Diane Quintas, combattante pour la santé des francophones du Nord

Diane Quintas est la directrice du Réseau mieux-être francophone du Nord de l'Ontario. Gracieuseté

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

THUNDER BAY – Personnage incontournable du milieu de la santé et de Thunder Bay, Diane Quintas a été de tous les combats depuis la fusion des deux réseaux de santé du Nord en 2010. La directrice générale de l’actuel Réseau mieux-être francophone du Nord continue de travailler avec passion à un meilleur accès en français de la population du Nord à des services de santé.

« Vous êtes une personne plutôt discrète concernant votre vie privée. Où avez-vous grandi?

J’ai grandi à Toronto, en plein centre-ville, jusqu’à l’âge de 30 ans quand j’ai déménagé à Thunder Bay. Ma mère est francophone du Québec, de l’Abitibi, et mon père Espagnol. Ils se sont rencontrés à Toronto dans des cours d’anglais. J’ai suivi mon mari ici à Thunder Bay parce qu’il y avait un travail. On était censé rester deux ans, mais on est tombé en amour avec la vie du Nord de l’Ontario et les gens d’ici. La communauté francophone nous a accueillis. Tous nos amis en font partie.

Quel lien entretenez-vous avec votre héritage espagnol?

Je danse le flamenco depuis que j’ai six ans. Ma famille faisait partie du club culturel espagnol à Toronto. Je donne des cours ici à un groupe de dames. J’ai de la famille espagnole à Toronto et en Espagne. Dès que j’en ai l’opportunité, je me rends là-bas.

Quand mes enfants sont nés, j’avais une amie qui enseignait la danse maman-bébé, et ça m’a donné envie de l’essayer. Elle m’a tout de suite proposé de me l’enseigner, alors je me suis lancée. C’était adorable de voir les mamans danser la salsa ou le merengue avec leur bébé. J’ai alors décidé de créer mon entreprise de danse salsa bébé que j’ai gardée un moment et que j’ai vendue quand j’ai commencé à assumer un plus grand rôle au réseau.

L’équipe du Réseau à la levée du drapeau à Sudbury lors du jour des Franco-ontariens 2015. Gracieuseté

À quel moment vous est venue la piqûre pour le domaine de la santé?

Ça a toujours été quelque chose qui m’a intéressée. Je pensais aller en médecine et j’avais suivi un ami de la famille qui était médecin pendant une journée. J’ai vite réalisé que c’était trop pour moi la médecine. J’ai réfléchi à ce que je pourrai faire d’autre et c’est là que j’ai pensé à la psychologie. Quand j’ai obtenu mon diplôme, c’était impossible de trouver un emploi à Thunder Bay.

J’ai toujours trouvé cela drôle par la suite lorsque je démarchais ces mêmes entreprises-là dans le cadre de mon travail au Réseau par rapport aux services en français. On me disait : « C’est parce qu’on n’a pas trouvé de thérapeutes en français ». Et là je riais intérieurement : « Voyons, vous ne m’aviez pas prise quand j’avais postulé! »

En cette Semaine de la santé mentale, que feriez-vous si vous pouviez agir sur cette question?

D’abord servir les gens en français! Le gros défi pour les personnes du Nord est l’accès à des soins en santé mentale en français. Quand j’avais ma pratique privée, je me rappelle qu’on m’avait référé un client qui habitait dans la région de Sault Ste. Marie. J’étais à Thunder Bay et on me l’avait assigné, car j’étais la plus proche.

À cette époque, on était loin des réunions virtuelles : c’était de la thérapie par téléphone. Le patient voulait un rendez-vous en personne et avait dit être prêt à se rendre jusqu’à Sudbury, mais ce n’était vraiment pas facile de trouver des psychologues et thérapeutes en français. J’ai commencé ma pratique privée à cause de ça.

Cynthia Sable, vice-présidente d’équité de Santé Ontario, responsable des Services en français, présente à Collin Bourgeois, président du conseil d’administration du Réseau et à Mme Quintas le certificat de désignation du Réseau en 2019. Gracieuseté

Vous étiez impliquée dès le début dans les réseaux de santé pour le Nord… Comment y étiez-vous arrivée?

Le Réseau a deux mandats : fédéral avec la Société santé en français et provincial avec l’entité de planification qui est arrivée beaucoup plus tard. Alors en 2004, quand le réseau s’est incorporé, il y en avait deux dans le temps. En déménageant à Thunder Bay j’avais pris contact avec l’organisme Accueil francophone qui, je ne le savais pas au départ, offrait des services d’interprétation médicale.

Je les ai appelés et on m’a invitée à cinq rencontres dont une entrevue avec le réseau, qui, dans le temps, cherchait une agente de développement pour le Nord-Ouest. Le réseau était en création à ce moment-là pour la région du Timiskaming-Cochrane avec un bureau satellite à Thunder Bay pour la région du Nord-Ouest où j’ai fini par obtenir le poste à temps partiel puis à temps plein.

Vous avez ensuite rapidement atteint le poste de directrice…

J’ai accédé au poste de directrice adjointe puis de directrice générale par intérim après le départ de Marc Bédard qui rejoignait l’Université de Hearst. C’était en 2009 et au même moment que le ministère de la Santé annonçait qu’il allait créer des entités de planification partout en province. C’est là qu’on a appris qu’il y en aurait une dans le Nord. Comme directrice générale, c’était mon rôle de travailler avec le directeur général du réseau du moyen-nord pour que nos deux organismes travaillent ensemble pour en créer un seul.

Ensemble, on avait la connaissance de tout le territoire, la population francophone du Nord et l’expérience du milieu de la santé. Après quelques années, j’ai décidé de devenir directrice générale et j’y suis toujours.

Avec le recul, pensez-vous qu’une seule entité pour tout le territoire du Nord soit suffisante?

Oui, je pense que c’est suffisant tant et aussi longtemps qu’on a les ressources financières et humaines. Est-ce que j’ai assez de personnel pour couvrir tout le territoire? Non, je pourrai en avoir un peu plus, mais avec ce qu’on ça on été capable de faire avancer nos dossiers. La qualité importe sur la quantité et je suis choyée d’avoir une équipe extraordinaire sur le terrain.

En 2018, lors d’une rencontre avec la ministre des Affaires francophones de l’époque, Marie-France Lalonde, les représentants des entités de santé avaient sorti leur carte santé pour indiquer leur désir d’y inclure la variable linguistique, requête adoptée à l’unanimité durant le premier mandat du gouvernement actuel, mais qui ne s’est toujours pas concrétisée. Gracieuseté

De quels accomplissements êtes-vous le plus fière à la tête du Réseau?

Si je retourne au premier réseau, c’est la création du nouveau réseau et sa nomination comme entité de planification, mais depuis la nomination comme entité de planification on a été capables de faire avancer la compréhension de l’importance des services en français à plusieurs établissements. On a créé une formation sur l’offre active reconnue dans six autres provinces et territoires et adoptée par plusieurs de nos fournisseurs. Et dernièrement on a aussi travaillé avec les services de soutien à domicile et en milieu communautaire pour une nouvelle politique sur les services en français qui inclue l’obligation de tous les employés de suivre la formation, soit près de 9 000 employés.

On a aussi beaucoup travaillé à la désignation pour les services en français. Il y a dix ans, on avait des fournisseurs qui nous disaient « Oh! Je suis désigné? Je ne le savais pas ». On a des fournisseurs qui, maintenant, sont vraiment sensibilisés et font de gros efforts pour offrir des services de qualité en français.

Vous étiez l’une des premières personnes à afficher votre soutien au nouveau président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Fabien Hébert. Cela vous aide-t-il d’avoir un président qui vient du Nord et du milieu de la santé?

Absolument, ça fait toute la différence. Fabien était le premier président du Réseau francophone du Nord et président du Réseau mieux-être francophone. J’ai donc beaucoup travaillé avec lui. J’ai même peut-être été lui chatouiller l’oreille en lui disant : « Ça ne te tenterait pas d’être président de l’AFO? » On voyait vraiment que l’AFO avait besoin d’une forte connaissance du milieu de la santé car, depuis plusieurs années, le système est en énorme transformation et les services en français ont pris du recul. Nous, en tant qu’organisme financé tant par le fédéral et le provincial, on peut faire des recommandations, mais pas de revendications politiques, à l’inverse de l’AFO.

Il fallait quelqu’un qui ne provenait pas de l’éducation, comme c’est le cas depuis le début. Ce n’est pas que les autres n’ont pas fait un bon travail, mais c’était le temps pour la santé. Le fait qu’il vienne du Nord apporte une autre perspective qui est tellement différente que celle des gens qui viennent de Toronto ou Ottawa.

Diane Quintas, avec la délégation du Nord comprenant Fabien Hébert, coprésident du Réseau en 2015, lors d’un forum santé à Toronto. Gracieuseté

Hearst va perdre son seul obstétricien… Le Nord perd ses médecins de famille. Est-ce qu’il y a raison de s’alarmer pour l’avenir?

On voit un exode énorme du personnel de la santé. On le savait pour les boomers, mais la pandémie a vraiment accéléré le phénomène. Si on ajoute à ça le Nord et la francophonie, c’est encore plus complexe. C’est plus dur d’attirer des professionnels dans le Nord et, dans le cas de Hearst, c’est à majorité francophone, mais comment tu fais si tu n’as que des médecins anglophones qui acceptent de venir s’y installer? Et les jeunes choisissent de plus en plus d’aller vers la médecine de spécialité qui n’offre pas spécialement d’opportunités d’emploi dans le Nord. Donc il faut vraiment travailler là-dessus. Oui, il y a raison de s’alarmer.

Pensez-vous qu’il faudrait élargir l’accès à un service d’interprétation formel pour faciliter l’accès aux soins pour les francophones?

On en a un à Thunder Bay qui est gratuit. C’est un service unique dans le Nord-Ouest! Oui, c’est possible ailleurs. Quand on parle d’interprétation, ce n’est pas la solution idéale, le mieux étant un médecin ou une infirmière francophone, la planification du service. Mais quand il n’y a pas de possibilité de jumeler, c’est la prochaine alternative avant d’utiliser un parent du patient ou d’assumer que le patient peut comprendre un minimum l’anglais.

Diane accompagnée entre autres de Jean-Gilles Pelletier, alors directeur général du Bureau du Commissaire au services en français, au lancement de la formation sur l’offre active en 2018. Gracieuseté

Partagez-vous les craintes sur la privatisation du système de santé pour le Nord?

Pour les francophones c’est vraiment inquiétant. On a un système qui a déjà de la difficulté à offrir des services en français. C’est encore plus inquiétant pour le privé qui n’a pas d’obligation en ce sens. Ça ne touche même pas l’aspect financier, car on dit qu’il n’y aura pas à payer, mais ce n’est pas ce qu’on entend sur le terrain. Il va y avoir les gens qui peuvent avoir accès et d’autres non. Pour quelqu’un de francophone, à faible revenu et avec un accès limité aux services en français, ça va être encore plus compliqué.

Sur une autre note, quels sont vos plans pour cet été?

Je m’en vais dans le bois en juillet! Je fais ça chaque année, avec de longues journées sur la plage, en roulotte avec mon camping, faire des randonnées. C’est une des raisons pour lesquelles on aime vivre dans le Nord. »


LES DATES-CLÉS DE DIANE QUINTAS :

1974 : Naissance à Toronto

2001 : Ouvre sa pratique privée de psychothérapeute

2004 : Déménage à Thunder Bay

2007 : Devient directrice adjointe du Réseau francophone de santé du Nord de l’Ontario – un des deux anciens réseaux qui ont formé le Réseau du mieux-être -créé seulement en 2010.

2013 : Prend la direction générale du Réseau mieux-être francophone du Nord

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.