Immigration francophone : Ottawa insinue une légère augmentation de la cible fédérale
OTTAWA – Le ministre de l’Immigration Marc Miller indique que le fédéral songe à la possibilité d’augmenter la cible en immigration francophone hors Québec de 4,4 % à 6 %, soit près de la moitié de ce que demandent les communautés francophones.
La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) attend du gouvernement qu’il établisse une cible de 12 % de nouveaux arrivants francophones dès 2024, dans le but de rattraper le poids démographique des francophones. Les données de la firme Sociopol, qui a réalisé une étude sur l’immigration francophone, suggèrent qu’un objectif en dessous de 8 % ne permettrait pas de freiner le déclin du poids démographique des francophones mais simplement de le ralentir.
Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) entrevoit très mal de viser un chiffre aussi haut, car même augmenter la cible à 6 % serait compliqué, affirme-t-il.
« J’aimerais monter à 6 %, mais ça, c’est une augmentation de 50 % d’une cible difficilement réalisable. Ça va prendre de l’ambition et ça va prendre des mécanismes en place pour assurer la pérennité du système quitte à pouvoir l’augmenter par la cible », a-t-il répondu devant les députés en Comité des langues officielles.
À aucun moment depuis 2001, à l’exception de 2022, le gouvernement fédéral n’a atteint sa cible de 4,4 % d’immigration francophone hors Québec, un manque total de 120 000 immigrants depuis près de 20 ans. Dans une étude, le Commissariat aux langues officielles affirmait que ces échecs répétitifs avaient contribué au déclin du français au Canada.
« Aller de 4,4 % à 6 % est faisable, mais ça va être difficile », prévient Marc Miller. « Je ne suis pas confiant qu’on peut l’atteindre pour l’instant. Mais je suis confiant que la fonction publique va pouvoir mettre en place les mécanismes pour rencontrer ces défis et par la suite augmenter les seuils plus facilement, que ça soit à 7 ou à 8 %. »
Le principal problème est le manque de francophones dans « l’inventaire » du bassin de candidats de son ministère, souffle celui qui est arrivé à ce poste en juillet dernier. C’est pourquoi à plusieurs reprises Marc Miller a insisté sur la mise en place de « mécanismes » – sans nécessairement préciser ceux-ci- qui permettrait d’attirer une plus grande proportion de francophones au Canada pour ainsi pouvoir augmenter et atteindre la cible.
« Ça va prendre un effort concerté de refaire notre façon d’attirer des gens qui parlent français au Canada, que ça soit d’Afrique de l’Ouest ou encore dans d’autres parties du monde », avance-t-il.
Au lendemain des propos de M. Miller en comité parlementaire, la FCFA a indiqué qu’elle n’était pas « rassurée » par les intentions du ministre ajoutant qu’un objectif de 6% « ne serait ni suffisant, ni acceptable ».
« On parle ici d’un enjeu existentiel pour la francophonie canadienne. Nous ne doutons nullement de la bonne volonté et de l’engagement du ministre Miller, mais il faut qu’il aille plus loin », a déclaré sa présidente Liane Roy.
La politique en immigration francophone, pas pour demain
La Loi sur les langues officielles, récemment modernisée, oblige IRCC, via l’immigration francophone, à rétablir le poids des francophones hors Québec à 6,1 % comme c’était le cas en 1971, alors que c’est actuellement de 3,6%. Le ministre doit adopter, quand bon lui semble, les nouvelles obligations pour une politique en matière d’immigration francophone, un aspect que semblait ignorer Marc Miller lui-même. Pressé par le député conservateur Joël Godin, le ministre a peiné à répondre s’il était au courant que l’adoption de cette politique faisait partie de son rôle.
« Le saviez-vous que cet article-là n’est pas en vigueur présentement? » l’a poussé le député conservateur.
« Peu importe, j’ai cette vision et vous allez voir dans les nouveaux indicateurs qu’on va avoir un objectif réaliste », a-t-il répondu, ajoutant qu’il « ignore » lui-même à quel moment cette politique serait déposée.
Le ministre Miller a aussi confirmé ne pas avoir encore reçu sa lettre de mandat du premier ministre après près de 10 semaines de sa nomination.
« J’ai mes propres priorités… J’ai quatre priorités que j’ai communiquées directement au premier ministre », a-t-il soutenu.