Doug Ford à toute vitesse à Queen’s Park

Le premier ministre de l'Ontario. Doug Ford. Crédit image: Archives #ONfr

[ANALYSE]

TORONTO – Rarement un gouvernement élu n’a voulu donner l’impression d’agir aussi vite. Le premier ministre, Doug Ford, et son équipe ont mené tambour-battant les cinq semaines de la « session d’été » à Queen’s Park. Au nom du slogan « promesses faites, promesses tenues », le nouveau gouvernement a depuis mi-juillet mis en place ses promesses électorales.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Retrait du marché carbone, abolition du programme d’éducation sexuelle ou encore, bière à un dollar, M. Ford a fait vite. Quitte à surprendre ses opposants et les observateurs politiques.

Dès son élection le 7 juin, le chef progressiste-conservateur a voulu montrer qu’il était un homme d’action et de parole. Objectif : mettre en scène la rupture avec ses prédécesseurs libéraux soi-disant mous et si éloignés de leurs électeurs. Force est d’admettre que sur la forme, M. Ford a réussi ses débuts.

Mais sur le fond, le premier bilan des débats à Queen’s Park est plus contrasté. Parmi les bons coups, citons quand même la fin du monopole de la Régie des alcools de l’Ontario sur la vente de cannabis. L’idée que cette vente soit confiée au secteur privé a été saluée par beaucoup comme une décision équilibrée, le tout dans la lignée de ce qui est déjà fait pour la cigarette, et dans certaines régions, pour l’alcool et la bière. Logique donc.

Mais d’autres secteurs sont d’ores et déjà sacrifiés pour permettre des « efficacités » économiques. C’est le cas de l’environnement avec le retrait du marché du carbone et la volonté de mettre fin à la taxe sur le carbone. Dans son style anti-élitiste, M. Ford entend ainsi lutter contre le fardeau fiscal. Sauf que le retrait des termes « Changements climatiques » du titre de ministre de l’Environnement et l’annulation des subventions pour les autos électriques prouvent que le gouvernement n’est simplement pas très branché « vert ».

Le fait majeur : la réduction des élus à Toronto

Plus inquiétant : l’adoption d’une loi réduisant le conseil municipal de Toronto de 47 à 25 élus. Ce régime minceur permettra d’économiser 25 millions de dollars pour le gouvernement. Reste que les élus torontois n’ont pas le don d’ubiquité. Et que la proximité avec les électeurs, semble t-il si cher à Doug Ford et son slogan de campagne « for the people », s’en trouve malmenée.

À cette décision controversée s’ajoute une forme un peu cavalière. Durant la campagne électorale, Doug Ford s’était bien gardé de livrer ses intentions sur le sujet. Dans ces conditions, on peut légitimement se demander si le chef progressiste-conservateur a bel et bien tout dit aux Ontariens. Les coupures dans la fonction publique seront-elles ainsi vraiment évitées?

Des Franco-Ontariens pas plus avancés

Côté francophonie, on ne peut pas dire que les Franco-Ontariens soient aujourd’hui plus avancés qu’il y a deux mois. Le gouvernement a tout de même confirmé la mise en œuvre de l’Université de l’Ontario français, mais n’a toujours pas répondu à certaines revendications. À commencer par la refonte de la Loi sur les services en français.

Les ministres ont besoin certes de temps pour connaître les différents enjeux. Et aux Affaires francophones, Caroline Mulroney part de très loin. Peu familière avec les dossiers, la députée de York-Simcoe reste en processus d’apprentissage. Gageons qu’elle donnera dès l’automne des premières réponses concrètes aux militants francos-ontariens.

Parti à toute vitesse, Doug Ford devra veiller à garder un lien de confiance avec les Ontariens. Cela passe aussi par les francophones.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 20 août.