Est ontarien : face à la COVID-19, une réussite et une ombre
[ANALYSE]
Jusqu’à cette semaine, l’Est ontarien résistait très bien à l’épidémie de COVID-19. Mais la vague de décès incontrôlés dans le foyer de soins de longue durée Pinecrest à Plantagenet est venue ternir un bilan pourtant très satisfaisant.
L’Est ontarien, qui englobe les deux circonscriptions de Glengarry-Prescott-Russell, et Stormont-Dundas-South Glengarry, compte 225 000 résidents. Quelque 130 cas sont « seulement » enregistrés. 130 de trop bien sûr, mais ce chiffre reste bien en dessous de la moyenne provinciale.
Dit autrement, si un peu plus de 1,5 % des Ontariens résident dans cette région, cette dernière ne comprend que 0,6 % des cas de coronavirus, et un peu moins de 0,4 % des décès. Au dernier décompte dimanche matin, l’Ontario a franchi la barre psychologique des 20 000 cas.
Ces résultats sont d’autant plus remarquables que l’Est ontarien, en dépit d’une faible densité démographique, comprend de nombreux travailleurs à Ottawa, tandis qu’une partie de son territoire est bordé par le Québec, et surtout par la frontière de l’État de New York où plus de 300 000 personnes ont été infectées par la COVID-19.
Dans ces conditions, on ose à peine imaginer la gravité des chiffres si aucune mesure de confinement n’avait été décrétée, et si par ailleurs la frontière canado-américaine était restée ouverte.
Transparence et bonne communication
Derrière les statistiques, il y a d’autres points positifs. À commencer par la transparence. Chaque jour et pendant 15 minutes, l’hygiéniste en chef du Bureau de santé de l’est de l’Ontario (BSEO), Paul Roumeliotis, offre les dernières données, rappelle les mesures barrières, et répond aux journalistes dans les deux langues officielles.
Dans la plupart des autres agences de santé provinciales d’une population semblable à l’Est ontarien, il faut se contenter d’un, voire deux communiqués de presse par semaine.
À Ottawa, un million de résidents, les conférences de l’hygiéniste en chef ne sont pas données sur une base quotidienne.
Cette communication claire et précise est pourtant essentielle, à l’heure où l’une des plus grandes tragédies de l’histoire du pays se joue derrière les murs et portes closes des foyers de soins de longue durée.
Le drame de Pinecrest et l’enjeu des tests
Nul doute que sans le drame de la résidence Pinecrest, à Plantagenet, l’Est ontarien aurait été en mesure d’aplatir complètement sa courbe épidémique, tant la transmission communautaire apparaît aujourd’hui faible.
Comment en est-on arrivé à ces six décès et cette trentaine de cas? Une part de malchance, puisque l’éclosion annoncée le 23 avril résultait d’un employé contaminé.
Comme la plupart des régions, l’Est ontarien a dû faire avec les moyens du bord pour contrer cette crise inattendue. D’abord, en mettant en place des centres de dépistage à Cornwall, Hawkesbury, Winchester, Casselman et Rockland qui ont permis de tester à ce jour plus de 3 000 résidents. Pas assez, a toutefois rappelé, la semaine dernière, le premier ministre, Doug Ford, mettant directement en cause les agences, incluant le BSEO.
C’est oublier depuis le début que la « pensée magique » misant sur plus de dépistage s’est heurtée sur le terrain à une autre réalité : une analyse des résultats fastidieuse, l’absence pendant longtemps de réactifs, le produit permettant les tests. Sans compter qu’un test négatif n’est pas la garantie contre une contamination ultérieure.
À ce stade de l’épidémie, il est prématuré de dresser un bilan. À défaut de perfection, les autorités sanitaires de l’Est ontarien ont répondu présent.
Cette analyse est aussi publiée sur le site du quotidien Le Droit du 11 mai.