Fraîchement nommée à la direction générale de la Coalition des Noir.es. Francophones de l'Ontario, Gernina Marilyne Mombili espère porter la mission de l'organisme hors des frontières de l'Ontario. Gracieuseté

TORONTO – Nommée en janvier dernier, Gernina Marilyne Mombili est la nouvelle directrice générale de la Coalition des Noirs Francophones de l’Ontario (CNFO). Originaire du Congo et ayant grandi en France, la jeune femme a posé ses bagages à Oshawa en 2023 et est déjà très impliquée dans la cause des personnes noires de l’Ontario français.

«  Qu’est-ce qui vous a amenée au rôle de directrice générale de la Coalition des Noir.es. Francophones de l’Ontario (CNFO)?

Ça a été totalement un hasard, je travaillais dans un organisme et j’ai vu l’offre d’emploi pour la coalition qui m’a beaucoup touchée en termes d’engagement. J’ai voulu faire partie de ce mouvement pour défendre les intérêts des personnes noires de l’Ontario.

Quel est le rôle de l’organisme?

On est un organisme rassembleur des communautés noires de l’Ontario. On appuie leur développement et les représente auprès des différentes entités. Mais en fait, la vision de la coalition, c’est vraiment de renforcer la concertation, le développement et la pérennité de la collectivité noire francophone en Ontario.

Quelles vont être vos priorités?

La priorité sera de travailler sur la promotion et l’inclusion des noirs francophones de l’Ontario. Donc nous allons puiser pour chercher des moyens, des subventions, mais aussi sensibiliser la population générale au fait que les noirs francophones demandent, en fait, de pouvoir être inclus dans la société, aussi, comme francophone. Il faut savoir qu’en tant que francophone en Ontario, on est potentiellement touchés par la discrimination, puisque la première langue est l’anglais.

Il faut aussi se dire qu’en tant que Noirs francophones, nous représentons pratiquement la moitié de la population en Ontario. Donc, nous voulons aussi participer à l’évolution de l’époque. Alors, vraiment, ma première tâche, c’est la promotion, l’inclusion, mais aussi d’être la porte-parole de cette population-là.

Comment allez-vous faire pour rejoindre les intérêts de tous les Noirs, y compris ceux qui vivent dans des régions éloignées des grands centres?

Alors le but, c’est vraiment qu’on ne s’arrête pas à l’Ontario, mais qu’on élargisse la mission de la CNFO à tout le Canada. Ce que je vais mettre en place, avec la présidente Julie Lutete, c’est d’aller vers des organismes, car la coalition ne propose pas de services. C’est pour cela que nous allons investir pour pouvoir rassembler tous les organismes de la communauté francophone.

Très croyante, la jeune femme (au centre), s’est vu remettre un certificat d’appréciation en reconnaissance de ses services au sein de la communauté chrétienne du Ministère des Femmes Affranchies (ONG) et de l’Église Parole de Grâce (Word Of Grace Church) de France. Gracieuseté

Parlez-nous un peu de vos origines…

Je viens de la région parisienne, en France, mais je suis d’origine congolaise. Je suis très attachée à mon pays d’origine, la République démocratique du Congo (RDC). Je parle le lingala, la langue officielle, je mange congolais, j’écoute de la musique congolaise, j’y retourne quand je peux. C’est quelque chose qui est dans mon sang et qui ne va pas me quitter, même si je suis née et j’ai grandi en France. Le courage de mes parents, comme tous ceux venus d’Afrique vers la France pour une vie meilleure, m’a apporté de bonnes valeurs qui m’ont aidée dans ma vie ici en Occident.

Pour quelle raison avez-vous choisi de vous établir au Canada?

Le Canada, c’était un de mes rêves, un projet que j’avais depuis très longtemps et pour lequel j’ai beaucoup prié. Je devais venir faire mes études au Canada en 2016 mais, faute de moyens financiers, j’ai dû abandonner ce projet et venir un peu plus tard pour travailler à la place. Ce choix de m’établir au Canada, c’est en grande partie parce que je me retrouve beaucoup dans la culture du pays. On est plus libres et il y a beaucoup plus d’opportunités ici qu’en France, par exemple. Le côté anglophone du pays allait me pousser à devenir plus bilingue aussi, donc c’est un atout. Une amie m’avait parlé du permis vacances travail (PVT), alors j’ai décidé d’appliquer en 2021. Ma candidature a été tirée au sort, donc j’ai pu finalement arriver en 2023.

Vous avez travaillé au Centre d’emploi francophone de Durham en tant que conseillère et développeuse en emploi jeunesse. Que retenez-vous de cette première expérience professionnelle au Canada?

Une chose que ce premier emploi ici m’a apportée, c’est qu’on est tous une aide pour quelqu’un. Le centre est un point de contact pour tous les nouveaux arrivants, mais aussi pour les jeunes. La jeunesse canadienne-française et les jeunes nouveaux arrivants et réfugiés francophones ont ce courage, cette capacité et cette motivation à réussir malgré les défis de la langue. Ça m’a donné du courage pour les aider. Ça a définitivement été un défi pour moi aussi, car je devais plaider leur cause auprès d’employeurs anglophones.

Gernina Marilyne Mombili détient des diplômes et de l’expérience dans les domaines de l’administration des affaires et du marketing durant sa vie en France. Ici, à la cérémonie de remise des diplômes de 2021 à l’école Rocket School de Paris, où elle a obtenu sa maîtrise. Gracieuseté

Que faites-vous lorsque vous ne représentez pas la coalition?

J’ai commencé à développer ma présence sur les réseaux sociaux depuis peu. Sur mon TikTok, je parle beaucoup de mon parcours d’immigration. J’ai eu plus de 15 000 vues sur une de mes vidéos dans laquelle je parle de mon PVT. Beaucoup de personnes viennent me poser des questions et je leur réponds sur tout ce qui est en rapport avec l’immigration au Canada. Je travaille aussi à développer ma chaîne YouTube.

Si vous deviez comparer le fait d’être noir en France et au Canada, quelles différences pouvez-vous relever?

Il y a une énorme différence, ne serait-ce qu’au niveau des opportunités professionnelles. Moi, en tant que noire francophone au Canada, j’ai accès à de nombreuses fonctions, alors que ce n’est pas le cas ailleurs. Le poste que j’occupe aujourd’hui, je n’aurais jamais pu l’espérer aussi rapidement en France. Là-bas, il y a beaucoup de discrimination au niveau professionnel, surtout au niveau du salaire. On en souffre beaucoup. En France, une personne blanche a souvent droit à un salaire plus élevé qu’une personne noire. Ici, il y a beaucoup d’organismes pour nous défendre et nous représenter.

Que pensez-vous des revendications de certains groupes comme Black lives matter Sudbury qui demandent, par exemple, de retirer le financement de la police?

Il faut savoir que la coalition est aussi là pour défendre les Noirs dans les situations de discrimination et de racisme. Lorsqu’il y a eu l’événement tragique avec George Floyd, on a fait une journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. On est impliqués dans ce combat alors, oui, on se retrouve dans les revendications de ce groupe parce qu’on subit la violence, la discrimination. Il faut savoir que nous sommes dans un milieu où, souvent, on ne nous comprend pas. Alors, on a ce devoir de se soulever contre ces injustices et c’est aussi le rôle politique de la coalition.

Mme Mombili était intervenante et modératrice lors du rendez-vous annuel de 2021 de l’association Cœur brisé, une organisation dédiée à la guérison de toute personne en difficulté et en souffrance morale. Gracieuseté

Que pensez-vous de la demande de certains groupes d’interdire des livres avec des mots en N dans les écoles?

Nous n’avons pas eu ces discussions au niveau de la coalition, mais je peux vous donner mon point de vue personnel. Quand j’étais en cours d’histoire-géographie et qu’on parlait des Noirs, c’était toujours en les présentant comme des peuples en souffrance ou faibles. Ça me dérangeait beaucoup. On devrait plutôt parler de la contribution importante des personnes noires dans l’Histoire, qui ont été très résilientes et courageuses. Je pense qu’il faudrait absolument enlever les mots en N, mais ça peut aussi être à notre avantage. Sans qu’ils le sachent, ils nous mettent en avant. Ça va donner la curiosité à d’autres peuples à s’intéresser à notre Histoire.

Vous avez un passé d’actrice. Est-ce quelque chose que vous aimeriez poursuivre ici, au Canada?

Oui, j’aspire à développer ma carrière d’actrice au Canada, qui est un pays qui accueille de nombreux tournages. Le domaine artistique au Canada est caractérisé par une grande diversité et une ouverture d’esprit, et je considère cette opportunité comme une expérience enrichissante. Bien entendu, ça dépendra de la charge de travail que j’aurai, mais c’est une aspiration constante dans mes réflexions.

Réception d’une récompense, Prix de l’initiative, pour son engagement au sein de l’association 1000 Visages (laquelle remet ce prix) en décembre 2013. Gracieuseté

Quels sont vos rêves ou projets professionnels?

La création d’une marque de vêtements dédiée aux femmes de grandes tailles. Ce projet me tient particulièrement à cœur en tant que femme ronde, car j’ai toujours lutté pour que ma confiance en moi atteigne son apogée, indépendamment de mon poids et de ma silhouette. Je suis consciente que de nombreuses femmes traversent les mêmes défis, et ça devient parfois difficile de trouver des vêtements élégants, décontractés et classe tout en étant une femme ronde passionnée de mode. À travers cette initiative, je souhaite aider les femmes à retrouver leur joie intérieure en dépassant les obstacles liés à l’estime de soi.

Si vous aviez à recommander un film ou un livre pour les personnes qui s’intéressent à la condition des personnes noires dans le cadre de ce Mois de l’histoire des Noirs, que choisiriez-vous?

Je recommanderais le livre The Book of Negroes (aussi publié sous le titre Someone Knows My Name) de Lawrence Hill. Ce roman captivant explore l’histoire d’Aminata Diallo, une femme africaine enlevée de son village natal et vendue comme esclave en Amérique du Nord pendant l’époque de l’esclavage. L’histoire d’Aminata offre une perspective puissante sur la condition des personnes noires, leur résilience et leur quête de liberté. Ce roman historique éclairant et émouvant offre un regard perspicace sur le passé, tout en suscitant la réflexion sur les défis persistants auxquels sont confrontées les personnes noires au Canada et ailleurs. »


1995 : Naissance à Provins, en France.

2013 : Initiation à la comédie au sein de l’association 1000 Visages.

2023 : Déménagement de Paris pour s’installer à Toronto avec un PVT (Permis Vacances Travail).

2023 : Intègre le Centre d’Emploi Francophone de Durham en tant que conseillère et développeuse en emploi jeunesse.

2024 : Nommée directrice générale de la Coalition des Noir.es. Francophones de l’Ontario (CNFO).

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.