Déception modérée à l’annonce de la fin du Réseau des villes francophones d’Amérique
QUÉBEC – La Ville de Québec a annoncé la fin de son financement au Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique, sonnant le glas de cette initiative lancée en 2015. En Ontario, des maires se disent déçus, tout en reconnaissant l’apport limité de ce projet.
Cinq ans après sa création, le Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique cesse ses activités. Lundi dernier, la Ville de Québec a décidé de mettre fin à son entente avec le Centre de la francophonie des Amériques, responsable du Réseau depuis 2018.
« En raison de la pandémie et considérant la difficulté de maintenir les villes membres engagées, la Ville a mis fin au financement qu’elle accordait au Centre de la francophonie des Amériques (CFA) pour l’opération du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amériques. Il s’agit donc de la fin du Réseau tel que développé au cours des dernières années », explique la municipalité à ONFR+.
La Ville de Québec versait 100 000 $ des 270 000 $ de budget annuel nécessaire pour administrer le Réseau.
Promouvoir le patrimoine francophone
En 2015, l’idée avancée sept ans plus tôt par le tout nouveau maire de la Ville de Québec, Régis Labeaume, avait trouvé un écho favorable auprès de ses homologues de Moncton, au Nouveau-Brunswick et de Lafayette, en Louisiane. Le Réseau naissait avec l’objectif d’échanger expérience et expertise pour promouvoir et valoriser le patrimoine francophone.
Plus de 150 villes les avaient rejoints, de Bathurst, au Nouveau-Brunswick, à Baton Rouge, en Louisiane en passant par Beaumont, en Alberta, Dubuque, en Iowa ou encore Esquimalt, en Colombie-Britannique. Plusieurs municipalités ontariennes avaient elles aussi emboîté le pas, dont Hearst où le maire Roger Sigouin se montre très déçu.
« C’est une mauvaise nouvelle parce que ce réseau, c’était une chance de se rencontrer entre francophones de tout le Canada et au-delà. À Hearst, nous sommes 90 % de francophones et il y en a aussi beaucoup dans toute la région. C’est important que ça se sache et ce réseau le permettait. On avait tout à gagner et rien à perdre », dit-il, précisant que pour sa municipalité, il n’y avait aucune implication financière.
La COVID-19 comme responsable
Le maire de Québec, Régis Labeaume, blâme la pandémie pour expliquer la difficulté de maintenir l’engagement des villes participantes.
« C’est moins un manque d’intérêt qu’un manque d’énergie. L’intérêt au premier rassemblement que nous avions eu à Québec a été sublime, il y avait tellement de monde, notamment des États-Unis… Mais ça a pris beaucoup d’énergie », a-t-il expliqué lorsque questionné par ONFR+, en conférence de presse, ce lundi.
« On a ensuite transféré le projet au Centre de la francophonie des Amériques, car pour nous, on pensait que ça leur revenait. Mais ils doivent vivre avec une situation financière qui n’est pas évidente non plus. Il y a une question de moyens et d’énergie. Je crois encore à ça, mais à un moment donné, on devient limité et il faut faire des choix. »
La mairesse de Cornwall, Bernadette Clément, comprend la décision de Québec.
« Avec les difficultés liées à la pandémie et les restrictions en matière de déplacements, je comprends que le Réseau n’est pas une priorité de la Ville de Québec. On était très enthousiasmé par cette idée et je félicite le maire Labeaume de l’avoir lancée. Nous sommes donc déçus, car cela ouvrait des perspectives au niveau touristique. Nous avons plusieurs choses à faire découvrir à Cornwall, désormais, il faudra agir individuellement. »
Quelles retombées pour le Réseau?
À terme, le Réseau devait permettre la création de parcours touristiques destinés aux voyageurs provenant du monde entier.
S’il n’y parviendra pas, la Ville de Québec insiste sur quelques accomplissements ces deux dernières années, comme les deux rendez-vous organisés, l’accompagnement de projets de route touristique et de promotion de l’héritage francophone en Nouvelle-Angleterre, en Louisiane, en Alberta, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, ainsi que le développement d’outils pour la réalisation de parcours touristiques francophones.
Le maire de la Cité de Clarence-Rockland, dans l’Est ontarien, se montre plus réservé.
« On a eu quelques rencontres intéressantes, mais on n’a pas participé tant que ça, car c’est difficile pour une petite municipalité. On n’a pas les budgets pour de grands déplacements », explique le maire Guy Desjardins. « On est toujours content d’ouvrir toutes les portes qui nous permettent de rencontrer des gens, notamment dans la francophonie, mais il n’y avait pas vraiment davantage pour nous. »
Une décision temporaire?
La municipalité de Québec charge le CFA de poursuivre, dans un nouveau format, le travail réalisé, précisant que de son côté, elle poursuivra ses liens avec certaines villes, notamment Moncton et Lafayette, « à travers, par exemple, des projets culturels qu’elle mènera avec elles directement ».
À Ottawa, le maire, Jim Watson, se tourne lui aussi vers l’avenir.
« Bien que nous soyons attristés par cette nouvelle, dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19, nous comprenons que les municipalités doivent prendre des décisions difficiles dans plusieurs domaines, incluant la francophonie. La Ville d’Ottawa continuera de travailler avec ses partenaires municipaux en tant que membre de l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO). »
Mais le maire Sigouin refuse de se résoudre à voir ce projet définitivement abandonné.
« Je m’attendais à la décision de Québec, car la pandémie amène de gros défis. Mais j’espère que ce n’est que temporaire et que le Réseau reviendra une fois tout ça derrière nous. »
Sans s’engager, le maire Labeaume laisse planer le doute.
« Comme pour un paquet de choses, on verra à ce moment-là… »