Cours en français : le conseil scolaire anglophone de Toronto calme le jeu

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TORONTO – Au lendemain de la tempête médiatique provoquée par le Toronto District School Board (TDSB) concernant l’avenir de ses programmes d’instruction en français, le conseil scolaire tempère les craintes et assure chercher une solution « innovante », sans complètement rassurer.

Peut-être à cause du tollé provoqué, la directrice adjointe du TDSB, Manon Gardner aurait tenté de calmer le jeu, mercredi soir.

Selon ce qui a été rapporté à ONFR+, lorsque le plan préliminaire de réouverture post-COVID-19 a été présenté, la conseillère scolaire Rachel Chernos-Lin aurait demandé s’il était dans l’intention du conseil scolaire de supprimer ses programmes d’immersion, de français intensifs et de base. Et c’est un « Non » sans équivoque que lui a fourni Mme Gardner.

« Nous avons reçu beaucoup d’appels de parents et d’enseignants, hier. Ils étaient énervés et inquiets en regardant le plan préliminaire du conseil scolaire. Pour nous, tel que c’est présenté, c’est inacceptable! », affirme pour sa part la directrice générale de Canadian Parents for French Ontario, Betty Gormley.

Cette dernière ne peut envisager une seconde la possibilité que le plus grand conseil scolaire de l’Ontario supprime ses programmes d’instruction en français.

« Il y a plus de 200 000 parents qui placent leurs enfants en immersion française et qui veulent les voir poursuivre jusqu’en 12e année pour avoir l’opportunité de devenir bilingues. C’est essentiel que ce soit maintenu. »

Selon les différents modèles envisagés dans son plan préliminaire pour la rentrée de septembre, le TDSB explique qu’un retour en classe hybride ou adapté, avec des effectifs limités en classe, obligerait à recruter entre 988 et près de 2 500 enseignants supplémentaires, pour un coût compris entre 98,85 et 248,9 millions de dollars.

La difficulté de recruter des enseignants qualifiés en français rendrait alors difficile le maintien de l’offre de programmes en français, soulignait le conseil scolaire, semblant ainsi ouvrir la porte à une éventuelle suppression, au niveau élémentaire, de ses programmes d’immersion, de français intensifs et de base.

Le TDSB compte 247 000 élèves répartis dans 583 écoles, dont 29 600 élèves qui fréquentent les programmes d’immersion et de français intensif.

Fortes réactions

Mère de deux filles de 10 et 12 ans élèves du TDSB, Louise Proktor avoue ne pas avoir prêté trop d’attention à cette nouvelle. Elle ne préfère pas envisager une telle solution.

« Je serais vraiment déçue si le conseil scolaire supprimait les programmes en français », réagit-elle, alors que son aînée doit commencer le français intensif, en septembre, et que sa plus jeune est en immersion.

« C’est très important pour nous que nos enfants apprennent le français, même si mon mari et moi ne sommes pas bilingues. J’ai suivi les cours de français de base, mais je ne suis pas à l’aise en français. Mais je veux que mes enfants puissent le devenir. À leur âge, elles sont capables d’absorber beaucoup d’information et ce serait dommage qu’elles arrêtent maintenant. »

Cette option a été vivement dénoncée par plusieurs parents concernés, mais aussi dans la communauté franco-ontarienne et au niveau politique.

À Ottawa, le sénateur acadien René Cormier s’en est ému sur les réseaux sociaux, tout comme la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly.

La ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly. Archives ONFR+

« Une nouvelle qui vient me chercher droit au cœur », a-t-elle gazouillé sur Twitter. « Les cours de français et les programmes d’immersion sont de beaux exemples de réussite et ils sont essentiels à la survie de notre langue à travers le pays. Je suis extrêmement préoccupée de les voir disparaître. »

Trouver une « solution créative »

Pour le CPF, le « Non » sans équivoque fourni par Mme Gardner à la question de la conseillère scolaire Rachel Chernos-Lin, mercredi soir, sur la suppression des cours, fait figure de soulagement.

« On comprend le dilemme que peut représenter le recrutement de plus d’enseignants qualifiés en français, sachant qu’il y a déjà un manque, mais viser les programmes en français serait punitif », estime Mme Gormley. « Le conseil scolaire doit travailler avec ses partenaires pour trouver une solution acceptable pour tout le monde, même si on sait qu’elle ne sera pas idéale. »

ONFR+ a tenté de joindre la conseillère Chernos-Lin, sans succès. Mais du côté du TDSB, on se montre rassurant, sans complètement écarter la possibilité de coupures.

« Nous faisons face à un grand défi et la créativité sera la clé pour trouver une solution. On étudie des solutions, virtuelles notamment. Il faut que les parents comprennent que ce sera sans doute différent de ce qu’on fait actuellement, notamment en termes de livraison de cours. Je ne peux pas assurer que ça [des coupes] ne va pas arriver, mais on est déterminé à trouver une manière de maintenir notre offre d’une manière ou d’une autre », précise Ryan Bird, directeur des communications du TDSB, qui rappelle qu’il ne s’agit que d’un scénario parmi d’autres, selon l’évolution de la situation pandémique.

Pour Mme Proktor, peu importe la forme que prendront ces programmes, ils doivent demeurer.

« C’est sûr qu’à distance, ce n’est pas la même chose et que c’est préférable d’avoir des cours en personne. Mes filles risquent de perdre un peu leur niveau, d’autant qu’on ne parle pas français à la maison. Mais ce sera toujours mieux que rien. Les enfants sont capables de s’adapter. »