Des opportunités et des risques pour les Caisses populaires ontariennes
TORONTO – Le gouvernement ontarien examine actuellement une refonte de la Loi régissant les caisses populaires et les credit unions. Objectif : moderniser le secteur et permettre son développement. Une volonté bien accueillie par le secteur, mais qui incite à la prudence, selon un expert.
Fin janvier, l’adjoint parlementaire au ministre des Finances, Stan Cho, a présenté les grandes lignes de cette réforme de la Loi de 1994, à la Meridian Credit Union de Guelph. Son but, atténuer la réglementation et stimuler la compétitivité et l’innovation dans le secteur.
« Les caisses populaires et les credit unions jouent un rôle important au sein des collectivités de l’Ontario en aidant les familles et les entreprises à investir dans leur avenir. La Loi est désuète. L’établissement d’un nouveau cadre aiderait les caisses populaires et les credit unions à être plus souples et plus compétitives, ainsi qu’à se positionner de façon à mieux répondre aux besoins de leurs sociétaires », indiquait-il par voie de communiqué.
S’adapter à 2020
L’importance des caisses populaires n’est pas à prouver dans les communautés francophones de la province.
Le président et chef de la direction de la Caisse Alliance, née de la fusion des 12 caisses de L’Alliance des caisses populaires de l’Ontario en 2018, et qui regroupe 50 000 membres et 30 centres de services dans 24 communautés du Nord de la province, voit la démarche du gouvernement d’un bon œil.
« Nous avons poussé pour ça », explique Pierre Dorval. « La Loi doit être adaptée à la réalité d’aujourd’hui. Les caisses sont plus grandes, il y a des projets de fusion et la Loi actuelle est parfois une contrainte. »
En Ontario, quelque 1,7 million d’Ontariens et Ontariennes sont sociétaires d’une caisse populaire ou d’une credit union.
Des réalités différentes
Si rien n’est encore fait, le gouvernement progressiste-conservateur axe sa future modernisation sur trois éléments : l’adoption d’une approche fondée sur des principes pour atténuer la règlementation et permettre aux caisses populaires et aux credit unions d’être plus souples, l’accroissement des pouvoirs d’affaires et d’investissement pour permettre aux caisses populaires et aux credit unions d’offrir plus de services et enfin, l’amélioration de la protection des consommateurs en harmonisant la loi avec le code de conduite du marché.
« L’approche fondée sur des principes, par exemple, donnera plus de pouvoir au conseil d’administration pour s’adapter. Nous, dans le Nord, notre réalité est différente et ne peut être guidée par la même approche que Toronto ou des régions plus peuplées. On doit tenir compte de la situation propre à chaque région. Dans le marché immobilier, on ne peut avoir les mêmes directives qu’à Toronto, par exemple. »
Le directeur général du Conseil de la coopération de l’Ontario (CCO), dont fait partie la Caisse Alliance, Julien Geremie, souligne l’accueil plutôt positif de ses membres. Mais il attend d’en savoir plus.
« Nous sommes juste au début. On va surveiller comment la nouvelle réglementation permettra à nos caisses d’avoir plus de membres et comment le gouvernement va assouplir la réglementation. »
Des risques à considérer
Car les règles actuelles sont différentes de celles qui encadrent les institutions financières, comme les banques. Et M. Dorval espère que la nouvelle Loi permettra aux caisses populaires de mieux les concurrencer, tout en répondant aux besoins des particuliers et des entreprises. Les récentes fusions vont dans ce sens, afin de créer des entités plus robustes.
Les 11 caisses populaires de l’Ontario et de la Fédération des caisses populaires de l’Ontario (FCPO) ont suivi l’exemple de la Caisse Alliance en se regroupant. La nouvelle Caisse Desjardins Ontario a vu le jour le 1er janvier 2020 et compte 130 000 membres, de Welland à Hawkesbury, en passant par Sudbury.
Ces regroupements ne sont pas anodins, souligne Gilles LeVasseur, pour qui toute révision de la Loi doit se faire avec prudence.
« La Loi actuelle limite les capacités de financement commercial pour les caisses populaires. Pourtant, c’est là où se trouve l’argent et non dans les prêts aux particuliers », explique celui qui enseigne les affaires et le droit à l’Université d’Ottawa.
« Ces limites ont été imposées car les caisses populaires n’ont pas les mêmes capacités que les banques de faire face à des pertes. Et même avec le meilleur projet commercial possible, il peut toujours y avoir des faillites. Les fusions que l’on voit aujourd’hui sont la réponse à de tels échecs financiers. »
Sans réclamer le statu quo, M. LeVasseur insiste donc sur l’importance de prévoir des balises.
« La province veut ouvrir l’accès aux prêts commerciaux pour les caisses populaires. Pour qu’elles puissent grossir et rester rentables, ça prend ça. Mais la Loi doit aussi tenir compte des risques et prévoir un mécanisme de protection. »