Immigration francophone hors Québec : Ottawa atteint sa cible pour la première fois

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STURGEON FALLS – Après 20 ans d’attente, Ottawa a finalement atteint sa cible d’immigrants francophones hors Québec, fixée à 4,4 %. Avec 4,44% de nouveaux arrivants francophones en 2022, il s’agit de la plus haute proportion depuis 2003, mais aussi du plus grand nombre depuis 2006 a annoncé le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC) Sean Fraser.

C’est à l’École secondaire catholique Franco-Cité de Sturgeon Falls, dans le Nord de l’Ontario, que le ministre en a fait l’annonce lundi matin. Fixée en 2003, cette cible n’avait encore jamais été atteinte. En 2021, le Canada n’avait même pas atteint une proportion de 2% d’immigrants francophones.

« Depuis 2015, l’immigration francophone a connu une croissance de près de 450 %, c’est incroyable. Il n’y a pas une autre politique avec une croissance aussi fulgurante, » s’est félicité le ministre Fraser en conférence de presse.

Le ministre a indiqué que l’ajout de plus de points pour les candidats francophones dans le système d’Entrée Express est l’un des facteurs contribuant à l’augmentation de l’immigration francophone au pays.

Dans le projet de loi du gouvernement visant à moderniser la Loi sur les langues officielles, le fédéral s’engage à adopter une nouvelle politique en immigration.

« L’annonce d’aujourd’hui est un pas dans la bonne direction et nous donnera l’élan nécessaire pour adopter une nouvelle politique en immigration francophone robuste, présentée dans le projet de loi C-13, avec des objectifs, des cibles et des indicateurs précis qui permettront d’assurer la pérennité de la langue française » a laissé savoir Ginette Petitpas Taylor, la ministre des Langues officielles dans un communiqué.

Toutefois, le projet de loi ne mettrait pas en place une stratégie contraignante, signifiant que ne pas atteindre les cibles n’aurait aucune conséquence comme c’est le cas depuis 2003.

Le ministre Sean Fraser en compagnie de sa secrétaire parlementaire Marie-France Lalonde et du député Marc Serré. Crédi image : Inès Rebei

Une cible insuffisante?

Des organismes avaient pourtant fait part de leur envie de voir Ottawa revoir à la hausse ces cibles. La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada avait de son côté demandé à ce que le fédéral rehausse son objectif à 12 % dès 2024 et 20 % en 2036.

« Nous devons viser encore plus haut. Il en va de notre survie », soutient le vice-président de la FCFA Yves-Gérard Méhou-Loko. « On a atteint le camp de base, et maintenant nous sommes prêts à viser le sommet, en se donnant une nouvelle cible plus élevée qui permettra de rétablir le poids démographique des communautés francophones et acadiennes. »

Pour le moment, l’inventaire d’IRCC ne comporte pas assez de francophones pour que le pays puisse accueillir autour de 12 % de nouveaux arrivants francophones l’an prochain, concède le ministre Fraser. Il prône une plus grande promotion du Canada dans les pays francophones du monde, comme en Afrique par exemple via la nouvelle stratégie en immigration francophone.

« On va continuer de travailler avec les parties prenantes pour développer une nouvelle cible plus ambitieuse et réaliste », a affirmé Sean Fraser.

Une étude réalisée par le Commissariat aux langues officielles concluait que ces échecs consécutifs au cours des années constituaient un manque de près de 120 000 immigrants francophones.

« Il est maintenant temps de viser une cible plus ambitieuse afin de maintenir le poids démographique de la population d’expression française à l’extérieur du Québec et de combler le manque à gagner qui s’est accumulé depuis près de deux décennies », a réagi lundi le commissaire Raymond Théberge

Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge demande au gouvernement Trudeau de hausser sa cible en immigration francophone. Source : Twitter Justin Trudeau

Un bond du nombre des nouveaux arrivants

Il y a eu un bond significatif du nombre d’admissions de résidents d’expression française à l’extérieur du Québec avec 16 300 au cours de la dernière année. Ces nouveaux immigrants étaient un peu plus de 2 800 en 2006, première année de recensement de données, soit une augmentation de 3,02 % (1,38 % à 4,4 % entre ces deux années).

Il s’agit du plus grand nombre d’immigrants francophones hors Québec accueillis au pays depuis le début de l’histoire du Recensement.

Justin Trudeau avait prédit que le Canada atteindrait cette cible début novembre, quelques jours après le dévoilement des nouvelles cibles en immigration. Le nombre de nouveaux arrivants bondira à 465 000 pour 2023, 485 0000 en 2024 et 500 000 en 2025, soit près de 1,5 million en trois ans, une hausse massive par rapport aux dernières années pandémiques.

Les données du dernier recensement de 2021 paru en août dernier révélaient un déclin du français parlé à l’échelle du pays. On y apprenait que bien que le français soit la première langue officielle parlée d’un nombre croissant de Canadiens, la proportion que les Canadiens francophones représentent a diminué de 2016 (22,2 %) à 2021 (21,4 %).

Article écrit en collaboration avec Pascal Vachon.