Élections anticipées : priorités francophones menacées?
TORONTO – Avec la reprise parlementaire teintée par le potentiel appel à une élection anticipée, des députés franco-ontariens craignent pour le suivi de projets de loi et de priorités sur lesquels ils sont engagés. Communautés francophones du Nord, offre active, Université de Sudbury ou pénurie de personnel bilingue, autant d’enjeux en attente risquant d’être abandonnés.
Le retour en chambre de l’Assemblée législative de l’Ontario cette semaine, après presque cinq mois de pause estivale, est marqué par le possible appel à une élection anticipée de la part du gouvernement.
Une décision qui mettrait dès lors fin à tous travaux parlementaires actuels. Dans l’expectative, certains députés franco-ontariens de l’opposition expriment des craintes quant à l’aboutissement de leurs projets de loi en cours.
La députée néo-démocrate de Nickel Belt, France Gélinas, a indiqué s’inquiéter de voir le Projet de loi 173 sur l’épidémie de violence entre partenaires intimes stagner, renvoyé en commission après son adoption le 10 avril dernier.
« Nous savons depuis trop longtemps que la violence entre partenaires intimes est un problème trop fréquent. Est-ce que le gouvernement peut nous assurer que des solutions seront mises en œuvre dans les plus brefs délais pour les communautés francophones et les communautés du Nord? », avait-elle alors réclamé au gouvernement.
France Gélinas, qui se représentera pour sa circonscription, reste également concentrée sur l’accès aux soins primaires en français, le manque de médecins ou infirmières praticiennes francophones, le recrutement et la rétention des travailleurs de la santé.
Également dans sa ligne de mire, les écoles francophones qui manquent de personnel et qui ne sont pas entretenues, faute de budget, ainsi que le financement de l’université de Sudbury « pour, par et avec les francophones, pour desservir les francophones du Nord-est ».
Les enjeux de communautés francophones en attente
« Lorsqu’il s’agit de la date des prochaines élections, nous sommes à la merci du gouvernement, déplore Guy Bourgouin, le député de Mushkegowuk-Baie James. Nous proposons des solutions, c’est notre responsabilité en tant qu’opposition officielle. Mais si nous avons une élection en avance, les enjeux en attente des décisions du gouvernement resteront encore plus longtemps sans solutions. »
« Mes priorités sont celles de ma communauté, souligne le porte-parole en Affaires francophones de l’opposition officielle, indiquant se représenter aux prochaines élections provinciales.
« Je me concentre surtout sur l’avancement des enjeux qui sont particuliers au Nord et aux communautés francophones. Partout où il y a des pénuries en Ontario, que ce soit pour des médecins, des enseignants, des lits de soins prolongés ou du financement pour les universités. La situation est encore plus difficile dans le Nord, et particulièrement pour les francophones ».
Selon la députée libérale d’Ottawa-Vanier Lucille Collard, « assurer une offre active de services en français n’est pas une priorité pour ce gouvernement. Que ce soit dans le domaine de l’éducation, de la santé, ou de la justice – la communauté francophone est toujours une arrière-pensée ».
« Je continuerai de partager les perspectives et les réalités de la communauté francophone en Chambre à la législature pour que le gouvernement les comprenne. »
Celle-ci espère que son Projet de loi 133, Loi de 2024 sur le Mois de la sécurité et de la protection de la vie privée des enfants en ligne, adopté en deuxième lecture, aboutira avant la fin du terme parlementaire, de même que le Projet de loi 41, qui a reçu la sanction royale, protégeant contre les dettes les victimes de la traite de personnes.
« J’exhorte le gouvernement à assurer sa mise en œuvre le plus tôt possible. Si cela n’arrive pas avant la prochaine élection, il y a un risque que cette loi, qui est si importante pour les survivantes de la traite des personnes, soit tablettée, ce qui serait une honte et une grande déception ».
Besoin d’infrastructures rurales
L’adjoint parlementaire aux Affaires francophones et député de Glengarry-Prescott-Russell, Stéphane Sarrazin, qui repartira lui aussi en campagne, indique vouloir améliorer les services en français dans tous les secteurs, et vouloir se concentrer sur la construction de logements et l’investissement dans les infrastructures.
Avant la fin de ce terme, le député de l’Est ontarien souhaite « finaliser des ententes pour la construction de plusieurs Maisons de soins de longue durée dans Glengarry-Prescott-Russell, continuer des discussions avec les municipalités pour faciliter le développement et obtenir du financement pour les projets municipaux : routes, eaux, égouts, etc… »
L’indépendant Michael Mantha, député franco-ontarien de Algoma-Manitoulin, souhaite plaider pour un financement adéquat aux petits hôpitaux dans les régions rurales du nord de l’Ontario, et pour un meilleur entretien des routes du Nord.
Il prépare également un projet de loi d’initiative parlementaire « pour m’attaquer aux problèmes qui ont été cernés avec la privatisation des tests de conduite en Ontario. »
« Malheureusement, le gouvernement actuel a régulièrement utilisé sa majorité pour empêcher que de bons projets de loi d’autres partis ne soient présentés à l’Assemblée législative, note celui-ci. Le Projet de loi 13, sur des subventions aux résidents du Nord de l’Ontario pour frais de transport à des fins médicales, le projet de loi 67, sur la délivrance de permis et de règlements aux agences de soins infirmiers temporaires, le Projet de loi 27, sur la protection du territoire agricole, etc. Ils auraient profité aux gens de ma circonscription d’Algoma-Manitoulin et de partout en Ontario. »
Celui-ci précise qu’il prendra une décision finale avec son équipe dans les prochains mois quant à se présenter aux prochaines élections.