Drapeau franco-ontarien : surenchère à Queen’s Park, l’ombre de La Laurentienne

Le drapeau franco-ontarien. Archives ONFR+

[ANALYSE]

TORONTO – Depuis longtemps, cette photo en noir et blanc est passée à la postérité : le 25 septembre 1975, le drapeau franco-ontarien est hissé au mât de l’Université de Sudbury par l’étudiant Michel Dupuis. C’est pourtant à quelques kilomètres de là, à l’Université Laurentienne, l’autre institution bilingue de Sudbury, que ce symbole a vu le jour.

En 45 ans, l’intérêt du drapeau vert et blanc, confectionné par le professeur de La Laurentienne Gaétan Gervais et Michel Dupuis, est même croissant.

Dernière démonstration : l’étendard franco-ontarien sera bientôt hissé de manière permanente à Queen’s Park. Une décision à la suite de la motion de la députée libérale, Lucile Collard, déposée cette semaine, et votée à l’unanimité par les élus de l’Assemblée législative.

Cette nouvelle étape pour le drapeau s’inscrit parmi d’autres reconnaissances. En juin 2001, le drapeau avait reçu le statut de symbole officiel des Franco-Ontariens. À l’automne dernier, le projet de loi privé 182 de la députée conservatrice Natalia Kusendova reconnaissait cette fois le drapeau comme un symbole provincial, le tout par une modification de la loi de 2001.

On ne va pas faire la fine bouche. En termes de reconnaissance du drapeau, l’Ontario fait mieux que les autres provinces en contexte minoritaire.

Au Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue du Canada, le drapeau acadien flotte « seulement » devant l’Assemblée législative mais n’est pas reconnu comme emblème officiel de cette province.

À l’inverse, en Saskatchewan et en Alberta, les drapeaux fransaskois et franco-albertain, bien que des emblèmes officiels depuis respectivement 2005 et 2017, n’occupent pas le terrain devant leurs législatures respectives.

Conservateurs, libéraux et néo-démocrates proposent

Mais cette course des trois principaux partis à Queen’s Park à valoriser les symboles franco-ontariens possède un goût de surenchère politique. En demandant que le texte de Mme Collard soit amendé par l’installation du drapeau sur les terrains de l’Assemblée législative, les conservateurs ont confirmé une promesse dévoilée par ONFR+ en janvier dernier.

La veille du dépôt de la motion de Lucille Collard, le néo-démocrate Guy Bourgouin a présenté un projet de loi pour que la « bataille des épingles à chapeau », le fameux conflit de 1916, soit commémoré tous les 7 janvier.

Pour les uns, ces volontés politiques de s’épancher sur le sort des Franco-Ontariens sont une véritable reconnaissance après des décennies de luttes. Pour d’autres, ces avancées certes encourageantes restent symboliques, sans se plonger dans des dossiers de fond plus urgents.

Les difficultés de La Laurentienne

Ironie du sort, l’Université Laurentienne, lieu de naissance du drapeau franco-ontarien, s’impose comme le principal dossier du début d’année pour les francophones. Confrontée à un déficit de plus de 10 millions de dollars, l’institution a commencé, début février, une procédure de restructuration sous supervision judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).

Cette semaine, le débat sur l’incertitude entourant les programmes en français de La Laurentienne, s’est transporté directement sur les bancs de Queen’s Park.

Avec raison, la députée libérale Amanda Simard a rappelé au gouvernement la nécessité pour l’université de se conformer à la Loi sur les services en français, tandis que le néo-démocrate Jamie West a interpellé le ministre de l’Éducation Stephen Lecce sur le financement du campus.

Le fait que le drapeau franco-ontarien soit né dans l’enceinte de La Laurentienne n’est pas un hasard. Dans ces conditions, valoriser la symbolique du drapeau franco-ontarien tout en refusant de prêter main-forte au campus relèverait d’un non-sens.

Cette analyse a été écrite avant l’annonce vendredi après-midi de l’Université de Sudbury, souhaitant devenir une université 100 % francophone.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 13 mars.