Quelle place pour la francophonie canadienne dans la révision du mandat de Radio-Canada?

Alors qu’Ottawa doit prochainement déposer un projet de loi visant à revoir le mandat de Radio-Canada, les organismes francophones estiment que le fédéral doit renforcer l’aspect francophone en milieu minoritaire au sein de la société d’État sous trois axes : son mandat, sa gouvernance et son financement.
Mardi, le gouvernement Trudeau a procédé à la nomination de Marie-Philippe Bouchard comme PDG du radiodiffuseur public, elle qui entrera en poste pour un mandat de cinq ans à partir de janvier 2025. Cette nomination est « la première étape dans tout le travail qu’on doit accomplir pour assurer la pérennité de CBC/Radio-Canada », a indiqué la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, hier lors de l’annonce.
« Je veux m’assurer que CBC Radio-Canada est bien positionnée pour affronter les prochaines décennies, dans un contexte où les médias ont beaucoup de difficultés à garder leurs revenus au niveau de la publicité, et dans un contexte où, plus que jamais, on a besoin d’avoir de l’information fiable au Canada », avait-elle détaillé comme démarche au printemps dernier.

Tout ce processus s’enclenche alors que le Parti conservateur et son chef Pierre Poilievre se sont engagés à couper le financement de la CBC, mais pas son penchant francophone à Radio-Canada. Sur ce sujet, l’actuelle PDG de Radio-Canada, Catherine Tait, affirmait que de couper dans le penchant anglophone sans affecter celui en français ne serait pas possible.
« C’est certain que ça nous inquiète, affirme Marie-Christine Morin de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) sur le mouvement de définancement. On va vouloir s’assurer (dans le nouveau mandat) que Radio-Canada soit forte et autonome en français et qu’on n’ébranle pas cette partie-là ».
Un rôle dans la préservation du français
Les organismes francophones hors Québec réclament notamment à ce que le nouveau mandat de Radio-Canada reflète la réalité du paysage linguistique de 2024.
« Le mandat revu doit bien positionner Radio-Canada comme l’antenne qui réunit la francophonie canadienne et permettre aux Québécois de mieux connaître nos communautés. Il y a encore du travail à faire de ce côté-là », pense la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy.
Les organismes représentant les francophones hors Québec affirment avoir rencontré la ministre St-Onge, ainsi que les fonctionnaires sur le dossier, pour faire part de leurs attentes.
« On veut s’assurer que Radio-Canada, dans son mandat, soit très claire au niveau de son rôle clé dans le développement et l’épanouissement des communautés linguistiques. C’est central à la pérennité de nos communautés et il va falloir que ça soit explicite. Quand ce n’est pas noir sur blanc, c’est parfois oublié », rappelle Marie-Christine Morin de la FCCF.
La version modernisée, en juin 2023, de la Loi sur les langues officielles, oblige la société d’État a en faire plus concernant la protection du français au pays, mais aussi de consulter davantage les communautés francophones en milieu minoritaire, évoque le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge.
« On doit s’assurer que dans le nouveau mandat, on respecte et tienne compte des besoins des communautés francophones en milieu minoritaire à l’échelle du pays et qu’elles soient en mesure de se voir et de s’entendre à la chaîne de Radio-Canada », mentionne-t-il.
La FCCF et la FCFA exigent aussi une plus grande présence de francophones hors Québec au sein de la haute gestion de Radio-Canada, notamment au conseil d’administration.

La présidente de la FCFA donne en exemple le spectacle du 15 août dans le cadre de la Fête de l’Acadie. Radio-Canada avait annoncé au départ qu’elle ne ferait pas de diffusion en direct en 2024, comparativement aux autres années. Le radiodiffuseur avait finalement reculé et avait diffusé le spectacle, qui se déroulait aussi en plein milieu du Congrès mondial acadien.
« C’est le genre des choses où l’on se demande qui prend des décisions. Quelqu’un de sensé qui s’y connaissait savait que ça lèverait un tollé », soutient Liane Roy.
Les organisations indiquent que toute sorte de rapprochement possible entre le côté anglophone et francophone se doit d’être surveillé de très près.
« Il ne faut pas des pupitres d’affectation bilingues, il faut garder ça séparé. Parce que ça, ce serait problématique », considère la présidente de la FCFA.
Catherine Tait avait plutôt précisé qu’il s’agissait d’une « harmonisation » des ressources. Quant à elle, la ministre Pascale St-Onge avançait « que d’aucune façon, la programmation francophone, que ce soit au Québec ou à l’extérieur du Québec, ne sera affectée par une modernisation quelconque de CBC Radio-Canada ».