Jour de la Terre : le secteur agricole sera toujours vulnérable aux conditions météorologiques

En Ontario, il existe plus de 50 000 fermes, selon le dernier recensement sur l’agriculture de Statistique Canada. L’Ontario, c’est aussi la moitié des terres agricoles — de la plus haute qualité (classe 1) — du Canada. Toutes ces fermes ont un point en commun : vivre au gré du temps.

La production agricole de l’Ontario

Le paysage agricole de l’Ontario est vaste et diversifié. De nombreuses fermes commerciales de volailles, porcins, bovins laitiers et de viande jalonnent nos contrées. La culture du soja (majoritaire dans la région), le maïs et le blé ainsi que plusieurs légumes, fruits et fleurs poussent de façon satisfaisante dès la saison entamée. Néanmoins, ce portrait verdoyant renferme de nombreux défis.

Selon l’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO), « l’agriculture primaire contribue à hauteur de 8,5 milliards de dollars au PIB de l’Ontario ». Un montant qui révèle l’importance du secteur. C’est pourquoi il est devenu nécessaire de protéger les terres agricoles.

Ces terres, « sont une ressource limitée et non renouvelable qu’il faut protéger, et à l’instar des autres secteurs, l’agriculture doit bénéficier d’un soutien pour continuer d’améliorer ses pratiques », rappelle l’UCFO dans son rapport Les priorités de l’UCFO, visant les élections provinciales 2022.

La relève et la main-d’œuvre manquent à l’appel

Véronique et Francis Dupont, de la ferme Alfran à St-Bernardin, admettent que l’agriculture n’est pas un domaine facile et qui a son lot de défis. Leur ferme de production principalement laitière est de taille moyenne. Leur 350 acres, où ils cultivent du soja, maïs, blé et foin, sont en grande partie destinées à leurs vaches.

Pour eux, « il faut investir dans la relève et faire connaître ce domaine aux plus jeunes. Tous les jours, des exploitants doivent lâcher ou vendre leurs parcelles ».

Elle reprend : « Faute de relève, on voit les géants de l’agriculture prendre la place. »

D’après l’UCFO, il faut encourager l’entrepreneuriat de la relève. « La valeur moyenne de terres agricoles en Ontario a augmenté de 22,2 % en 2021. Cela impose un fardeau d’endettement irréaliste pour la relève. »

Véronique et Francis Dupont. Gracieuseté

Le prix des terres agricoles en Ontario est trois fois plus important que la moyenne canadienne. Ce que confirme Véronique, pour qui, la compétition est rude, « c’est compliqué d’accéder à de nouvelles terres ».

Statistique Canada, révèle dans son dernier recensement que l’âge moyen des exploitants est de 55 ans. Sur plus de 70 000 exploitants agricoles en Ontario, seulement 5 % sont âgés de moins de 35 ans.
 
À cela, s’ajoute le besoin en immigration, là aussi au cœur des débats sur l’agriculture. Pour Danik Lafond, directeur général de l’UCFO, « d’ici 2025, l’Ontario aura besoin de pourvoir 46 600 postes agricoles, soit 38 % de l’ensemble de la main-d’œuvre agricole requise ». L’immigration de cultivateurs s’en vient vitale et « la pandémie n’a pas facilité l’arrivé des travailleurs étrangers », rajoute Véronique Dupont.
 
Pourtant, nous avons constaté l’importance de l’agroalimentaire et des produits locaux durant la pandémie. M. Lafond soutient qu’« il faut devenir plus souverain dans nos exportations, on est capable de produire de nombreux aliments sur notre territoire. »

Le réchauffement climatique, ce long coup de grâce

En mai 2021, l’Ontario vivait une gelée tardive. « Dans notre région, nous avions commencé la saison des semences assez tôt, le blé était même rendu haut et le maïs avait été planté de bonne heure. De nombreux cultivateurs ont dû ressemer le maïs à cause de cette gelée inattendue. Les rendements n’étaient pas au maximum. »

Pour Danik Lafond, ces variations climatiques sont de mauvais augures, les redoux en janvier peuvent être catastrophiques. Il nous explique qu’« en octobre, nous plantons le blé d’automne, capable de survivre à des températures froides. Ce blé protège les sols, car c’est une couverture végétale. Il survit et reprend vie dès le printemps. Le problème maintenant, c’est que les redoux font fondre la neige, qui isolait les cultures. Mais lorsque la neige fond ou s’il pleut, l’eau gèle par la suite et c’est là, que les cultures brûlent. »

Danik Lafond et sa famille. Gracieuseté

Comme la jeune fermière l’explique, chaque année l’agriculture joue à la loterie. Le réchauffement climatique apporte des intempéries désastreuses, mais aussi de bonnes surprises.

« Dernièrement, on a eu des automnes beaucoup plus chaud, ce qui nous a permis de tirer un peu plus sur nos récoltes et d’avoir plus d’unités thermiques. On ne pouvait pas faire ça, 15 ou 20 ans en arrière. »
 
La ferme Alfran est alerte sur les prévisions météorologiques. « L’angle noir de tout agriculteur, c’est la météo. C’est un enjeu, puisqu’on doit souvent s’adapter et s’assurer le moins de risque possible. »

Dernièrement, la famille Dupont renouvelait ses tracteurs afin de minimiser son impact sur l’environnement, « il nous fallait des machines moins polluantes, c’est une réelle préoccupation pour nous ». 

« On essaie d’avoir un impact moindre. En utilisant l’engrais naturel de nos vaches, on s’affaire à moins utiliser d’herbicides et on fait beaucoup de rotations de cultures ce qui est bon pour le sol. »

En effet, les rotations de cultures diversifiées permettent d’augmenter les rendements, d’améliorer la santé des sols et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. On observe un renforcement du carbone du sol, ce que soutient Danik Lafond, puisque « la monoculture est dommageable pour les terres agricoles ».

L’agriculture subit les changements climatiques depuis très longtemps. Mais ces trois dernières années semblent avoir été éprouvantes pour le secteur. La pandémie a ralenti certaines productions, le manque de main-d’œuvre, l’absence de programme pour s’assurer une relève et l’inflation qui perturbe le domaine. En cette journée de la Terre, il semble bien évident que de nombreux défis se dressent encore face au monde agricole, pourtant vital.