Éducation postsecondaire : et si les Franco-Ontariens s’inspiraient du Québec?

Photomontage archives ONFR+

Avec les récents événements à l’Université Laurentienne, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander la création d’un réseau universitaire franco-ontarien. Au Québec, le Réseau de l’Université du Québec, en selle depuis cinquante ans, compte près d’une dizaine d’établissements aux quatre coins de la province. L’Ontario français devrait-il s’inspirer des Québécois pour bâtir un futur réseau universitaire?

Ce désir de réseau a pris récemment du poids avec la situation à Sudbury combinée à l’autonomie de l’Université de Hearst. Plusieurs professeurs et experts du milieu demandent un réseau qui impliquerait l’Université de l’Ontario français (UOF), celle de Hearst et une institution sudburoise. C’est notamment le cas du professeur de l’Université d’Ottawa, François Larocque.

« C’est une formule très avantageuse pour l’Ontario. Au lieu de se faire concurrence, les universités pourraient collaborer pour offrir une meilleure brochette de programmes et une meilleure mobilité entre étudiants… Un réseau d’universités qui dessert une population et qui assure entre elles une panoplie de programmes serait plus avantageux pour la communauté », croit M. Larocque.

Être un peu partout, c’est justement le cas du réseau de l’Université du Québec créé en 1968 par le gouvernement québécois durant la Révolution tranquille. Le réseau québécois est éparpillé de l’Abitibi jusqu’à la Côte-Nord dans près d’une soixantaine de points de service au total. Une telle présence partout dans la Belle Province est un impératif, croit Johanne Jean, la présidente de l’Université du Québec.

« Si les établissements n’avaient pas été répartis sur le territoire, on n’aurait pas les chiffres qu’on a là aujourd’hui, c’est sûr et certain… Ça aurait été très certainement l’une des décisions les plus audacieuses d’un gouvernement provincial. »

« Il y a des parallèles à faire avec les besoins de l’Ontario français d’aujourd’hui et celui du Québec à l’époque » –Normand Labrie

Pour le professeur Normand Labrie, qui se spécialise notamment dans l’accès au postsecondaire en Ontario pour les francophones, il n’existe pas mille avenues possibles.

« Il n’y a pas beaucoup de solutions aux problèmes actuellement en dehors de développer des universités autonomes, donc qui deviennent des membres de ce réseau-là. On ne peut pas imaginer que la première étape qui est la volonté de créer un réseau va régler le problème. Par contre, elle est nécessaire pour parvenir à toutes les démarches politiques qu’il faut faire », soutient le professeur de l’Université de Toronto.

Le professeur de l’Université de Toronto Normand Labrie, en compagnie de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney. Source : Université de l’Ontario français

Pour ce dernier, ceux souhaitant mettre en place un tel réseau dans la plus grosse province canadienne devraient s’inspirer des actions posées par les Québécois dans les années 1960.

« Il y a des parallèles à faire avec les besoins de l’Ontario français d’aujourd’hui et celui du Québec à l’époque, car le réseau est parti de zéro et c’est vraiment un succès », souligne M. Labrie.

« On a toujours intérêt à s’inspirer des autres pas pour copier, mais pour savoir quels sont les défis et les bons coups qui marchent. Il faut vraiment consulter beaucoup de gens qui sont passés à travers toutes sortes d’expériences », poursuit-il.

Pas de réseau sans le gouvernement

Pour Martin Maltais, professeur en financement et politiques d’éducation à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), le projet de réseau universitaire comme c’est le cas au Québec doit partir d’une volonté politique. Un vouloir qu’il ne ressent pas chez le gouvernement conservateur actuellement.

« L’Université du Québec est née d’une volonté de l’Assemblée nationale et à partir de là, c’était un projet d’État. Ce n’est pas le projet d’une université qui veut devenir quelque chose, c’est l’État qui a pris la décision de la créer. Alors qu’en Ontario, juste pour créer l’Université de l’Ontario français, ç’a été une bataille de tous les instants avec une fin de presque non-recevoir. »

Archives ONFR+

Pour ce dernier, lorsqu’il regarde la situation entre le Québec et sa province voisine au niveau postsecondaire, l’Ontario abandonne complètement ses universités. Il pointe notamment vers le projet de l’UOF.

« L’Ontario donne comme message présentement à toutes les autres provinces que les universités ne sont pas une responsabilité de la province, mais bien du gouvernement du Canada… La journée que le gouvernement du Canada va aller dans une autre direction et va décider de se retirer pour une raison ou une autre du projet, l’Ontario va faire quoi? » s’interroge le professeur.

À l’UOF, la présidente Dyane Adam admet que le projet d’un réseau a toujours été au cœur des discussions, mais la situation actuelle exige de la patience, affirme-t-elle.

« C’est réaliste comme projet, mais il faut être constitué avant. Comme le moyen-nord, il doit y avoir des entités. Avec l’Université de Sudbury, on attend tous de voir ce qui va se passer, suite au processus de restructuration à La Laurentienne. Ce que je vois qui est en train de se produire dans le moyen-nord, c’est qu’il y a une mouvance de la communauté pour savoir ce qu’elle veut et je crois que c’est ça qui va être déterminant. »

Un objectif similaire

Pour Johanne Jean, l’objectif que s’étaient fixé les Québécois au 20e siècle pourrait être une inspiration pour la construction d’un futur réseau.

« On voulait augmenter le taux de scolarité des Québécois et pas juste à Montréal et Québec, mais partout. On voulait rendre accessibles la formation et la recherche universitaire aux plus grands nombres de personnes possible. Dans ce sens-là, il y a un objectif qui est semblable en Ontario, car vous (les Franco-Ontariens) souhaitez rendre accessible l’éducation universitaire aux francophones de l’Ontario. Il y a un objectif semblable. »

Johanne Jean, présidente de l’Université du Québec. Gracieuseté

Même si les établissements du réseau québécois sont connectés entre eux, l’autonomie des institutions est très importante, croit-elle.

« C’est important l’autonomie des établissements universitaires. Quand un établissement universitaire décide d’exporter son programme à la demande d’un autre, ça ne se fait pas comme ça en criant victoire. Les corps professoraux réfléchissent à cette question-là, on doit regarder le niveau de capacité de l’autre établissement à offrir le programme… On partage oui, mais on ne dit pas : viens chercher mon programme, pars avec et fais en ce que tu veux avec », prévient Mme Jean.