Grève en éducation, acte 3
TORONTO – Une quarantaine d’écoles francophones sont à nouveau paralysées aujourd’hui, dans le sud de la province, en raison d’un troisième jour de débrayage du personnel non-enseignant dépendant de la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (FEÉSO)
Une vingtaine d’écoles du conseil scolaire Viamonde sont fermées aujourd’hui, de Sarnia à Bowmanville, en passant par Toronto. Et presque autant du côté du conseil scolaire catholique MonAvenir, de Waterloo à Peterborough.
« La décision de fermer les écoles aux élèves est fondée sur le fait qu’en l’absence de certains groupes clés d’employés, il est impossible d’assurer le bon fonctionnement des écoles, y compris la sécurité et le bien-être de tous les élèves », explique-t-on au conseil scolaire MonAvenir, privé de son personnel de soutien administratif, pédagogique et technique dans 19 écoles élémentaires et secondaires.
Perturbations évitées dans le Nord et l’Est
Le reste des conseils scolaires franco-ontariens est épargné cette fois, la grève étant rotative. Des piquets d’information seront toutefois positionnés dans certaines écoles ouvertes normalement, afin d’expliquer aux parents les raisons du mouvement.
« Toutes nos écoles seront ouvertes et notre programme avant et après les heures de classe Place des jeunes sera offert », confirme le Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario
Même annonce du côté du Conseil scolaire catholique de district des Grandes Rivières.
« Bien que les membres du personnel de soutien des écoles du CSCDGR sont représentés par la FEÉSO, les activités scolaires se dérouleront selon l’horaire et le fonctionnement habituels. »
Négociations : un faux départ lundi
Les négociations avaient pourtant repris en début de semaine. Lundi, les différentes parties ont abordé une seule question : celle de la taille des classes. Mais devant la rigidité des participants, la médiatrice a suggéré d’annuler la rencontre prévue le lendemain pour ne reprendre qu’en début d’année prochaine.
« Le gouvernement tient à couper plus de 5000 postes d’enseignants dans la province de l’Ontario », déplore Pierre Côté, le secrétaire général de la FEÉSO. « Ça représente 30 000 cours de moins et des programmes éliminés. Et pour les francophones, c’est encore pire car, dans les petites écoles, la perte d’un ou deux enseignants signifierait une perte de cours. »
« On estime que le système actuel dessert bien la communauté » – Pierre Côté, le secrétaire général de la FEÉSO
Il précise que son syndicat représente les enseignants anglophones du secondaire et, dans les écoles francophones, seulement les employés non-enseignants, un personnel de première ligne pour accompagner des enfants en grande difficulté ou atteints de troubles comme l’autisme.
« Notre position est claire depuis le début », dit-il. « On demande le statu quo : 22 élèves par classe est une bonne moyenne. On aurait pu dire : on veut baisser la taille des classes à 18 ou 16. Mais ce n’est pas ça qu’on a fait. On estime que le système actuel dessert bien la communauté. »
« Le gouvernement n’a jamais démontré qu’augmenter le nombre d’élèves par classe serait bon pour l’éducation », ajoute le syndicaliste venu soutenir les grévistes mobilisés à Waterloo.
La médiation privée jugée ironique
Le ministre de l’Éducation Stephen Lecce a demandé à la FEÉSO d’accepter son offre de médiation privée et de concentrer ses efforts sur l’amélioration de l’apprentissage en classe plutôt que sur la rémunération.
« Le salaire n’est pas notre principale revendication », dément M. Côté. « On se bat sur le nombre de travailleurs sociaux, de psychologues et d’éducateurs à la petite enfance. La sécurité de l’emploi est une question majeure. »
Le représentant syndical comprend mal pourquoi le gouvernement veut une médiation privée.
« Ça coûte jusqu’à 5000 $ par jour, alors que le ministère du Travail a ses propres services de médiation. Ces médiateurs chevronnés, employés de la Couronne, sont neutres et indépendants de par leur statut. »
Les enseignants franco-ontariens devant un choix
C’est dans ce contexte que les 12 000 enseignants des écoles de langue française sont appelés à voter, à partir d’aujourd’hui et jusqu’à vendredi, en faveur ou non de la grève.
Leur instance représentative, l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), est le dernier syndicat à ne pas avoir tenu un tel scrutin interne.
La Fédération des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEÉO), la Ontario English Catholic Teachers’ Association (OECTA) et la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (FEÉSO) ont tous trois obtenu l’aval de leur base pour mener des actions de grève. Ils ont aussi déposé, au même titre que l’AEFO, des recours judiciaires pour contester la Loi de 2019 qui restreint leurs salaires à une augmentation de 1 %.
Un mandat de grève donnerait un poids supplémentaire à son conseil d’administration dans les négociations, mais ne serait vraisemblablement pas déterminant dans la conclusion d’un accord dans l’immédiat.
« On espère obtenir un accord avec l’AEFO parce que les élèves francophones de l’Ontario méritent d’être en classe », a indiqué pour sa part le ministre de l’Éducation Stephen Lecce, en entrevue mardi avec ONFR+. « On a besoin de protéger leur langue, leurs connaissances et leur identité, spécialement compte tenu des droits des minorités en Ontario. On a un engagement vis-à-vis d’eux. »