Jusqu'au 10 décembre, 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre. Photo : Canva

Dada Gasirabo est la directrice générale d’Oasis Centre des femmes qui vient en aide aux femmes francophones victimes de violence.

C’est autour de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes que sont organisés les 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre (VBG) jusqu’au 10 décembre. Une campagne mondiale de sensibilisation, de revendication et d’éducation du public, au cours de laquelle Oasis Centre des femmes invite à se joindre à une série d’événements et d’ateliers.

La province a enregistré 52 féminicides cette année. Le projet de loi 173, « sur l’épidémie de violence entre partenaires intimes », visant à déclarer la violence conjugale comme étant une épidémie est au point mort. Si la sensibilisation est primordiale, selon l’organisme, les systèmes doivent prendre le problème à la racine en prévenant la violence pour l’empêcher de se perpétuer.

« Dans quel contexte ces 16 jours d’activisme ont-ils été initiés?

Cela a commencé en 1991 à la suite de deux féminicides en République dominicaine, perpétrés le 25 novembre 1960, jour choisi pour commémorer la vie des sœurs Mirabal violemment assassinées. Un groupe d’activistes s’est organisé et l’initiative a été soutenue par l’ONU Femmes.

Le mouvement a par la suite pris une dimension mondiale, ce qui est un grand soulagement, car la campagne vise la sensibilisation et l’éducation du grand public et sert de support pour multiplier les activités et les occasions d’engagement communautaire.

Pour ce faire, vous travaillez avec un groupe « d’hommes alliés ». Quel rôle jouent-ils?

Le groupe d’hommes d’alliés est une initiative que nous avons développée à Oasis. Depuis 2017, ces huit hommes très engagés s’occupent de la communication et de l’organisation autour des 16 jours d’activisme. Les activités organisées vont du forum aux panels, conférences et ateliers de formation.

À la fin de la campagne, le groupe prend toujours part à une discussion sur un sujet pertinent qu’il développe dans le cadre de l’engagement des hommes pour la lutte contre la violence faite aux femmes. Depuis l’année dernière, ils vont à la rencontre des jeunes dans les universités et collèges pour parler de la notion d’égalité entre hommes et femmes et pour les intéresser à prendre part à des discussions sur l’égalité.

Selon la directrice générale d’Oasis Centre des femmes, Dada Gasirabo, déclarer la violence entre partenaires intimes une épidémie serait une avancée importante. Photo : ONFR/Rudy Chabannes

Outre la campagne, pouvez-vous nous rappeler ce que fait au quotidien Oasis Centre des femmes pour lutter contre la violence faite aux femmes?

Notre organisme, qui fêtera ses 30 ans l’année prochaine, avait été initialement créé par la communauté pour s’attaquer au problème des agressions sexuelles, offrant un accompagnement aux femmes francophones victimes de ce fléau. Au fil des années, on a élargi le spectre. Une femme victime de violence, qu’elle soit d’ordre sexuel, physique, émotionnel, économique, peut venir chez nous.

Il existe des programmes individuels de soutien pour des femmes victimes de violence conjugale pour leur permettre de trouver un logement. Oasis a d’ailleurs été l’instigateur de la première maison d’hébergement pour femmes francophones de Toronto, dont le besoin était pressant.

Notre accompagnement dépend du besoin que les femmes nous présentent. Nous offrons par exemple un programme pour les femmes nouvellement arrivées, un concernant la sécurité économique des femmes, un autre sur l’emploi ou encore un accompagnement des entrepreneures francophones.

L’autonomie financière reste une grosse barrière pour qu’une femme se sorte de la violence. Nous visons une guérison saine et renforcée, mais parfois on sait qu’on nage à contre-courant. Il devrait y avoir une prévention primaire qui aborde la connaissance des signes avant-coureurs et facteurs de risque de la violence.

La société et les gouvernements ont leur rôle à jouer. Prendre le problème par tous les bouts est le seul moyen. L’intervention précoce permettrait de prévenir beaucoup de violence. Si les gens sont sensibilisés, la violence va diminuer. En parallèle, nous avons des programmes communautaires de prévention auprès du public, notamment avec les écoles. Si on ne travaille pas à la racine dès le plus jeune âge, la violence se propage, c’est un phénomène en chaine.

A-t-on battu de nouveaux malheureux records ces dernières années?

Il y a eu 52 féminicides en Ontario cette année, moyenne similaire à l’année précédente. On bat des records c’est certain, et c’est sans compter le nombre de meurtres de femmes et de filles qui n’ont jamais été rapportés, notamment pour les femmes autochtones, c’est démesuré. Il y a beaucoup de frustrations dans nos sociétés et elles se rabattent toujours sur les femmes. Or, quand les femmes ne vont pas bien, les enfants ne vont pas bien non plus et c’est la société entière qui souffre depuis ses fondations, perpétuant un cycle vicieux.

Lundi dernier, le NPD a de nouveau demandé au gouvernement de déclarer la violence entre partenaires intimes une épidémie. Que pensez-vous de ce projet de loi toujours au point mort?

C’est une aberration pour la province de l’Ontario. Cette revendication était partie d’une recommandation (le commissaire à la protection de la vie privée de l’Ontario a publié 86 lignes directrices) à la suite de deux femmes dans l’Est de l’Ontario.

Le premier ministre Doug Ford a dit que la violence n’est pas une maladie contagieuse. C’est faux, quand on voit que les enfants qui ont été exposés sont les prochains abuseurs ou les prochaines victimes. Nous ne devrions pas rester là à croiser les doigts et il faut continuer à pousser. Ce statut d’épidémie servira à débloquer les ressources pour changer la donne. »