Dans le nord de l’Ontario, ces syndicats qui tournent le dos au NPD

Jagmeet Singh, le chef du NPD fédéral. Archives ONFR+

Élections après élections, les syndicats du nord de l’Ontario donnent leur appui au Nouveau Parti démocratique (NPD). Après tout, ce parti est né du mouvement ouvrier. Toutefois, certains locaux se tournent vers d’autres partis.

Jacques Jean, président du local 1-2010 du Syndicat des métallos, ne comprend pas pourquoi un représentant syndical s’éloignerait du NPD.

« C’est le parti des travailleurs », affirme l’homme qui représente entre autres des travailleurs de Rayonier à Kapuskasing, d’Eacom à Timmins et de Produit forestier résolu à Thunder Bay. « Il n’y a aucune question à se poser : on a toujours appuyé le NPD et on continuera à le faire. »

Non loin de là, les syndicats de Sault-Sainte-Marie se reconnaissent pourtant de moins en moins dans ce parti.

C’est le cas du local 2251 du Syndicat des métallos, qui représente les travailleurs d’Algoma Steel. Cette élection, il appuie officiellement le candidat conservateur de la région, Sonny Spina.

« Le message du NPD ne résonne plus avec les travailleurs », affirme Michael Da Prat, président du local 2251. « À l’époque de Tommy Douglas, le NPD avait des revendications pour la classe ouvrière », explique-t-il. « Mais ce n’est plus le même parti. »

Cette décision n’a pas été prise d’en haut. À l’occasion des élections, le local a invité tous les candidats de la circonscription à venir présenter leur plateforme aux travailleurs. Ceux-ci ont ensuite choisi le candidat conservateur par un vote secret.

« Depuis la fondation du NPD en 1961, le vote ouvrier les a appuyés de manière idéologique. Le vote idéologique ne sert à rien », affirme M. Da Prat. « Si les partis savent à l’avance qui nous allons appuyer, alors aucun parti n’est incité à faire quoi que ce soit pour nous. »

Les inquiétudes de l’industrie pétrolière

Un son de cloche similaire se fait entendre de la part du local 9548, qui représente les travailleurs de Tenaris Algoma Tubes.

« Le NPD a déjà été le parti des ouvriers, mais ce n’est plus le cas », affirme le président du local, Cody Alexander, qui avoue avoir lui-même une carte du parti. « Il est devenu le parti de la justice sociale. »

Il soutient que la plateforme du NPD menace les moyens de subsistance des travailleurs qu’il représente : « Tenaris fait partie du secteur pétrolier et nos emplois dépendent du succès des champs de pétrole de l’Alberta. Si le NPD prend le pouvoir, ils s’en prendront à notre travail. »

Toutefois, cette section a plutôt appuyé le candidat libéral, le député sortant, Terry Sheehan.

« M. Sheehan a été là pour nous depuis son arrivée au pouvoir », ajoute-t-il. « S’il y a encore des travailleurs à Tenaris, c’est grâce au changement que les libéraux ont apporté au cours des quatre dernières années. »

La réponse du bureau national

Mark Rowlinson, l’adjoint du directeur national du Syndicat des métallos, note que les locaux ont la liberté de prendre position comme bon leur semble, mais il souligne qu’ils sont de rares exceptions à la règle.

« Au congrès national en avril dernier, les délégués des locaux partout au pays soutenaient presque à l’unanimité le NPD », affirme-t-il.

Il sympathise toutefois avec les inquiétudes de M. Alexander.

« Je le comprends tout à fait », note M. Rowlinson. « En tant que syndicat, on n’est pas d’accord avec la position de Jagmeet Singh en ce qui concerne l’industrie pétrolière et l’oléoduc Trans Mountain : c’est essentiel que ce pipeline soit construit et qu’il soit construit avec de l’acier canadien. »

Toutefois, il juge que la plateforme néo-démocrate dans son ensemble est mieux adaptée à la réalité des ouvriers.

« Franchement, c’est clair que le NPD a l’intérêt des travailleurs à cœur. On le voit dans leurs positions au sujet des soins dentaires, des services de garde, des lois sur les briseurs de grève, du salaire minimum, etc. C’est aussi le parti qui soutiendrait le mieux l’industrie de l’acier – encore mieux que les libéraux et certainement mieux que les conservateurs. »

Et de poursuivre : « L’enjeu de l’heure, c’est l’inégalité économique qui ne fait que grandir au Canada. Nos membres le voient : ils travaillent de plus longues heures et leurs salaires n’augmentent pas. C’est le NPD qui a les meilleurs plans à ce sujet. »