De la joie à la colère pour l’Université de l’Ontario français
OTTAWA – Le 14 décembre 2017, la loi créant l’entité légale de l’Université de l’Ontario français (UOF) était votée à Queen’s Park, ouvrant la porte à l’accueil des premiers étudiants de l’institution en 2020. Un an plus tard, les sourires ont cédé leur place à la colère. #ONfr revient sur une année mouvementée.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
14 décembre 2017 : L’Université de l’Ontario français voit le jour
À Queen’s Park, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne dépose un projet de loi omnibus. Pour les Franco-Ontariens, se concrétise alors un projet caressé depuis de nombreuses années : la création d’une université franco-ontarienne dont la mission sera de « proposer une gamme de grades universitaires et de programmes d’études en français pour promouvoir le bien-être linguistique, culturel, économique et social de ses étudiants et de la communauté francophone de l’Ontario ».
« C’est gros, c’est immense (…) on existe, on est une entité légale. » – Carol Jolin, président de l’AFO
L’optimisme est de mise et la présidente du comité technique de mise en œuvre, Dyane Adam, se tourne vers les prochaines étapes : trouver un édifice, bâtir un curriculum de cours et établir un plan d’affaires pour l’institution.
La coprésidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), Kelia Wane, se souvient.
« J’avais participé à la journée de lobbying à Queen’s Park, en mai 2017. Je n’étais pas encore coprésidente du RÉFO à l’époque, mais quand ils ont passé la Loi, c’était la concrétisation des efforts que nous avions faits. C’était un gain vers l’avenir. »
15 février 2020 : La date d’ouverture repoussée?
Devant des dizaines d’intervenants du milieu de l’emploi torontois rassemblés pour le Forum sur le capital humain francophone, Mme Adam admet que la date d’ouverture de la nouvelle institution pourrait être repoussée. Celle-ci est initialement prévue pour l’automne 2020, moment auquel les 300 premiers étudiants sont attendus.
Le gouvernement Wynne annonce les noms des 12 membres du conseil des gouverneurs de l’UOF. Le groupe comprend notamment plusieurs personnalités du Sud-Ouest de l’Ontario, dont Fété Ngira-Batware Kimpiobi et Florence Ngenzebuhoro. Dyane Adam en devient la présidente. La composition déçoit toutefois les Franco-Ontariens du Nord de la province qui s’inquiètent devant le mandat d’un établissement jugé trop « franco-torontois ». Mme Adam annonce dans le même temps que l’université débutera ses activités dans des locaux temporaires, dans le centre-ville de Toronto.
4 juillet 2018 : Un recteur pour l’UOF
Le professeur de sociolinguistique et chercheur universitaire émérite, Normand Labrie est nommé recteur par intérim de l’UOF. La durée de son mandat est prévue jusqu’en juillet 2019, date à laquelle sera comblé le « poste régulier » du rectorat, indique l’UOF.
23 juillet 2018 : Ford confirme son appui au projet
Dans un communiqué de presse, le nouveau gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford confirme son appui au projet de l’UOF.
« L’université sera un lieu d’apprentissage viable et dynamique pour la communauté francophone dans les années à venir » – Merrilee Fullerton, ministre de la Formation et des Collèges et Universités
13 septembre 2018 : Quatre programmes pour commencer
L’UOF dévoile les quatre premiers programmes de baccalauréat qui seront soumis pour approbation aux autorités compétentes : Culture numérique (créativité et modes d’innovation), Pluralité humaine (l’être humain dans sa pluralité), Environnements urbains (villes et activités humaines) et Économie mondialisée (mutations économiques et conséquences humaines).
14 septembre 2018 : Des doutes sur l’enveloppe
Face à la volonté du gouvernement progressiste-conservateur d’assainir les finances publiques, le recteur par intérim Normand Labrie juge que la somme allouée au projet de l’UOF pourrait diminuer.
Initialement, le gouvernement libéral avait annoncé une enveloppe de 83,5 millions de dollars sur sept ans, dont 71,5 millions de dollars en fonds de démarrage et 12 millions de dollars pour l’achat et l’aménagement de son édifice. Le recteur se dit toutefois confiant que l’argent sera au rendez-vous.
15 novembre 2018 : Le coup de massue
L’énoncé économique du nouveau gouvernement progressiste-conservateur surprend la communauté franco-ontarienne. En deux lignes, les troupes de Doug Ford reviennent sur leur engagement de l’été.
« Un examen plus détaillé de la situation financière de la province a amené le gouvernement à annuler les plans de la création d’une nouvelle université de langue française », peut-on lire.
« Ça a été une grande surprise, car le Parti progressiste-conservateur s’était engagé envers le projet pendant la campagne et une fois élu. Ça nous a donné l’impression d’un grand recul », dit la coprésidente du RÉFO.
Face aux critiques, le gouvernement Ford propose trois mesures pour les Franco-Ontariens. Sans s’engager sur le dossier de l’UOF, il change également de discours, par la voix de la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney qui ouvre la porte à la création d’une université franco-ontarienne « le jour où l’état des finances publiques permettra d’aller de l’avant ».
6 décembre 2018 : L’énoncé économique validé
Les élus provinciaux adoptent le projet de loi 57, à Queen’s Park, qui entérine les mesures comprises dans l’énoncé économique. Maigre consolation, la loi qui a permis la création légale de l’UOF n’est pas abrogée. Le financement de l’UOF s’achèvera toutefois le 15 janvier.
Le gouvernement fédéral se dit ouvert à financer en partie l’UOF, mais aucune demande en ce sens n’a été officiellement formulée par le gouvernement ontarien. Les deux niveaux de gouvernement se renvoient la balle.
« La lutte n’est pas finie et on va continuer à se battre tant qu’on n’aura pas notre Université de l’Ontario français », promet Mme Wane.
14 décembre 2018 : Prêt pour une bataille juridique
Pour le premier anniversaire de la loi qui a créé l’UOF, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario annonce l’embauche des avocats Ronald Caza et Mark Power pour analyser la possibilité de renverser la décision du gouvernement provincial d’arrêter le financement de l’Université de l’Ontario français le 15 janvier prochain.
POUR EN SAVOIR PLUS :
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