Immersion en français au Nouveau-Brunswick : une réforme « radicale »

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La décision du Nouveau-Brunswick de graduellement supprimer son programme d’immersion ne passe pas auprès d’un organisme de parents et du fédéral qui qualifie la réforme de « radicale » d’un programme « qui n’a pas fait ses preuves ».

Hier, le ministre de l’Éducation Bill Hogan a annoncé que le programme serait moins immersif, mais serait ouvert à un plus grand nombre d’élèves anglophones dès 2023-3024.

Le gouvernement estime qu’il n’y a pas suffisamment d’enfants anglophones qui deviennent bilingues dans la province. Pour ce faire, il modifie son programme pour obliger tous les anglophones, dès la maternelle, à apprendre 50 % du temps en français et l’autre en anglais. Ainsi, le gouvernement de Blaine Higgs veut que les anglophones terminent leurs études avec un niveau minimal de français à l’oral.

Pour l’organisme Canadian Parents for French, le nouveau programme est une « régression qui abaisse la barre et les normes pour les anglophones qui apprennent le français ».

« C’est embarrassant… Ils n’auront même pas besoin de savoir lire et écrire en français. Ça veut dire que les anglophones ne deviendront pas bilingues. Le bilinguisme exige plus que du français conversationnel », déplore Chris Collins, le directeur général de l’organisme au Nouveau-Brunswick.

« La réforme radicale annoncée par le gouvernement Higgs propose un nouveau système qui n’a pas fait ses preuves » Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles au fédéral

À l’heure actuelle, la plupart des enfants en immersion sont exposés près de 90 % du temps à une matière dans la langue de Molière. Chris Collins estime que le système d’immersion en français à l’heure actuelle fonctionne, mais il n’est pas assez offert aux jeunes de la province.

« Il faut offrir l’immersion dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick en utilisant tous les nouveaux enseignants que le ministre a promis dans les prochaines années. »

BIll Hogan a annoncé que le nouveau programme nécessitera la venue de près de 60 nouveaux professeurs, mais Canadians Parents for French estime que ce nombre est plutôt de 200 à 300. L’organisme dénonce que le dossier a été décidé politiquement à l’avance avant que les experts soient consultés. Une absence de processus qui aura des répercussions importantes, selon Chris Collins.

« Les anglophones ne pourront plus être considérés pour des emplois bilingues dans le futur. Il y a un coût culturel, il faut unir les deux cultures dans la province et il n’y a pas mieux que de converser dans la même langue. Finalement le coût économique, d’avoir une province soi-disant bilingue, mais de ne pas pouvoir trouver des gens pour faire le travail dans les deux langues officielles. »

Ottawa dénonce un changement « radical »

Le dossier rebondit aussi à des centaines de kilomètres, au gouvernement fédéral, qui envoie chaque année des millions de dollars aux différents gouvernements provinciaux pour assurer les coûts de l’apprentissage de la langue seconde.

Il y a quelques semaines, Blaine Higgs avait indiqué son souhait de supprimer l’actuel programme. À la suite, Ottawa avait clairement indiqué que la fin du programme signifiait la fin de l’enveloppe monétaire. Dans une déclaration écrite, la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor dénonce le geste posé par Fredericton, mais refuse de dire si les vives financières seront coupées.

« La réforme radicale annoncée par le gouvernement Higgs propose un nouveau système qui n’a pas fait ses preuves et qui aura des répercussions sans équivoque sur le bilinguisme de nos jeunes et leurs opportunités d’apprentissage. »

Dans son Plan d’action sur les langues officielles en 2018, un document qui guide les actions du gouvernement en francophonie, Ottawa avait fait de l’apprentissage du français hors du Québec une priorité avec comme objectif d’accroître le taux de bilinguisme hors Québec de 6,8 % à 9 % d’ici 2036. Le fédéral a augmenté ses investissements en éducation, notamment dans la construction d’espaces éducatifs.

La ministre Ginette Petitpas Taylor en compagnie du premier ministre Justin Trudeau. Gracieuseté

Dans sa déclaration, la ministre indique être en train d’évaluer la réforme du Nouveau-Brunswick alors que les deux paliers de gouvernement négocient pour 2023 leur entente sur les transferts en éducation. Cette dernière ajoute que l’actuel programme avait fait ses preuves en reflétant « son statut de seule province bilingue au Canada ».

« Le Nouveau-Brunswick doit continuer de montrer l’exemple en matière de bilinguisme et d’immersion », pousse la députée de Moncton-Riverview-Dieppe.

En entrevue avec ONFR+ en début de semaine, elle contredisait la récente position du gouvernement Higgs en soulignant le besoin d’augmenter l’accès à l’immersion

« Les données du recensement ont montré que ce n’est pas tout le monde qui a accès à des services (…) Je l’entends au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, il y a des parents qui se lèvent à 2h du matin pour avoir accès à des services d’immersion pour leurs enfants », affirmait-elle.