
Des ambassadeurs prônent une reconnaissance accrue des diplômes étrangers en Ontario

Plusieurs ambassadeurs participant au Mois de la francophonie se rejoignent sur la nécessité de faire bouger les lignes en Ontario en matière de mobilité et de reconnaissance des diplômes étrangers.
« L’immigration telle qu’elle est pratiquée est un échec à tous les niveaux : pour le pays d’origine qui investit à coup de milliards dans la formation et qui voit partir ses cerveaux, mais aussi pour le pays d’accueil qui utilise nos médecins comme chauffeurs de Uber », déplore Bafétigué Ouattara, ambassadeur de Côte d’Ivoire au Canada.
Le diplomate qui participait cette semaine, aux côtés d’homologues, à une conférence du Club canadien de Toronto sur la francophonie dans un monde global, considère que le système actuel représente « une perte ».
Une perte car « on va chercher une compétence à l’étranger pour remplir un secteur donné, par exemple la médecine, mais la personne ne peut pas la pratiquer car son diplôme n’est pas reconnu. Quand on soulève la question, on nous dit que c’est au niveau des ordres ou que ça relève de la souveraineté », a-t-il argumenté au micro d’ONFR à l’issue de la conférence.

En Ontario, les expériences d’immigrants se heurtant au mur de la non-reconnaissance des diplômes sont légion. Pour résorber la pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, la province a lancé certaines initiatives, notamment dans l’enseignement et la médecine.
Elle permet par exemple aux diplômés français de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation titulaire d’un master d’être directement embauchés en Ontario sans passer par l’Ordre des enseignants. Elle tente par ailleurs d’attirer une centaine de médecins dans les zones rurales et le Nord dès cette année, via le programme Practice Ready Ontario.
L’Ontario doit-il en faire plus? Oui croit Gorgui Ciss, ambassadeur du Sénégal. « Ce sont des chantiers qu’on doit explorer davantage. On a commencé à travailler avec le Québec pour parvenir à des ententes mutuelles en matière de qualifications et d’harmonisation des curriculums. »
Et de poursuivre : « Aujourd’hui, l’intérêt d’une telle activité (venir débattre au Club canadien) est de mettre la lumière davantage sur l’Ontario. Une bonne partie de notre diaspora est au Québec mais cela ne signifie nullement un intérêt moindre pour l’Ontario où on doit être beaucoup plus présent, tant au niveau culturel qu’économique. »

« Certaines provinces sont plus ouvertes que d’autres », nuance Patrick Van Gheel, ambassadeur de Belgique et président du groupe des ambassadeurs et ambassadrices francophones à Ottawa.
Il souligne au micro d’ONFR que « c’est surtout le Québec qui est rétissant, ce qui nous arrange bien. La ministre (des Affaires francophones de l’Ontario) Mulroney veut vraiment pousser la reconnaissance des diplômes. C’est important d’aller dans ce sens, car les immigrants qui passent par Québec vont finir dans les provinces très actives comme l’Ontario. »
Le diplomate est d’avis de mieux encadrer la mobilité dans le cadre de partenariats transparents, y compris dans la formation. « La Belgique a développé avec certains pays africains des filiales pour former des professionnels, illustre-t-il. La moitié reste chez vous, l’autre moitié vient chez nous, mais cette idée de partenariats n’est pas encore suffisamment développée ici. »

La route est encore longue, esquisse pour sa part Michel Miraillet, ambassadeur de France au Canada. Le représentant de l’Hexagone participait ce même jour à un lever de drapeau de la Francophonie à Sudbury.
« Si on veut vraiment attirer des Français en Ontario, il faut faire en sorte qu’un médecin français formé en France voit ses diplômes reconnus par la faculté de médecine ontarienne. En Europe, un diplôme acquis en République tchèque est valable en France (…) mais ici de petits groupes essayent de se protéger. »
Pour améliorer l’attractivité ontarienne, M. Miraillet croit qu’il faut dépasser cela, mais aussi améliorer le système de santé, afin que les immigrants entrevoient un avenir au Canada.

Avec la collaboration d’Inès Rebei.