« Il y a encore des cicatrices de la déclaration unilingue », Sault Ste. Marie adopte une résolution pour améliorer les services en français
SAULT STE. MARIE – 34 ans, jour pour jour, après la déclaration ayant rendu la Ville unilingue anglophone, le conseil municipal de Sault Ste. Marie a fait adopter lundi soir, à l’unanimité, une résolution visant à tourner, définitivement, une page sombre pour la communauté francophone de la région.
Rendre les services en français accessibles en tout temps, voilà le contenu de cette résolution que le maire a promis de concrétiser sans que cela n’impacte financièrement le paiement de taxes des citoyens.
La résolution proposée par le conseiller Duke Dufour et appuyée par la conseillère Lisa Vezeau-Allen n’a pas rencontré d’obstacles et a été saluée par l’ensemble du conseil municipal dont le maire, Matthew Shoemaker, est le seul membre francophone.
« Si un francophone vient à l’hôtel de ville, on aura un membre de l’équipe qui pourra lui répondre en français », explique le maire en entrevue avec ONFR qui ajoute que la municipalité va désormais pouvoir déplacer, temporairement, un des dix membres du personnel de l’hôtel de ville qui parlent couramment la langue française pour servir la population.
Bien qu’il ne soit pas question d’embaucher du personnel supplémentaire, le maire espère que cette mesure saura encourager plus de francophones à venir solliciter les services de la Ville.
Celui-ci a tenu à rappeler, dans son discours, que l’histoire de la ville, qui compte aujourd’hui seulement 2,9 % d’habitants dont le français est la première langue officielle parlée, est intimement liée au français. Il a cité, en exemple, l’arrivée en 1622 du premier explorateur, le Français Étienne Brûlé mais aussi le fait que la ville porte un nom à consonance francophone.
« Il y a encore des cicatrices de la déclaration unilingue, c’est quelque chose que je voulais réparer », lance M. Shoemaker. Et de continuer : « C’était une erreur qui a eu des implications dommageables pour notre ville relatifs aux services fédéraux et provinciaux qui ont été établis à Sudbury et ailleurs au lieu d’ici. »
Le conseiller Corey Gardi s’est livré avec émotion sur le fait que son grand-père, membre du conseil municipal qui avait voté en faveur de la résolution de 1990, avait fini par regretter, des années plus tard cette « erreur non nécessaire ». « Je suis heureux de faire des excuses personnelles pour lui et je suis heureux que nous fassions des excuses en tant que communauté au sens large », s’est-il confié.
« Il reste du travail à faire pour réparer la relation entre la ville et les francophones de notre communauté », a conclu de son côté le maire.
Une réputation toujours ternie?
Leo Grazela, un Franco-Ontarien de Kapuskasing, avait l’habitude de se rendre à Sault Ste. Marie pour pratiquer le ski. Depuis la déclaration de 1990, il dit choisir de se rendre de l’autre côté de la frontière à Rouyn-Noranda, au Québec : « C’est une belle piste au Sault, mais c’est difficile d’encourager des anti-Français. »
Jessica D’Amour-Torrance, présidente du Centre francophone de Sault Ste. Marie, accueille favorablement la résolution du maire : « Depuis quelques années, nous voyons beaucoup de progrès dans le travail de collaboration entre la ville et la population francophone de Sault Ste. Marie et cela nous démontre que cela ne pourra que s’améliorer. »
Une citoyenne francophone de Sault Ste. Marie, Dania Kuzbari Haidar, applaudit la mesure du conseil, mais souhaiterait voir encore plus d’efforts pour conserver la langue car « perdre le français serait vraiment dommage. La diversité peut aider à raviver la langue française à Sault Ste. Marie ».
En 1990, le conseil municipal, sous l’impulsion du maire Joe Fratesi, avait voté en faveur d’une résolution communément appelée résolution « unilingue anglaise », après une pétition signée par plusieurs dizaines de milliers de citoyens ainsi que par l’Association pour la préservation de l’anglais à Sault Ste. Marie.
Plus tard, en juin 1994, la Cour de l’Ontario, Division générale, avait annulé la résolution du conseil municipal de 1990 et en janvier 2010, le maire John Rowswell s’est excusé auprès de tous les francophones du Canada au nom de la municipalité de Sault Ste. Marie.