Emily Laxer, directrice de l'Observatoire sur le populisme, avec, à sa gauche, Efe Peker, chercheur de l’Université d’Ottawa et, à sa droite, Rémi Vivès, chercheur de l’Université York, tous deux impliqués dans ce nouveau pôle. Gracieuseté

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI?

Emily Laxer, directrice anglophone et francophone du nouvel Observatoire bilingue sur le populisme, titulaire de la chaire de recherche de York sur le populisme, les droits et la légalité et professeur agrégé au département de sociologie du Campus Glendon de l’Université York.

LE CONTEXTE :

Idéologie politique controversée et mal comprise aux multiples visages, qui peut parfois s’aligner sur des idéologies opposées, le populisme était jusqu’alors marginal au Canada. Mais de plus en plus de partis et de leaders empruntent cette rhétorique pour mobiliser les votes et obtenir l’approbation de la population.

L’ENJEU :

Lancé fin septembre dernier, l’Observatoire sur le populisme permettra de générer des recherches empiriques et théoriques pour comprendre le rôle croissant du populisme et son influence dans la société canadienne.

« Est-ce qu’il s’agit du seul observatoire francophone du Canada et/ou de l’Ontario?

Bien qu’il y ait d’autres centres de recherche et projets qui concernent différents aspects du terrain politique au Canada, il s’agit en effet du seul observatoire national bilingue de ce type et de cette portée à travers le Canada, disponible en français et en anglais.

Comment est née l’idée de sa création?

Après avoir reçu une chaire de recherche de l’Université York avec des subventions pour explorer les questions du populisme, du droit et de la légalité, j’ai embauché plusieurs assistants de recherche et de là est née l’idée de l’Observatoire. En collaboration avec deux collègues chercheurs, Rémi Vivès de l’Université York et Efe Peker de l’Université d’Ottawa, nous avons décidé de débuter ce projet plus large pour créer une communauté travaillant sur ce sujet avec des membres affiliés basés dans différentes universités.

Nous souhaitons également promouvoir des recherches existantes et organiser des minis colloques sur le populisme au Canada pour rassembler des chercheurs de diverses universités qui travaillent dans les deux langues.

Quel est votre objectif de recherche principal?

Même si on ne peut pas encore parler de montée du populisme en soi, il y a une montée extraordinaire d’intérêt sur le sujet. On a remarqué qu’une majorité des recherches scientifiques francophones et anglophones à travers le monde a été effectuée dans la dernière décennie. Au Canada, il y a même une croissance des recherches Google sur le populisme par exemple. Les gens s’y intéressent, surtout depuis l’élection de Donald Trump ou encore le Brexit. Les médias véhiculent également ce vocabulaire, décrivant certains mouvements tels que la création du Parti populaire du Canada ou encore le Convoi de la liberté, comme populistes.

Cependant, nous n’avons que peu de clarté et de précision sur ce dont on parle et sur la façon de mesurer l’impact du populisme sur ces événements. Notre but est de comprendre à l’aide d’outils scientifiques la portée du mouvement populiste dans le contexte canadien.

Nous publierons régulièrement sur le site internet nos notes de recherche, ce qui est peu commun, pour que le public puisse apprendre également. La version française sera d’ailleurs disponible d’ici une semaine.

Comment définir le populisme?

La littérature sur le populisme est vaste et controversée. Pour la définition générale, il s’agit d’un ensemble de discours, de styles et de stratégies qui cherche à créer un antagonisme entre deux groupes : un peuple défavorisé et une élite corrompue. Mais, partant de là, on peut observer du populisme de différents bords, de gauche ou de droite.

Ce qui est toutefois commun chez les dirigeants et militants est ce message : ils affirment être les seuls à offrir des solutions légitimes aux menaces posées par les élites, se réclamant une position morale plus élevée et créant un fossé entre différentes parties de la population.

Dans les populismes de gauche, on a tendance à avoir une définition du peuple basée sur des intérêts économiques. Dans ceux de droite, on a tendance à avoir une définition du peuple centrée sur des questions d’ethnicité et de culture.

Nos recherches ne consistent pas à catégoriser des politiciens ou des partis. Selon nous, il s’agit d’un phénomène très nuancé qu’on peut voir à travers le spectre politique. L’aspect important est de comprendre dans quelles circonstances on observe des manifestations de populisme.

Est-ce que le risque d’une politique basée sur l’émotionnel ne serait pas de s’éloigner du factuel?

Cela se pourrait en effet, mais cela dépend des cas. Le populisme et la désinformation sont des phénomènes distincts par exemple. On les voit souvent ensemble, mais l’un n’implique pas nécessairement l’autre.

Je dirais cependant qu’il est vrai que la méfiance du populisme à l’égard des grandes institutions, dont les médias, peut entrainer une tendance à la désinformation. Les leaders associés au populisme sont connus pour leur tendance à remettre en question les discours des médias traditionnels ou de questionner les résultats des élections ou de critiquer les universités, etc. Mais de notre côté, c’est une démarche empirique de déterminer où différents acteurs politiques se situent dans la sphère canadienne. »