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Crise à La Cité : « Toute la communauté francophone doit se mobiliser », appelle un syndicat

David Lacaille, président de la section locale 470 du SEFPO. Photo : gracieuseté David Lacaille

David Lacaille est président de la section locale 470 du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) depuis 2018. Professeur au programme de soins paramédicaux du Collège La Cité depuis 2005, il continue parallèlement à exercer comme paramédical sur le terrain.

Le Collège La Cité, établissement collégial francophone en Ontario, a annoncé la suspension de neuf programmes dès la rentrée 2025. Cette décision s’inscrit dans un contexte de pression financière attribuée à la baisse anticipée des inscriptions, notamment en raison de la crise affectant les étudiants internationaux.

La suspension de ces programmes menace directement la formation de professionnels francophones dans des secteurs essentiels comme la santé, l’éducation, les services sociaux et les médias entre autres.

«  Après la décision de suspendre neuf programmes à La Cité, quels recours vous reste-t-il? Envisagez-vous d’autres actions?

Absolument. Nous avons l’option de déclencher une grève. Il y a aussi la possibilité de recourir à la Commission des relations de travail de l’Ontario. Mais surtout, nous allons mobiliser la communauté. Parce que la fermeture de ces programmes de formation dans des secteurs clés constitue une attaque directe contre les services en français.

Les francophones sont résilients, c’est pour ça qu’on est encore là. Mais de nombreuses personnes sont unilingues francophones. Que fera-t-on quand les diplômés d’Algonquin ou d’autres collèges anglophones arriveront sans parler français? Quelle sera la qualité des services quand il y aura une barrière linguistique importante?

Justement, quelles seront les conséquences pour les étudiants et la communauté francophone?

Elles sont majeures. Prenons le programme d’assistant de l’ergothérapeute et assistant du physiothérapeute, par exemple : ses diplômés travaillent à l’Hôpital Montfort. Le programme de techniques en éducation spécialisée (TES), lui, formait des professionnels très demandés dans les écoles. Il y a aussi le programme IPH, Intervention auprès de personnes ayant un handicap, dont les diplômés sont recrutés par des dizaines d’organismes communautaires.

Le programme général d’arts et sciences préparait des étudiants à l’université, parmi eux des francophones qui sont les premières générations de leur famille à intégrer l’université. Ces jeunes perdent ainsi un tremplin essentiel. Et ce ne sont que des exemples parmi d’autres. Ainsi, supprimer ces formations, c’est fragiliser toute la chaîne des services en français.

La décision est définitive. Avez-vous encore de l’espoir?

Oui. Regardez l’exemple de l’Hôpital Montfort. Le couperet était tombé, la décision semblait irrévocable. Et pourtant, Montfort est toujours là, plus fort, avec des services renforcés pour les francophones.

Je ne dis pas que les neuf programmes valent Montfort, mais la logique est la même : sans formation francophone, ce sont les organismes, les écoles, les services communautaires qui seront privés de personnel qualifié.

Concrètement, combien de personnes seront touchées en termes de personnel?

Si l’on parle au niveau des permanents, on a 18 personnes touchées. De ces dix-huit là, 4 personnes sont replacées et 14 sont mises à pied, c’est-à-dire qu’elles perdront leur emploi. Ceci sans parler des contractuels. 

Que demandez-vous aujourd’hui?

On ne demande pas de sauver tous les emplois à tout prix, mais que les décisions soient prises correctement. On demande que le collège démontre, avec transparence, que les suppressions sont fondées sur des raisons financières solides. Ce n’est pas le cas. On demande aussi que la présidente, Mme Lynn Casimiro, s’implique. Il y a une crise au collège et on n’a aucun signal de sa part. On souhaite qu’elle rencontre les représentants syndicaux pour trouver une solution, comme ça s’est fait dans le passé. Mais pour l’instant, c’est silence radio.

La direction invoque la confidentialité dans vos échanges. Cette confidentialité a-t-elle été rompue?

Non. L’employeur veut maintenir cette confidentialité. De notre côté, on est prêt à la lever, mais il faut que les deux parties soient d’accord.

Si le collège est si convaincu d’avoir bien agi, levons la confidentialité et laissons les membres – les professeurs – juger par eux-mêmes. On ne peut pas parler du processus actuellement, mais si vous voyez les comptes rendus, vous pourrez juger aussi.

Quelles ont été les raisons invoquées par la direction?

Ce sont des raisons financières. Or nous, ce qu’on constate, c’est qu’ils se sont servis de la crise des étudiants étrangers pour faire des réformes en supprimant des programmes qu’ils ne voulaient plus voir dans leur cadre. Pourtant, il n’a pas été démontré que le collège avait des problèmes financiers, bien au contraire. Quand on fait 25 millions de surplus l’année passée, c’est difficile de dire qu’on a de la difficulté financière. 

Ce n’est pas parce que le Collège algonquin a fait des coupures, qu’on doit aussi faire de même et qu’on va forcément avoir des difficultés financières. On n’a pas la même réalité, on n’est pas dans le même milieu, on n’a pas la même communauté. Puis nous ne sommes pas contre des mesures, nous sommes capables de trouver des solutions novatrices sans avoir à copier la solution facile qui est de juste renvoyer des emplois.

Le Collège anticipe une baisse des inscriptions de 10 % pour l’année prochaine. Selon vous, cela justifie-t-il ces décisions?

Les inscriptions vont baisser, on ne nie pas qu’il faut faire des ajustements. Mais ils doivent se faire dans le respect de la convention collective et avec une démonstration claire que la situation financière le justifie. Or, ce n’est pas le cas ici. Et on a beaucoup moins d’impact que les collèges anglophones, parce qu’on est l’un des rares collèges francophones en Ontario. Il y a seulement Boréal qui offre aussi des programmes en français.

Quel est le message principal que vous souhaitez transmettre?

On appelle toute la communauté francophone – les organismes, les parents, les étudiants – à se mobiliser. On ne peut pas accepter que ces formations disparaissent. On parle de travailleurs spécialisés, de professionnels du soutien, d’emplois essentiels dans des secteurs déjà en pénurie. C’est impensable de fermer ces programmes alors qu’on a désespérément besoin de relève. Ce serait un recul qu’on ne pourrait jamais rattraper. »