L’argent des langues officielles ne sert pas à l’anglicisation, se défendent les libéraux
OTTAWA — Le financement destiné aux langues officielles offert à la communauté anglophone du Québec ne sert pas à angliciser davantage celle-ci, ont rejeté les libéraux au lendemain d’une sortie du Bloc québécois en ce sens.
Hier, le député bloquiste Mario Beaulieu a présenté une étude où il recensait que l’appareil fédéral avait octroyé, depuis 1995, près de deux milliards de dollars aux groupes d’intérêt et institutions anglo-québécoises. Il accusait du même coup le fédéral de « travailler activement à la minorisation des francophones » avec ce financement.
« Ce que le Bloc dit, c’est qu’il y a des fonds pour les groupes et la communauté anglophones. Donc, ils ont peur qu’on anglicise les Anglais essentiellement », a ironisé le lieutenant du Québec pour le gouvernement Pablo Rodriguez mardi matin avant une réunion du cabinet libéral.
La formation souverainiste réclame que les sommes destinées au Québec dans le Plan d’action pour les langues officielles de 2023 à 2028 servent davantage à la francisation. Le Plan d’action est une sorte de feuille de route qui guide le gouvernement en matière de langues officielles pour une demi-décennie et il a historiquement toujours eu une proportion de 80 %-20 %, la grosse part du gâteau allant aux francophones hors Québec.
Près de 800 millions de dollars, dont près de 137 millions en nouveau financement seront destinés aux anglophones du Québec, alors que près de 3,3 milliards de dollars iront aux francophones en milieu minoritaire pour les cinq prochaines années. La formation politique québécoise soutient que 50 millions du prochain plan serviront à la francisation, soit 6 % du total, un chiffre beaucoup trop faible à leurs yeux. Mais Ottawa estime qu’il remplit déjà son rôle dans ce secteur.
« On offre 700 millions de dollars chaque année au Québec pour l’immigration, dont une grande (partie) de cet argent sert à franciser les gens qui arrivent et je transfère l’argent aux anglophones pour le développement de la main-d’œuvre. Pourquoi? Pour les aider à se franciser pour participer au marché du travail », a commenté le ministre des Langues officielles et de l’Emploi, Randy Boissonnault.
Ce dernier a aussi confirmé en réponse aux questions des journalistes que ce n’était pas dans les plans de réorganiser l’actuel Plan d’action pour y accorder une plus grande proportion à la francisation, mais qu’il continuait à avoir des conversations avec le ministre des Relations canadiennes à Québec Jean-François Roberge pour trouver une autre avenue.
Le ministre Boissonnault rappelle que la protection de la communauté anglophone est une responsabilité constitutionnelle pour le fédéral et qu’il travaillera avec le gouvernement du Québec pour « faire certain que l’argent va servir aux anglophones », a-t-il assuré.
Le Bloc divise la population, selon Rodriguez
Cette sortie du Bloc prouve que la formation souverainiste « cherche une chicane », selon le politicien albertain et qu’elle sert « à diviser les Québécois » pour Pablo Rodriguez.
« Je trouve ça sérieux. N’importe quel politicien, qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition, a le rôle d’unir une population ou du moins ne pas la diviser et le Bloc échoue lamentablement sur cet aspect », reproche M. Rodriguez.
Ce dernier estime que le 800 millions réservés aux anglophones répond à des besoins dans cette communauté « au niveau des commissions scolaires, d’accès à la justice et l’éducation de façon large », et que la défense du français ne devrait pas se faire en « s’attaquant à la communauté anglophone ».
Ces propos ont amené le chef du Bloc québécois dans une longue énumération de secteurs où les anglophones de Montréal ont « un plus grand accès, per capita, que les francophones » : plus d’écoles, plus de médias, plus d’accès aux soins de santé, plus d’institutions universitaires et de financement, a-t-il compilé.
« Le succès et la prospérité de la communauté anglophone de Montréal, ce n’est pas de passer de 18 à 20, de 20 à 22 et de 22 à 24 % de la population du Québec. Donc, il n’y a rien de divisif à vouloir maintenir un sain équilibre entre les communautés linguistiques », soutient Yves François Blanchet.
Il estime que le fédéral aurait avantage à « laisser le Québec en paix » et que, « s’ils veulent régler un problème, qu’ils règlent un véritable problème : le problème du français dans les communautés francophones hors Québec ».