70 % des étudiants internationaux refusés dans les universités franco-ontariennes

L'Université de l'Ontario français, au 9 rue Lower Jarvis
L'Université de l'Ontario français, au 9 rue Lower Jarvis. Crédit image: Rudy Chabannes

Près de 70 % des étudiants internationaux faisant des demandes de permis d’études au sein d’établissements franco-ontariens sont refusés par Immigration Canada. Entendus ce jeudi par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, leurs dirigeants dénoncent les raisons invoquées par le ministère fédéral qui nuisent, selon eux, à la pérennité des institutions et des communautés francophones hors Québec.

Plusieurs arguments sont évoqués par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), mais deux s’en dégagent. La première est la crainte que l’étudiant reste au Canada après ses études ou communément appelée double intention. Ce terme est défini comme un étranger demandant la résidence au Canada demande également à entrer au Canada pour une période temporaire comme étudiant par exemple. La seconde invoquée par les agents d’immigration serait le fait qu’il juge la capacité financière d’un étudiant insuffisante pour étudier au pays.

L’Université de l’Ontario français (UOF), qui comparaissait devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, dit avoir eu des taux de refus de permis d’études avoisinant les 65 à 70 %.

« Pour une institution qui commence, on a eu près de 75 % de refus, l’impact est majeur », souligne devant les élus Paulin Mulatris, vice-recteur à l’UOF.

Et de poursuivre. « Ajoutez cela au fait que tous les cours ont été offerts à distance cette année, ça a retardé tous les processus. Il y a plusieurs personnes qui sont restées sans jamais avoir eu une seule réponse. On a envoyé des messages à nos candidats et 30 % nous ont indiqué qu’ils n’ont jamais eu de réponses, donc a assumé que c’était un refus. »

Dans les dernières années, l’UOF a dû revoir à la baisse ses objectifs de nombre d’étudiants, car elle avait des difficultés à en attirer. Cette année, ils sont près de 150 à étudier dans l’établissement torontois dont 70 % proviennent de l’extérieur du Canada.

Le recteur de l’Université de Hearst, Luc Bussières
Le recteur de l’Université de Hearst, Luc Bussières. Source : Université de Hearst.

La situation est similaire à l’Université de Hearst, qui fait près de 500 offres d’admissions à des étudiants africains. Sur ce chiffre, une centaine sont acceptés alors que de 300 à 400 sont refusés par IRCC, indique son recteur Luc Bussières. 70 % de la clientèle provient de l’international et presque 100 % de l’Afrique.

Pour parvenir à ces chiffres, le recteur admet que l’établissement n’a pas le choix d’« engorger » le système de demandes pour pouvoir atteindre son objectif.

« On a un petit établissement, mais pour avoir 100 personnes chez nous, il faut faire 400 à 500 offres d’admissions après avoir étudié 1 000 dossiers. Alors je peux juste m’imaginer à l’échelle de l’ensemble des établissements au Canada comment ça peut venir engorger le système. Il ne manque pas d’intérêt », souligne-t-il devant les élus d’Ottawa.

Des changements réclamés

Les critères doivent être clarifiés, selon le vice-recteur de l’UOF. Pour celui-ci, trop de candidats nagent dans l’inconnu lorsque vient le temps de présenter une demande.

« Les demandes de permis d’études sont traitées comme des demandes d’immigration. C’est à se demander si on utilise des critères relatifs à l’immigration ou des critères reliés aux études et en fonction de la qualité académique des dossiers ou des conditions financières remplies. »

Pour Luc Bussières, le système gagnerait à être revu pour que les demandeurs sachent notamment les justifications d’un refus.

« Les motifs de refus qui sont donnés ne sont pas clairs. Dans la première demande par exemple, le refus est la double intention, mais lorsque les gens portent la décision en appel, la deuxième fois, c’est au niveau monétaire le problème alors que c’est correct pour la double intention », prend en exemple M. Bussières.

L’Université de Hearst. Archives ONFR+

Ce dernier note que le contexte Nord-Ontarien s’attache mal aux raisons évoquées par IRCC.

« On a vu que près de 100 % de nos étudiants ont fait une demande de permis de travail post-diplôme et ils l’ont presque tous obtenu. C’est la meilleure nouvelle pour nous, car on est en décroissance démographique et en pénurie d’emplois. Pour le Nord de l’Ontario, les étudiants qu’on accueille et qui restent, c’est une plus-value extrêmement importante. »

Pour l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), ces taux de refus ne sont pas à quelques endroits seulement, soutient son directeur des relations internationales Martin Normand en entrevue.

« Dans nos établissements, il y a des témoignages disant que ça fait 15 à 20 ans qu’il y a des taux de refus allant jusqu’à 90 %. C’est répandu, on a presque la moitié qui ont soit des données ou des témoignages sur ces hauts taux de refus. Il faut aussi prendre en compte que certains de nos établissements ne font pas de recrutement international. Ça fait depuis très longtemps qu’on émet des recommandations chez IRCC, car c’est un phénomène identifié par nos établissements depuis le milieu des années 2000. »

L’organisme avançait la semaine dernière avoir recueilli des témoignages à savoir qu’Immigration Canada refusait des candidats, car il serait « illégitime » d’étudier en français hors du Québec.