20 000 francophones en attente d’une réponse d’Immigration Canada
Près de 20 000 immigrants francophones souhaitant s’installer dans une province hors Québec attendent toujours qu’on traite leur dossier. Ce sont précisément 19 996 demandeurs de résidence permanente qui sont en attente du fédéral, dont 11 872, en Ontario, selon des données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Au total, 429 984 dossiers, tous langages confondus, s’accumulent à IRCC. Les demandeurs de résidence permanente francophones constituent 4,6 % du total des dossiers traités. De plus, cette proportion inclut 109 969 allophones et 19 972 demandeurs n’ayant pas précisé leur langue. En Ontario, les 11 872 dossiers francophones en question correspondent à 5,8 % du total des demandes, selon des données obtenues par ONFR+.
« Si on pouvait atteindre un nombre comme ça, ça aurait un impact certain pour nous », estime le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin.
« Ces gens-là arrivent avec une expertise de toutes les sortes et Dieu sait le nombre d’endroits où on a besoin de main-d’œuvre en français, comme le secteur de la santé, de l’éducation et des organismes à but non lucratif. Ça donnerait un coup de pouce sur le plan économique et nos communautés sont prêtes à accueillir ces gens-là », ajoute le représentant de l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens.
Il presse le fédéral d’agir rapidement pour les 12 000 candidats francophones en Ontario.
« Il faut que le fédéral augmente la capacité du système à traiter des demandes » – Carol Jolin. président de l’AFO
« Je suis content de voir que le nombre de candidats pouvant être acceptés pourrait faire en sorte qu’on dépasse la cible de 5 %. C’est sûr que ça serait de bon augure si on pouvait accepter et admettre ces gens-là rapidement. Si le fédéral est sérieux dans son besoin d’immigration, il faut qu’il augmente la capacité du système à traiter des demandes. »
La semaine passée, Ottawa avait annoncé que les sélections dans le cadre d’Entrée express reprendraient bientôt et que les invitations pour des candidats présentant des demandes de résidence permanente débuteraient en juillet. Le fédéral avait interrompu certains programmes au cours des deux dernières années en raison de la pandémie.
Il faut rappeler que le Canada vise une cible de 4,4 % en immigration francophone d’ici 2023, un objectif jamais atteint depuis son élaboration en 2001. En Ontario, l’objectif est de 5 %, jamais atteint lui non plus. Les premières données de 2022 ne sont guère plus encourageantes alors que l’immigration francophone canadienne représentait 2,2 % en janvier et 2,28 % en février.
Trois ans d’attente pour un candidat
C’est le cas de Issoufa Assalik, qui habite au Niger et qui tente d’immigrer au Canada depuis 2019, lui qui a été accepté dans la catégorie économique via Entrée express. Sa femme, ses quatre enfants et lui attendent des réponses du bureau d’Immigration Canada à Dakar au Sénégal, où son dossier est traité, mais c’est le silence total.
« C’est le flou total. On a des enfants, on a des besoins et des projets, mais depuis trois ans, tout est à l’arrêt », soupire-t-il.
Ce travailleur en informatique à un emploi dans le domaine qui l’attend avec une entreprise à Edmundston au Nouveau-Brunswick. Il a obtenu la désignation de la province le 23 septembre 2019.
« J’ai signé un contrat en novembre, ça fait pratiquement six mois. C’est difficile pour eux de recruter localement, car la demande est très forte, mais c’est aussi difficile pour eux de faire venir. Ma procédure avec Entrée express aurait dû prendre normalement six mois, mais ça fait trois ans que ça dure. »
Le programme Entrée express a souvent été vanté par le fédéral par le passé pour l’immigration francophone avec notamment son délai de traitement à l’intérieur de six mois. Le ministre de l’Immigration Sean Fraser avait pointé il y a quelques semaines vers une meilleure flexibilité dans ce programme comme moyen d’améliorer l’immigration dans la langue de Molière.
Issoufa Assalik dénonce certains problèmes comme le fait qu’il en soit rendu à effectuer une troisième visite médicale avec sa famille à ses propres frais en plus de ne pas avoir accès à son passeport depuis un an, qu’il aurait besoin dans le cadre de son travail.
« Pour ma famille, je suis aussi obligé de bloquer 32 000 $ dans un compte. Je ne peux pas toucher à cet argent. Alors je ne peux faire aucun projet. Ensuite, on a des opportunités, mais on ne sait pas comment s’y prendre », déplore-t-il.
Il dit avoir ciblé le Canada notamment pour les nombreuses opportunités d’emplois, mais il déplore l’impact du silence du bureau d’Immigration Canada à Dakar.
« Les enfants nous disent : « Papa, tu avais promis que l’année prochaine on serait au Canada, on irait étudier ailleurs, mais on est toujours dans la même école ou encore qu’on prendrait l’avion ». Alors on ne peut pas se focaliser sur une date. Est-ce que ça va être un été ou un hiver? On ne le sait pas. C’est vraiment quelque chose de déplaisant », conclut le résident du Niger.