouvelle fois, le gouvernement ontarien.
« Ce que Doug Ford fait en ce moment, c’est la doctrine typique conservatrice : on coupe en éducation et on force ensuite les commissions scolaires à prendre des décisions difficiles, comme de couper le transport scolaire pour les élèves qui vont en immersion. C’est inacceptable, car cela fait en sorte de diminuer le taux de bilinguisme au pays. C’est très préoccupant. »
Article écrit avec la collaboration de Benjamin Vachet