Gouvernement conservateur en Nouvelle-Écosse : quelles répercussions pour les Acadiens?

Le nouveau premiere ministre de la Nouvelle-Écosse. Crédit: The Canadian Presse / Andrew Vaughan

HALIFAX – Depuis mardi soir, les progressistes-conservateurs et leur chef Tim Houston forment le nouveau gouvernement majoritaire en Nouvelle-Écosse. Quel sera l’impact pour les francophones de la province de l’Atlantique? La Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) se dit optimiste et prête à travailler avec le gouvernement Houston.

Les progressistes-conservateurs, qui sont de retour au pouvoir pour la première fois depuis 2009 ont remporté 31 sièges, soit quatre de plus que le seuil minimum de la majorité, sur les 55 sièges au total. Cette victoire à sens unique n’était pas attendue par les sondeurs et analystes qui prédisaient une issue plus serrée ou un retour du gouvernement libéral.

« C’est effectivement une surprise », lance le politologue Yvon Grenier de l’Université Saint-Francis-Xavier.

« Lorsqu’on regarde le pourcentage des voix, il n’y a pas une énorme différence. On n’a pas vu une élection en Nouvelle-Écosse mais 55 élections », analyse cet expert. « Dans plusieurs circonscriptions, la dynamique s’est jouée dans des luttes à trois alors les libéraux ont perdu énormément de sièges. La popularité des libéraux était amplifiée de façon peut-être superficielle parce que le gouvernement a assez bien fait durant la pandémie. »

À la FANE, on se dit prêt à travailler avec le nouveau gouvernement sur plusieurs dossiers jugés essentiels comme la modernisation de la Loi sur les services en français ou l’éducation, dont le postsecondaire et l’immigration francophone.

« On n’a pas de raison de croire qu’on n’aura pas de bonnes relations avec le gouvernement. Il (Tim Houston) a d’ailleurs prononcé son discours de victoire avec un drapeau acadien derrière lui. On connaît aussi très bien certains des députés », avance le président de la FANE Kenneth Deveau.

Le présidente de la FANE, Kenneth Deveau. Gracieuseté

Ce dernier pointe notamment en direction du député francophone Colton LeBlanc, un ancien paramédic élu dans la circonscription d’Argyle qui pourrait avoir de bonnes chances d’être le porte-voix acadien du gouvernement Houston.

« Je pense qu’il est une étoile montante dans le parti. C’est un membre engagé de la communauté et c’est un ancien diplômé de l’Université Sainte-Anne. »

Selon Yvon Grenier, cette élection est un avertissement pour les confrères au fédéral du gouvernement Rankin, le premier ministre libéral sortant non réélu.

« C’est une leçon d’une certaine façon pour M. Trudeau. Ça veut dire que si un gouvernement se lance en élection en plein milieu de la pandémie en pensant bénéficier de la popularité COVID-19 pour obtenir une majorité comme au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Colombie-Britannique, il semblerait que cette formule ne fonctionne plus. »

Une bonne nouvelle pour les francophones?

ll s’agissait de la première élection depuis la restauration des quatre circonscriptions protégées, dont les trois acadiennes : Argyle, Clare et Richmond. La suppression de ces trois comtés en 2012 avait été annulée en 2017 après une décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse. Malgré un bilan positif avec ces trois circonscriptions, certains travaux restent à faire pour avoir un processus pleinement bilingue.

« Ça l’a été un peu difficile avec les vacances. On n’a pas nécessairement un portrait provincial, mais on a un travail d’analyse à faire », concède le président de la FANE.

Pour ce dernier, le plan de campagne des troupes de Tim Houston est venu rejoindre les communautés francophones à travers la province.

« Les circonscriptions acadiennes en Nouvelle-Écosse sont des coins très ruraux dans des communautés qui vivent de la pêche, de l’agriculture et de la foresterie. La plateforme conservatrice rejoignait très bien la Nouvelle-Écosse rurale et ça se reflète très bien quand on regarde la carte électorale. »

Un bon bilan pour les libéraux?

Cette élection marque aussi la fin du règne libéral au pouvoir depuis 2013 qui visait ainsi une troisième victoire électorale en huit ans, une situation qui a peut-être nui aux chances de réélection de M. Rankin.

« C’est excessivement rare pour un parti de se faire réélire une troisième fois. Il y avait peut-être une usure du pouvoir », explique Yvon Grenier.

Ce dernier pointe vers les dossiers de l’environnement, la bonne santé économique et l’augmentation de la population via l’immigration comme les bons coups des libéraux au cours des huit dernières années. Le côté « autoritaire » de ces derniers, les négociations des conventions avec le secteur public sont des points plus négatifs, note le politologue.

Iain Rankin, l’ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse. Source : Twitter Iain Rankin

Pour les francophones, il pense que les relations se sont améliorées au cours des années, lui qui donne en exemple le pouvoir en place avant l’arrivée de Stephen McNeil en 2013.

« Il faut remonter au règne du gouvernement Dexter. C’est sous ce règne-là que les circonscriptions acadiennes avaient été éliminées. Ensuite, ça s’était ramassé en justice et la Cour avait jugé que ce n’était pas constitutionnel de les avoir enlevées alors on les a remises en place. Les libéraux n’ont jamais présenté d’obstacles à la restauration des circonscriptions protégées (…). Ils se sont montrés plus souples et amicaux vis-à-vis des communautés francophones et acadienne de la province que le gouvernement de M. Dexter. »

Du côté de la FANE, on retient beaucoup de positif de ce règne de près d’une décennie.

« Il y a des dossiers qui ressortent sur lesquels on a fait énormément de progrès. Je pense notamment au postsecondaire. Il y a aussi la petite enfance, un dossier dans lequel on espère conserver notre élan. Je pense aussi notamment à l’immigration sous le règne McNeil-Rankin. L’immigration francophone a augmenté pendant cette période-là. On a dépassé nos objectifs d’immigration francophone au cours des quatre dernières années », affirme M. Deveau.