Un budget fédéral maigre pour la francophonie
OTTAWA — Le budget 2025 du gouvernement de Mark Carney ne comporte pas d’investissements pour la francophonie canadienne. En revanche, des économies de 60 milliards de dollars sont prévues dans l’ensemble de la fonction publique, touchant notamment Patrimoine canadien, sans que l’impact sur les langues officielles ne puisse être prédit.
Mardi, Ottawa a dévoilé son budget fédéral, qui ne mentionne aucune coupe spécifique concernant les langues officielles ou la francophonie.
Cependant, le document budgétaire présente un plan sommaire pour chaque ministère ou agence fédérale. Des experts fédéraux ont indiqué à ONFR, lors du huis clos budgétaire, que chaque ministère, comme Patrimoine canadien, détaillera certaines coupures dans les semaines et mois à venir. Même si à première vue, ça ne semble pas être le cas, il n’est pas possible de prédire pour le moment si ces économies affecteront la francophonie canadienne ou les langues officielles, nous ont indiqué ces fonctionnaires fédéraux.
À Patrimoine canadien, le budget présente des réductions des dépenses de 363,2 millions de dollars sur cinq ans. Ce montant ne tient pas compte des autres agences fédérales sous l’effigie de Patrimoine canadien comme Parcs Canada, Bibliothèque et Archives Canada, etc., qui devront eux aussi effectuer des coupures.
Dans le budget 2025, il est indiqué que Patrimoine canadien « réorientera ses programmes culturels » pour faire des économies. Il est notamment question de réduire un fonds pour les espaces culturels en plus d’effectuer « la transition vers des produits d’interprétation numérique ».
Des coupures sont aussi prévues au ministère de l’Immigration ( près de 614 millions par an) et celui d’Emploi et Développement social Canada (près de 780 millions par an), ce qui inquiète la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).
« En septembre, nous avons demandé de la clarté au gouvernement sur sa vision du rôle et de la valeur de la francophonie en ce qui a trait à l’identité canadienne et l’économie du pays. Loin de répondre à cette demande, le budget ne donne aucune information sur comment les compressions dans différents ministères clé affecteront nos communautés », déplore dans un communiqué sa présidente Liane Roy.
Réduction du nombre de fonctionnaires
Ottawa avait annoncé il y a quelques mois un examen de ses dépenses avec pour objectif de les réduire de 15 % d’ici 2028-2029. Dans son exercice budgétaire mardi, Ottawa chiffre ces réductions à 31 milliards de dollars.
Au total, si l’on tient compte d’autres réductions et d’autres nouveaux revenus, Ottawa entrevoit générer des économies de 60 milliards de dollars, pour une réduction des dépenses de près de 4,9 %.
Le gouvernement Carney compte réduire la taille de la fonction publique avec une baisse du nombre de postes de 10 %. Alors que l’effectif de la fonction publique se situe à 357 000 en 2025 selon les derniers chiffres du Conseil du Trésor, le gouvernement libéral veut réduire ce nombre à 330 000 d’ici 2028-2029. Pour ce faire, il compte notamment éliminer 16 000 postes à temps plein, dont 650 dans la haute direction.
Pour favoriser les départs, le fédéral mise sur l’attrition et sur un programme volontaire d’encouragement à la retraite anticipée, qui permettra aux fonctionnaires éligibles de toucher leur pension immédiatement après leur départ à la retraite.
Mesures pour les arts et la culture
Si le budget ne comporte rien pour la francophonie, il compte quelques mesures pour des initiatives culturelles à travers le pays, comme pour la Fête de l’Acadie :
- 4 millions de dollars sur quatre ans afin de soutenir les célébrations de la Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes
- 20 millions de dollars sur quatre ans pour soutenir les célébrations de la fête du Canada
- 150 millions de dollars sur trois ans pour Téléfilm Canada
- 127,5 millions de dollars pour le Fonds des médias du Canada
- 6 millions de dollars sur trois ans pour le Conseil des Arts du Canada
150 $ millions pour Radio-Canada
Le fédéral concrétise partiellement sa promesse d’augmenter le financement de Radio-Canada/CBC en injectant un 150 millions de dollars supplémentaires dans la société d’État. En campagne électorale, les libéraux avaient promis de rendre ce financement permanent, ce qui n’est pas le cas dans le budget de mardi.
« Le gouvernement étudiera la possibilité de moderniser le mandat de CBC/Radio-Canada afin de renforcer son indépendance », peut-on lire dans l’exercice comptable du ministre des Finances François-Philippe Champagne.

Encore un gros déficit fédéral
Le déficit du fédéral continue d’augmenter alors qu’Ottawa prévoit être dans le rouge de 78 milliards de dollars en 2025-2026 et contrairement à la mise à jour économique, aucun plan de retour au déficit zéro n’est prévu au cours des prochaines années. Ce déficit de 78 milliards de dollars est près de deux fois plus élevé que lors du dernier exercice financier réalisé par Ottawa.
À l’automne dernier, il était prévu pour 2025-2026 que le déficit fédéral serait de 42,2 milliards. Les dépenses dans ce budget actuel sont plus élevées que sous Justin Trudeau avec près de 89 $ milliards seulement en nouvelles dépenses. Questionné à ce sujet en conférence de presse, François-Phillipe Champagne a indiqué que ces investissements étaient nécessaires pour faire croître l’économie canadienne.
« La réponse est simple. On a la capacité fiscale de le faire. Quand vous regardez le ratio dette/PIB, on a la capacité de faire des investissements générationnels », a-t-il affirmé.
Le ministre Champagne a détaillé les principales dépenses, dont 115 milliards de dollars sur cinq ans pour les infrastructures (hôpitaux, transport en commun). Par ailleurs, 110 milliards de dollars seront alloués à l’économie canadienne, notamment par des crédits d’impôts pour les entreprises, le soutien à la recherche et à l’innovation, et le développement de l’intelligence artificielle.