Enjeux et forces pour 2023 en Ontario : « Les problèmes du monde sont les problèmes du Canada », dit Bob Rae

Bob Rae s'entretient avec la journaliste Sandra Padovani avant la conférence du Club Canadien de Toronto. Crédit image: Rudy Chabannes

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI

Bob Rae, ancien premier ministre de l’Ontario, est l’ambassadeur et le représentant permanent du Canada auprès de l’Organisation des Nations unies.

LE CONTEXTE

En marge de la conférence du Club canadien de Toronto ce jeudi, sur le thème « Élaborer des politiques en période de crise », M. Rae a accordé un entretien privilégié à ONFR+ pour partager sans détours ses vues sur quelques-uns des enjeux en Ontario pour 2023, notamment la question du bilinguisme, du leadership politique ou encore des enjeux environnementaux.

L’ENJEU

Dans un contexte économique, climatique et diplomatique mondial turbulent, le Canada et l’Ontario font également face à une « cascade de défis » en 2023.

« Vous parlez français parfaitement. Selon vous, quelle place le bilinguisme occupe-t-il en Ontario?

Quand je suis entré dans la politique il y a plus de 40 ans – je ne compte plus les années-, c’était en 1978 lors du grand débat constitutionnel au niveau fédéral. J’étais à la fois député fédéral et provincial. On a signé un accord avec le gouvernement provincial du moment en 1985 et c’est là qu’on a créé la Loi sur les langues officielles (LRC) qui donne des droits à la francophonie mais surtout des devoirs spécifiques au gouvernement. En a découlé la création de nombreuses institutions.

J’étais alors responsable de la création des trois collèges, avant même que l’Université de l’Ontario français ne voie le jour un peu plus tard. Ce que j’essaye de décrire est le progrès du point de vue historique, qui continue à aller dans la bonne direction, en particulier dans le nord de la province et du côté d’Ottawa et des villes majeures.

Comment voyez-vous l’avenir de la francophonie en Ontario?

Ce progrès se poursuit aujourd’hui. Mais ce qui est selon moi impératif dans le domaine du bilinguisme, c’est de faire en sorte que les francophones se sentent chez eux dans la province. On peut citer l’éducation naturellement mais aussi le domaine de la santé avec des services de santé qui reflètent la réalité bilingue du Canada et la nature bilingue de l’Ontario. J’ai personnellement assisté à des changements importants durant ma carrière et je suis convaincu que cela va se poursuivre, mais, avec un effort conscient de la part des politiques.

C’est donc au gouvernement qu’incombent les efforts d’encourager le bilinguisme?

Il est très important que le gouvernement soit intentionnel dans sa volonté d’investir, de mettre en place des efforts importants, notamment envers le service public qui a un rôle à jouer. On voit malheureusement toujours un manque de services et de ressources nécessaires en français, par exemple dans le domaine de la santé et dans l’éducation. C’est un défi toujours d’actualité.

Mais c’est une bataille de longue date dans la province et dans l’histoire du Canada. N’oublions pas que par le passé le français n’était même pas accepté comme une langue officielle. Heureusement, ça a changé. Il faut également noter que la communauté francophone évolue avec l’immigration et le développement des communautés venant d’Afrique et d’Europe. La communauté est en train de changer et de s’étendre.

Quels sont les grands enjeux politiques de 2023?

Le monde en général fait actuellement face à une cascade de problématiques et de défis. C’est un des thèmes de la conférence d’aujourd’hui : la question du changement climatique devient un problème plus sévère chaque année. On le voit même localement. Je dis toujours que les problèmes du monde, sont les problèmes du Canada. On l’a bien vu par exemple avec la pandémie et ses répercussions à tous les niveaux. Les questions du conflit international actuel ne sont jamais loin des réalités canadiennes non plus. L’inflation est une conséquence directe de l’invasion russe en Ukraine qui voit poindre une possible récession. Les conflits mondiaux nous touchent par ricochet. J’espère que cette année sera l’année de la paix.

En quoi ces défis devraient-ils faire écho à la politique en Ontario pour 2023?

La politique ontarienne a besoin des bons leaders, qui peuvent faire la différence. Ça implique un sens du leadership fort et aussi de bonne foi, de transparence. Je pense sincèrement que dans la vie politique comme dans la vie en général, on pourrait bénéficier d’un peu plus de bienveillance et d’altruisme. Il nous faut reconnaitre une chose : on est très chanceux en Ontario. On a des ressources naturelles, de grandes industries, des institutions et un pôle d’éducation forts. On est multiculturel, multilingue, multiracial. C’est une force.

Nous sommes un microcosme du monde dans une province. C’est pour ça que, quel que soit le bord politique, il faut prendre en compte toutes ces réalités dans la mise en place de nos politiques. Concernant l’environnement, le débat du changement climatique ne peut pas être évité au Canada. Il faut essayer de pousser vers des mesures qui misent sur la durabilité dans tout ce que nous faisons, essayer de trouver des solutions pratiques, pas uniquement idéalistes, inspirer le changement par des objectifs concrets et faisables, au niveau fédéral, provincial et local. »