Financement des garderies : les francophones ignorés par Ottawa
OTTAWA – Un projet de loi visant à assurer à long terme les services de garde des jeunes enfants inquiète les francophones hors Québec alors que les minorités linguistiques sont complètement absentes du libellé.
Le projet de loi C-35 vient compléter en quelque sorte les ententes conclues en 2021 et 2022 avec les provinces et territoires pour la mise en place de garderies à 10$ par jour. Ces accords prennent fin en 2025-2026 et Ottawa veut s’assurer de sa pérennisation après leur aboutissement avec C-35.
En Ontario, l’entente conclue en mars dernier a permis de réduire les frais de 50 % en décembre 2022. Les deux paliers de gouvernement prévoient atteindre 10 $ par jour en moyenne d’ici septembre 2025.
C-35, si adopté, engagera les futurs gouvernements à garantir un financement à long terme pour les services de garde dans le cadre des ententes avec les provinces. Le projet de loi crée aussi un Conseil consultatif national qui conseillera « le gouvernement fédéral sur les enjeux et les défis auxquels fait face le secteur de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants ».
L’actuelle mouture ne fait toutefois, à aucune reprise, la mention des francophones ni des minorités linguistiques en milieu minoritaire et c’est un problème selon la Commission nationale des parents francophones (CNPF)
« C’est vital. Si on n’est pas dans le projet de loi, on ne sera pas considéré. Ça, je peux vous le dire », soutient son directeur général Jean-Luc Racine devant les députés des formations politiques à Ottawa.
Ce dernier comparaissait en comité parlementaire mardi soir au sujet du projet de loi en compagnie de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). De nombreuses études au cours des années ont prouvé qu’avoir accès à ses services de garde en français avait un impact direct sur le développement des enfants, notamment au niveau linguistique.
« Ça serait catastrophique, ça serait l’assimilation »
Les prochaines ententes pourraient être renégociées dans le futur par différents gouvernements avec pour référence ce projet de loi, « donc il faut qu’il contienne des obligations envers les francophones, c’est essentiel », plaide M. Racine.
« Sinon, pour les francophones, ça serait catastrophique, ça serait l’assimilation. Ça veut dire qu’ils vont se tourner vers les services de garde anglophones. L’expérience démontre que, dans la grande majorité des cas, quand ils vont vers le service anglophone, ils se retrouvent dans les écoles anglophones. »
La principale demande des organismes francophones dans ce libellé de la ministre Karina Gould est d’assurer un financement pour les minorités francophones, dans chaque province et territoire.
Ce ne sont pas tous les accords actuels avec les différents gouvernements qui garantissent des places pour les francophones. Dans son accord avec le fédéral, l’Ontario s’engage à « maintenir ou augmenter le nombre actuel de places dans les garderies agréées », qui était de près de 20 000 pour les francophones et 5 600 pour celles bilingues en mars 2022. La province s’engage à un tel objectif d’ici 2025-2026, mais rien n’est garanti par la suite.
La FCFA s’explique d’ailleurs très mal comment le gouvernement tente de faire adopter le projet de loi C-13, visant à moderniser la Loi sur les langues officielles, alors que, de l’autre côté, « on voit un projet de loi qui crée un des plus grands programmes sociaux des dernières décennies et qui n’a aucune mention des langues officielles », déplore son directeur général Alain Dupuis
« On voit encore à quel point, malgré C-13, les autres projets de loi déposés par les gouvernements doivent avoir ce reflet-là. Si on parle d’égalité réelle, ça veut dire d’en faire plus pour qu’on atteigne l’égalité et qu’on garantisse des ressources et des places. Sans ça, ce ne sera qu’un vœu pieux. »
La FCFA et la Commission nationale des parents francophones veulent aussi que le Conseil consultatif national garantisse la place d’un représentant des minorités francophones.
Le projet de loi est actuellement en étude au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.