Des mesures pour régler les problèmes de traduction au Sénat

OTTAWA – Un groupe de travail sénatorial dresse 11 recommandations pour répondre aux problèmes de traduction et d’interprétation à la Chambre haute. Son rapport devrait être déposé, ce mardi 27 mars, au Sénat.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Plusieurs sénateurs ont soulevé des inquiétudes concernant le niveau et la qualité des services de traduction et d’interprétation offerts. Les membres des comités du Sénat attendent trop longtemps avant de recevoir des traductions de documents reliés à leur travail », explique à #ONfr, la sénatrice néo-brunswickoise, Pierrette Ringuette.

Présidente du Groupe de travail consultatif sur les services de traduction parlementaire, formé en septembre dernier et sur lequel siègent les sénateurs Ghislain Maltais, Serge Joyal, Pamela Wallin et Percy Mockler, la sénatrice a présenté un premier rapport devant le Comité permanent de la Régie interne, des budgets et de l’administration, le jeudi 22 mars.

Dans le document, le groupe de sénateurs recommande notamment d’établir un lien plus régulier avec le Bureau de la traduction, de mettre en place un mécanisme de rétroaction pour mesurer la satisfaction des sénateurs et de leur personnel en matière de traduction et d’interprétation ou encore, que le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement (SPA) fournisse les ressources additionnelles nécessaires pour répondre aux exigences du Sénat.

« Nous avons réalisé en faisant ce rapport que la gestion de la traduction et de l’interprétation au Sénat est bien différente de celle à la Chambre des communes. Par exemple, nous ne disposons pas de traducteurs et d’interprètes attitrés aux comités, ce qui assure pourtant une continuité et le développement d’un vocabulaire spécialisé. »

Une situation qui n’a pas manqué d’interpeller la sénatrice indépendante, Raymonde Saint-Germain.

« Je ne comprends que dans l’organisation du travail, on n’a pas compris qu’il fallait assigner les traducteurs et les interprètes à des champs particuliers! »

Les francophones pénalisés

Selon la sénatrice Ringuette, ce sont surtout les sénateurs francophones qui sont pénalisés. Plusieurs de ceux qui siègent au Comité permanent de la Régie interne, des budgets et de l’administration l’ont confirmé.

« Combien de fois, on regarde des rapports et on doit réécrire le français parce que c’est épouvantable? C’est inacceptable! Il y a des documents qui sont déposés en anglais aux comités et qui ne sont pas traduits au même moment en français. Ça m’offusque, car on n’imaginerait jamais l’inverse. Nous, les francophones, on accepte ça, on ne bronche pas, on dit que ça va être trop compliqué! Mais mon droit constitutionnel, c’est de l’avoir au même moment que le sénateur anglophone », a pesté le sénateur conservateur, Claude Carignan.


« On ne proposerait jamais un document en français à des sénateurs anglophones, parce qu’on aurait peur de leur réaction. » – Claude Carignan


Reste que selon un bref sondage mené dans le cadre de l’étude du groupe, portant sur 50 échantillons de textes traduits, dont 32 vers l’anglais et 18 vers le français, la qualité de la traduction n’a été jugée moyenne ou faible que dans 24 % des cas et celle de l’interprétation dans 15 % des cas.

« Mais le standard moyen qui est offert au Sénat n’est pas acceptable », tranche Mme Ringuette.

En 2017, l’équipe de direction du Bureau de la traduction a donné suite à trois plaintes formulées par divers intervenants du Sénat, a-t-on indiqué à #ONfr.

Bon accueil des interprètes

L’Association internationale des interprètes de conférence du Canada (AIIC) juge très positive la recommandation du rapport qui enjoint notamment le Bureau de la traduction à privilégier l’expérience et les connaissances pertinentes plutôt que le coût le plus faible. Une proposition qui a reçu un accueil positif de la part de la ministre de SPA, Carla Qualtrough, selon la sénatrice Ringuette.

Selon l’association, il faudrait aussi revoir la possibilité pour les ministères et les organismes fédéraux, depuis 1995, de recruter les interprètes de leur choix, même ceux qui ne sont pas qualifiés selon les normes du Bureau de la traduction.

« En conséquence, l’accès dans la langue de son choix aux délibérations des institutions fédérales s’est érodé. Pour obtenir un service de grande qualité en tout temps, le gouvernement du Canada devrait obliger tous les intéressés à faire appel au Bureau de la traduction », pense la porte-parole de l’AIIC, Nicole Gagnon.

Le rapport du groupe de sénateurs devrait être déposé, ce mardi, au Sénat pour adoption, afin d’obtenir une réponse écrite du gouvernement.