Lent départ pour l’immigration francophone au Canada en 2022
L’immigration francophone en Ontario et au Canada depuis le début de l’année continue de nouveau d’être loin des cibles établies par les gouvernements fédéraux et provinciaux.
Après le premier trimestre de 2022, près de 2,56 % de l’immigration canadienne était composés de francophones à l’extérieur du Québec. Ce nombre est un peu plus élevé en Ontario avec 2,81 %.
Dans les trois premiers mois de l’année, l’immigration francophone a toutefois connu une progression à la hausse passant de 2,2 % à 2,28 % et à 3,16 % au mois de mars. Idem en Ontario avec une légère augmentation de 1 % en mars, pour se chiffrer à 3,66 %.
La cible canadienne actuelle pour l’arrivée de nouveaux arrivants parlant français hors du Québec est de 4,4 %. La cible n’a jamais été atteinte depuis son intégration en 2001, un manque total de près de 120 000 personnes, selon un décompte du Commissariat aux langues officielles. En Ontario, la cible provinciale est de 5 %.
« Le chiffre à observer est vraiment en Ontario, car les francophones se perdent souvent dans la masse d’immigrants anglophones », souligne Luisa Veronis, titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’Université d’Ottawa.
Elle fait notamment allusion à une pétition de près de 700 signataires francophones et candidats des provinces qui dénonçait le lent traitement de leurs dossiers.
« Les pétitionnaires étaient des candidats des provinces de l’Ontario qui étaient en particulier retardés dans l’évaluation. Tandis qu’au Nouveau-Brunswick, ça fonctionne très bien avec les candidats des provinces. C’est peut-être là le manque à gagner », soutient-elle.
Des chiffres du mois dernier ont révélé que près de 20 000 dossiers de candidats francophones dormaient dans les tiroirs d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
« Il se peut que tout débloque et que le deuxième trimestre ait des chiffres extraordinaires, ça semble prometteur… Les candidats sont là, ils ont envoyé leurs demandes. Ils sont en attente, » remarque Mme Veronis.
Entrée express comme solution pour le ministre
En comité sénatorial lundi soir, le ministre de l’Immigration Sean Fraser a dit qu’il fondait beaucoup d’espoir sur une modification législative présentée lors du budget de 2022.
Cette nouvelle disposition pourrait « aider à sélectionner les candidats qui répondent le mieux aux besoins du marché du travail canadien parmi le bassin croissant de candidats qui souhaitent devenir résidents permanents dans le cadre du système Entré express », peut-on lire dans le budget.
« Ça va être un changement majeur ce qui va me permettre à moi et les futurs ministres d’avoir un outil plus précis de ceux qui veulent entrer au Canada en faisant un ciblage. Si on voulait avoir plus de professeurs et travailleurs de la santé francophones dans certaines régions, on pourrait utiliser cet outil pour atteindre notre objectif », accentue Sean Fraser.
Ce dernier ajoute qu’il y a toujours une consultation à l’heure actuelle pour développer une nouvelle stratégie en immigration francophone. Pour Luisa Veronis, Sean Fraser fait bien de miser sur le programme d’Entrée express pour aider la cause.
« Ce qui se passe maintenant avec Entrée Express, c’est que ça l’inclut plusieurs groupes et c’est probablement pour ça que le défi a augmenté. Il y a des candidats indépendants hors du Canada, les candidats des provinces, les étudiants internationaux qui ont reçu leur diplôme et ceux qui étaient là avec un permis temporaire. Alors c’est un chiffre élevé, car ça l’inclut beaucoup de catégories différentes »
Changer la façon de faire
Plus récemment, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a demandé au fédéral de revoir à la hausse son objectif. La FCFA propose une cible graduelle de 12 % en 2024 avant d’atteindre 20 % en 2036 dans le but de réparer le manque d’arrivées dans le passé. Elle propose aussi de catégoriser l’immigration francophone pour la détacher de celle qui est anglophone.
« Il faut vraiment un changement dans la manière de faire les choses », réclame la présidente de la FCFA Liane Roy.
« Il faut vraiment regarder à des programmes qui sont par et pour les francophones, poursuit-elle. Si on avait une politique en immigration francophone qui regarderait l’ensemble des programmes comme on avait demandé… C’est là qu’on pense que ça pourrait faire une différence, car on pourrait avoir des chiffres plus près de nos cibles. »
La chercheuse Luisa Veronis croit qu’une autre initiative serait de sensibiliser davantage les entreprises en besoin.
« Je me demande si les employeurs francophones sont en fait au courant qu’ils peuvent eux aller piger les candidats et leur offrir des emplois, ce qui augmente le nombre de points des candidats. Ça pourrait aider à débloquer la pénurie de main-d’œuvre. »