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Fédéral : encore trop de fonctionnaires unilingues dans des postes bilingues

Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge Archives ONFR

OTTAWA – Le commissaire aux langues officielles est préoccupé du peu d’améliorations réalisées par les instances fédérales quant à l’identification de postes bilingues dans la fonction publique. Cela donne encore lieu à des fonctionnaires unilingues qui occupent des postes qui devraient être réservés à des personnes bilingues, souligne Raymond Théberge.

En 2020, ce dernier avait dévoilé un rapport portant sur la façon dont sont pourvus des postes, notamment de supervision, dans la fonction publique fédérale. Il avait constaté que les exigences linguistiques fixées n’étaient pas conformes aux besoins associés au poste.

Le Commissariat aux langues officielles (CLO) s’appuyait sur le haut nombre de plaintes reçues en lien avec l’Article 91 de la Loi sur les langues officielles entre 2020 et 2022, soit 1608. Dans son rapport de suivi, effectué entre 2023 et 2024 et publié aujourd’hui, Raymond Théberge établit que des recommandations qu’ils avaient effectuées n’ont pas été appliquées, qu’elles ont été mises en place en retard ou que les changements apportés n’ont pas eu d’impact concret.

En plus du Secrétariat du Conseil du trésor comme administration centrale, il cible les dix principales instances fédérales les plus mentionnées par ses plaintes :

  • Agence des services frontaliers du Canada
  • Services publics et Approvisionnement Canada
  • Emploi et Développement social Canada
  • Santé Canada
  • Service correctionnel Canada
  • Gendarmerie royale du Canada
  • Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
  • Agriculture et Agroalimentaire Canada
  • Affaires mondiales Canada
  • Services partagés Canada

De nombreux postes qui auraient dû être impérativement bilingues sont toujours occupés par des gens qui ne sont pas bilingues ou encore qui ne maîtrisent pas adéquatement le français et l’anglais, illustre le commissaire.

« On sous-estime le niveau de langue requis pour être en mesure de fonctionner dans ce poste et ça, c’est typique. Très souvent, aussi, on ne fait pas l’analyse », souligne M. Théberge en entrevue.

Il recommandait en 2020 d’offrir de meilleurs outils, formations et politiques aux gestionnaires pour que ceux-ci puissent mieux évaluer les postes.

« Ça va prendre encore beaucoup de temps »

Aujourd’hui, il remarque que les gestionnaires chargés d’identifier et d’évaluer les postes bilingues reçoivent « des renseignements de base » et pas une formation appropriée sur l’établissement de ces postes. De plus, ceux-ci n’ont pas accès à des documents portant sur les exigences linguistiques d’un poste alors que d’autres étaient « tellement obsolètes qu’ils renvoyaient à des directives annulées du Conseil du Trésor », constate le CLO.

Ce dernier considère que cette situation est stable ou s’est détériorée depuis 2020, une problématique qu’il avait qualifiée de « systémique » à l’époque et qui continue de s’appliquer aujourd’hui, estime-t-il. Le non-respect de cette exigence de la Loi sur les langues officielles est « d’une portée considérable », s’inquiète le chien de garde des minorités linguistiques du pays.

« Il manque encore à mon avis une approche systémique pour régler un problème systémique. On fait du progrès, mais c’est aléatoire », juge celui qui est posté depuis 2018.

Il donne l’exemple que sauf dans une institution, c’est un haut responsable qui détermine les exigences linguistiques d’un poste, même si sa décision est contraire à l’avis du personnel en langues officielles.

Le commissaire Théberge avait aussi recommandé au Conseil du Trésor de remédier aux problématiques d’identification des postes d’ici novembre 2022, via un plan d’action. S’il constate aujourd’hui que des efforts ont été effectués, l’ampleur de ces progrès est « préoccupante ».

« Ça va prendre encore beaucoup de temps à mon avis pour trouver une solution », dresse-t-il comme constat.

Dès juin 2025, les gestionnaires et superviseurs des régions désignées bilingues devront parler les deux langues officielles, peu importe le profil linguistique, du poste des employés, une exigence issue de la récente modernisation de la Loi sur les langues officielles.