Élections fédérales : attentes et promesses pour les arts et la culture
L’industrie des arts et de la culture fait partie des plus touchées par la pandémie actuelle. Fermetures et réouvertures partielles, confinements, achats de matériel relié aux mesures sanitaires… Alors qu’on parle partout de relance économique, qu’en est-il de la relance culturelle? Nous avons sondé le milieu de la culture franco-ontarienne et épluché les plateformes des partis fédéraux.
Selon Stef Paquette, président du conseil d’administration de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM), les artisans ont hâte de reprendre leurs activités de façon plus soutenue. Ils s’arment de patience. La campagne électorale vient ajouter une couche d’incertitude, puisque le gouvernement sortant avait annoncé une série de mesures pour le milieu culturel, dont 40 millions de dollars en nouveaux fonds à Patrimoine canadien pour favoriser la reprise des arts vivants.
Selon M. Paquette, qui siège également au conseil d’administration de Réseau Ontario et qui a été candidat néo-démocrate lors des élections de 2019, il est essentiel de retourner devant un public en chair et en os. « J’ai fait moi-même beaucoup de spectacles numériques, et j’en suis très reconnaissant. Mais le numérique ne peut pas complètement remplacer les arts de la scène. »
Il souligne qu’avec une campagne aussi courte, le milieu culturel ne s’attendait pas à voir ses intérêts portés à l’avant-plan. La phrase qui résume le tout : « On est en attente. »
Un revenu stable pour les travailleurs culturels
Le directeur général de l’APCM, Thomas Kriner, appuie de son côté les revendications de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) qui exhorte le futur gouvernement à miser sur « le potentiel économique et social du secteur des arts et de la culture ».
L’organisation demande de prolonger l’aide mise en place pendant la pandémie, puisque celle-ci se prolonge aussi. Contenues dans un document d’une dizaine de pages, les demandes de la FCCF se résument en trois points : « assurer aux artistes et aux travailleurs culturels l’accès à une forme de revenu stable en temps de pandémie et au-delà de la crise sanitaire, ainsi qu’à un filet social plus inclusif » et garantir le dépôt de deux projets de loi, l’un sur la « refonte du système canadien de la radiodiffusion qui tient pleinement compte des besoins et des réalités spécifiques des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM) », l’autre visant la modernisation de la Loi sur les langues officielles « qui confirme le lien indissociable entre langue et culture, et qui reconnaît et soutient les capacités des institutions communautaires au service d’un développement culturel durable des CFSM ».
La FCCF dresse un bilan positif de son apport à l’élaboration du projet de loi C-10 (pour une réforme de la Loi sur la radiodiffusion,) mais déplore sa stagnation. La FCCF demande aussi au prochain gouvernement de déposer un projet de loi semblable à C-32 (réforme de la Loi sur les langues officielles).
Ce que prévoient les partis
Selon les plateformes officielles du Parti conservateur du Canada (PCC), du Parti libéral du Canada (PLC), du Nouveau Parti démocratique (NPD) et du Parti vert du Canada (PVC), tous prévoient moderniser la Loi sur les langues officielles et la Loi sur la radiodiffusion. Les libéraux et les verts feraient renaître le projet de loi C-10, alors que les conservateurs élaboreraient leur propre plan. Tous les partis s’entendent sur la nécessité d’imposer des règles plus strictes aux géants du web.
Les quatre partis prévoient également une mise à jour de l’assurance-emploi et des aides fiscales qui touchent le secteur culturel. Le PCC veut « prendre des mesures immédiates pour aider les secteurs les plus touchés » par la pandémie, mais abolirait les aides d’urgence qui ont été mises en place au cœur de la crise. Le PLC établirait un nouveau plan transitoire de mesures d’urgence pour les artistes. Le NPD et le PVC instaureraient un revenu de base garanti pour tous et un étalement du revenu imposable pour les travailleurs culturels.
Plusieurs institutions publiques risquent d’être touchées par des réformes ou des bonifications dans les prochaines années. Le mandat de Radio-Canda/CBC serait revu par les libéraux, les conservateurs et les néodémocrates. Plus particulièrement, le PCC souhaite obliger Radio-Canada à offrir plus de contenu provenant des communautés francophones hors Québec.
Téléfilm Canada et le Fonds des médias du Canada sont dans la mire du PLC et du NPD. Les libéraux visent aussi l’Office national du film et le Bureau de l’écran autochtone. Le PVC encouragerait le Conseil des Arts du Canada à soutenir plus de créations autochtones et augmenterait le soutien financier « pour tous les organismes artistiques et culturels du Canada ».
Certaines propositions distinguent les partis les uns des autres de façon plus claire. Le PLC promet d’organiser un sommet sur la relance de l’industrie culturelle. Les libéraux lanceraient un programme qui « doublera le montant des recettes de la vente de billets » pour pallier la réduction du nombre de places en salle.
La plateforme du NPD mentionne un « programme de reconstruction » spécifique au domaine des arts et de la culture et « un financement stable et à long terme pour consolider et promouvoir les diverses cultures et histoires de notre pays ». Cela passerait par exemple par un appui financier au théâtre autochtone du Centre national des arts.
Le Parti vert du Canada mettrait en place des subventions pour inciter les membres du milieu culturel « à s’engager pleinement dans l’urgence climatique ». Les spectacles et activités culturelles en milieu rural seraient également encouragés.
Si le domaine des arts et de la culture n’a pas été mis à l’avant-plan dans cette campagne électorale, tous reconnaissent qu’il s’agit d’un des secteurs les plus affectés par la pandémie. Reste à savoir qui sera porté au pouvoir le 20 septembre et quelles promesses culturelles seront concrétisées par le nouveau gouvernement.