Direction conservatrice : un débat en français laborieux
TORONTO – Le premier des deux débats entre les candidats à la chefferie du Parti conservateur du Canada (PCC), en français, était un test quant à leur capacité à s’exprimer en français. Une chose est sûre, le prochain chef conservateur ne sera pas parfaitement bilingue, mais Erin O’Toole a marqué quelques points sur les langues officielles.
Ils sont quatre à briguer la succession d’Andrew Scheer. Mais ce mercredi, ni Leslyn Lewis, ni Derek Sloan, ni Peter MacKay, ni Erin O’Toole ne rassureront complètement les 62 % de Canadiens qui jugeaient, début février, dans un sondage Léger pour le Journal de Montréal, que le prochain chef conservateur devrait être bilingue. Un coup de sonde qui montrait également que 69 % des Canadiens souhaitent un premier ministre qui parle les deux langues officielles.
Sans surprise, les deux favoris, M. O’Toole et M. MacKay, sont toutefois ceux qui se sont le mieux débrouillés dans la langue de Molière. M. MacKay, moqué au début de sa campagne pour son français, est apparu bien préparé pour ce débat, débuté avec 30 minutes de retard.
« Je suis fier de m’adresser en français, malgré mon petit accent », a-t-il lancé dans son mot d’ouverture, saluant les francophones à travers le pays.
Son principal adversaire, M. O’Toole s’est, pour sa part, excusé d’avance.
« Ce soir, je vais faire des erreurs. Mais je vais continuer à améliorer mon français », a-t-il promis.
Sur la compétence linguistique, la politologue au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, donne un léger avantage à ce dernier.
« M. O’Toole est paru un peu plus à l’aise et était plus facile à comprendre. Mais, quel que soit le vainqueur, le prochain chef aura du travail à faire pour défendre la plateforme conservatrice face à Trudeau ou Blanchet en débat. On est, au mieux, au niveau d’Andrew Scheer. »
Sloan défend des services provinciaux unilingues
Les deux autres candidats, positionnés comme conservateurs sociaux, ont beaucoup utilisé leurs notes, tout en peinant à se distinguer.
À plusieurs reprises, Mme Lewis a répondu à côté des questions du public. Interrogée sur l’enjeu énergétique, par exemple, elle a soutenu l’importance pour les Québécois d’avoir des services en français et souligné ses progrès dans cette langue, ces trois derniers mois.
Plus à l’aise dans la langue de Molière que Mme Lewis, M. Sloan n’aura quant à lui sans doute pas marqué beaucoup de points auprès des francophones et des Anglo-Québécois en soutenant la possibilité pour les provinces de livrer leurs services dans la langue de leur choix.
« Les Canadiens francophones et anglophones devraient avoir accès aux services publics fédéraux dans la langue officielle de leur choix, tout comme au Nouveau-Brunswick qui est officiellement bilingue. Mais dans les autres régions, qui sont unilingues français ou unilingues anglais, le gouvernement du Québec ne devrait offrir des services qu’en français et le gouvernement de l’Alberta ne devrait fournir des services qu’en anglais », a soutenu le député ontarien, avant de s’inquiéter des problèmes d’accès aux emplois fédéraux pour les Canadiens unilingues.
O’Toole s’engage à moderniser la Loi sur les langues officielles
S’il a souvent fait référence aux francophones à travers le pays et jugé important que le prochain chef soit bilingue, Peter MacKay n’est pas allé aussi loin qu’Erin O’Toole dans le dossier des langues officielles.
Le député ontarien de Durham, qui est le seul à avoir des engagements sur le sujet dans sa plateforme, s’est positionné pour une modernisation de la Loi sur les langues officielles.
« C’est un avantage pour notre pays d’avoir nos deux langues nationales (…). Je vais défendre les droits linguistiques au Québec et à travers le pays pour les communautés francophones et moderniser la Loi sur les langues officielles. C’est important de le faire immédiatement », a-t-il promis, tout en militant pour une augmentation du rôle du commissaire aux langues officielles afin d’« examiner les services en français pour les francophones de tout le pays ».
Selon Mme Chouinard, M. O’Toole était bien préparé dans le dossier.
« Il n’a pas été pris au dépourvu, même s’il n’a pas donné beaucoup de détails. On sent qu’il a une compréhension de base. »
Face à face MacKay-O’Toole
Souvent cacophonique, le débat modéré par Dan Nowlan aura surtout été un affrontement entre les deux favoris de cette course à la direction conservatrice.
M. O’Toole s’en est souvent pris au bilan de M. MacKay comme ancien ministre des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice sous le gouvernement Harper, alors que M. MacKay a reproché le manque de clarté de M. O’Toole sur la question de l’avortement, notamment.
« On voit la stratégie de M. MacKay qui veut se dépeindre comme le candidat progressiste et qui tente de placer M. O’Toole peut-être plus à droite qu’il ne l’est réellement. M. O’Toole n’a pas été très clair sur la question de l’avortement et on sait que ça a coûté cher à M. Scheer aux dernières élections. Il a toutefois tenté de tenir un discours plus centriste, sans doute en sachant que les francophones sont un peu plus à gauche. Il faudra voir si le discours de M. O’Toole est le même demain », interroge la politologue du Collège militaire royale du Canada.
Elle remarque également que sur les grands enjeux, comme l’environnement ou la relance économique, les mêmes recettes classiques du parti semblent proposées par les candidats.
Un deuxième débat aura lieu ce jeudi, en anglais, à partir de 19h. Les membres du PCC ont jusqu’au 21 août pour élire, par correspondance, leur prochain chef.