Étiquetage bilingue : Santé Canada fait un pas en arrière
OTTAWA – Le ministère de la Santé revient sur les exemptions au bilinguisme qu’il avait accordées en matière d’étiquetage bilingue sur certains produits sanitaires. D’ici au 8 juin, les importateurs devront se soumettre aux alternatives proposées par le gouvernement fédéral pour offrir une information en français et en anglais.
En mars, puis en avril, Santé Canada avait levé les obligations de bilinguisme sur les étiquettes des contenants de désinfectants, antiseptiques et produits d’entretien vendus au Canada. Afin de répondre à une forte demande domestique pour ces produits, conséquence de la pandémie de COVID-19, le gouvernement fédéral autorisait temporairement leur étiquetage uniquement en anglais sur les étagères des épiceries canadiennes et sur les lieux de travail.
Selon Statistique Canada, la demande de désinfectants pour les mains a augmenté de 735 % au cours de la deuxième semaine de mars, par rapport à la même période l’année précédente. Une augmentation également constatée pour les désinfectants, nettoyants ménagers, savons pour les mains et le corps et nettoyants pour le lieu de travail.
La mesure avait toutefois provoqué de nombreuses critiques, entretenues par le fait que, début mai, Santé Canada demandait aux Canadiens de bien lire les étiquettes avant d’utiliser certains de ces produits. Les centres antipoison avaient constaté, en février et en mars, une hausse de 58 % de cas d’empoisonnement ou d’exposition, comparativement à la même période l’an dernier.
Autocollants, affiches ou dépliants
Silencieux depuis près de deux semaines, malgré les demandes d’explication d’ONFR+, Santé Canada annonce finalement, ce mardi, la mise en place de mesures alternatives.
D’ici au 8 juin, toutes les entreprises qui vendent des désinfectants ou des produits d’entretien ménager ou de nettoyage sur les lieux de travail au Canada devront afficher le texte bilingue de l’étiquette sur leur site web et en avertir les utilisateurs. Autocollants, affiches ou dépliants au point de vente ou lors des livraisons devront être mis en place pour s’en assurer.
Cette solution alternative, et moins stricte que ne le prévoit la loi canadienne, doit permettre de répondre à la pénurie constatée. Elle restera en place jusqu’à ce que l’approvisionnement régulier soit stabilisé, précise Santé Canada, qui rappelle que les fabricants canadiens, y compris les nouveaux fabricants, doivent, pour leur part, immédiatement utiliser un étiquetage bilingue.
Réactions mitigées
Le sénateur acadien, René Cormier, qui avait critiqué les premières exemptions décidées par Santé Canada, salue l’action du gouvernement de Justin Trudeau, tout en nuançant ses louanges.
« Je suis reconnaissant que le gouvernement ait agi et la date du 8 juin me semble un délai raisonnable. Mais à court terme, je suis un peu préoccupé pour ceux qui n’ont pas accès à internet. Dans un premier temps, cette mesure ne va pas rejoindre tous les Canadiens, alors que ces produits sont utilisés par toutes les générations, y compris celles qui ont moins l’habitude d’utiliser internet. »
« Cette crise repositionne les langues officielles comme une question de santé et de sécurité » – René Cormier, sénateur
Soulignant le travail de la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, dans le dossier, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, se montre tout aussi mitigé, dans un échange de courriels avec ONFR+.
« Nous tenons à insister sur l’idée que c’est une solution temporaire. Si Santé Canada oblige toujours les fabricants canadiens à se conformer aux obligations d’étiquetage bilingue, en revanche on permet aux importateurs de simplement apposer un autocollant, rendre disponible un dépliant ou référer à un site Web. Je dis : d’accord pour les produits qui sont déjà entrés au pays, mais pour l’avenir on s’attend à ce que des solutions plus en ligne avec le respect de nos deux langues officielles soient en place tant pour les importateurs que pour les fabricants canadiens. »
Président du comité sénatorial permanent des langues officielles, le sénateur Cormier juge qu’un examen sera nécessaire à l’issue de la crise.
« Cette situation met en relief les lacunes sur la manière de refléter les langues officielles en période de crise. Je pense qu’il y aura un examen à faire et une réflexion à avoir. Cela va aussi changer notre réflexion sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. »